Dr. Ahamadou Diya Dicko : «Je suis né enseignant et je vais mourir enseignant…»

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Dr. Ahamadou Diya Dicko, non moins chef  de département du cycle supérieur de l’institut national de formation des travailleurs sociaux (Infts), a accordé un entretien à nos reporters. Au cours duquel, ce natif de la commune rurale de Gabérou,  région de Gao, marié et père de quatre enfants, nous parle de son parcours scolaire, sa vie professionnelle et d’autres sujets. Lisez !

Reporter Mag : Dr. Dicko, pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire ?

J’ai commencé mes études primaires à l’école fondamentale de mon village natal. Après cela, j’ai continué au second cycle de Gabérou Zinda. De Gabérou Zinda, je me suis retrouvé au groupe scolaire AB de Sikasso là où j’ai eu mon diplôme d’études fondamentales (DEF) en 1985. De 1986 à 1989, j’ai fait mon lycée au lycée franco-arabe de Banamba.

En 1989-1990, j’ai fait à l’Ecole normale supérieure (Ensup), notamment au département Histoire et Géographie. Dans la foulée du mouvement de la révolution de mars 1991, j’ai été victime d’une année blanche de 1993 à 1994. Et cela a fait que j’ai terminé à l’Ensup en 1995.

De 1995 à nos jours, je suis dans l’enseignement en tant que professeur d’enseignement secondaire. Après je suis allé m’inscrire à l’Institut supérieur de formation et de recherche appliquée (Isfra), d’où j’ai obtenu mon DEA, de 2000 à 2003. Alors, de 2004 à nos jours, je suis à l’Institut national de formation des travailleurs sociaux (Infts). Juste après ces études de DEA, j’ai été m’inscrire dans la même école pour faire mon doctorat en Géographie rurale. Et cela m’a permis d’avoir en avril 2016 mon doctorat, et je continue toujours à servir à l’Infts en tant que chef département de la licence professionnelle, avec le titre d’attaché de recherche auprès de l’Infts.

Pourquoi avez-vous choisi d’être enseignant ?

Je suis né enseignant et je vais mourir enseignant car c’est une passion chez moi. J’ai aimé ce métier depuis que j’étais à l’école primaire parce que c’est le seul domaine, pour moi, où l’homme peut s’affirmer et être utile aux autres. Servir les autres sans se servir, c’est ça que j’appelle l’enseignement. Donner sa connaissance sans rien regretter, c’est de l’enseignement. En le pratiquant, ça ne fait qu’augmenter ta connaissance. C’est un sacerdoce. Tu apprends avec tes étudiants, avec tes élèves et avec tes collègues. Par contre, dans l’administration, tu peux apprendre, mais il y a des intérêts derrière. Pourtant, à l’école il n’y a aucun intérêt. Tu fais juste un travail, c’est tout.

Est-ce que vous avez été confronté à des obstacles qui vous ont vraiment marqué ?

Oui, j’ai été confronté à des obstacles parce que j’ai connu le chômage. Quand il y avait le premier mouvement de l’Aeem dans les années 1990, nous avons été victimes des grèves et nous étions dans le système de vacatariat. La fonction publique, dont je suis cadre aujourd’hui, je l’ai intégrée en 2000. De 1995 à 2000, j’étais contractuel ou vacataire. Je ne sais pas quel nom on nous donnait même.

Finalement, quand les étudiants allaient en grève, certains de mes camarades me disaient : «mais monsieur, attention, c’est comme chez le berger. Quand les vaches rencontrent le soir, il n’y aura pas de lait». Je voudrais tout simplement dire que quand les étudiants allaient en grève, les promoteurs d’écoles privées étaient contents parce que nous n’avions pas le droit en ce moment de signer le cahier d’émargement des heures. Du coup, le revenu devenait maigre. Je suis fils d’éleveur et je suis fier de moi aujourd’hui parce que je suis devenu Docteur. On dit que l’école est apolitique, mais c’est le contraire qui se produit sur le terrain.

Est-ce que vous avez fait un pas dans la politique ?

Malheureusement, non. Je ne fais pas de la politique parce que je ne l’aime pas. Mais, une chose est claire, la politique est indispensable dans notre pays. Je vote pour les autres. Je remplis toutes les conditions pour être candidat, mais je n’ai pas voulu l’être. Je pense que je peux servir mon pays sans m’afficher politiquement. J’aime mon métier d’enseignant. Je le dis tout le temps à mes collègues, que je suis né enseignant et je vais mourir enseignant. Je suis fils de berger et le berger est un enseignant pour les animaux. Je suis fier quand je me trouve en classe et c’est le métier que j’adore le plus.

On dit que l’école malienne est malade car le niveau très bas. Qu’en pensez-vous ?

Le niveau très bas, ça dépend. Moi je ne trouve pas que ce soit général. C’est peut-être le système qui a changé. Il y a un système aujourd’hui qu’on appelle le système LMD. Je ne l’ai pas apprécié à son arrivée parce que je rappelle, quand on faisait la formation, j’avais dit à celui qui venait faire la formation à l’Infts qu’on ne connaissait pas ce système universitaire. Au moment où on patauge dans le système classique à l’université, on nous amène le système LMD. Sinon, il y a des gens qui ont du niveau parmi les étudiants aujourd’hui. Mais on accuse tout le monde. Il faut faire la part des choses. Nous, les enseignants, nous devons revoir nos copies afin de faire comprendre aux étudiants que le monde évolue.

Avez-vous des projets à entreprendre dans les jours à venir ?

Oui, car je suis dans la recherche depuis 2010. J’ai vraiment l’intention d’intégrer un projet de groupe de chercheurs, mais qui ne va pas m’empêcher de faire mes cours. Je voudrais toujours apporter ma pierre à la recherche dans mon pays. Parce qu’on dit généralement que celui qui ne cherche rien et qui ne sait pas ce qu’il cherche, ne trouvera rien. Je sais ce que je cherche parce que j’ai fait la Géographie. Le Mali est un pays de cultivateurs et notre force est dans l’agriculture. Il faut manger au moins pour se développer et c’est nécessaire. La nourriture fait partie des besoins vitaux de la vie.

En tant que citoyen, avez-vous des suggestions à propos de la situation politico-sécuritaire du nord du Mali ?

C’est un peu déplorable. En réalité, je souhaite quand même que les choses changent. Ça me fait maintenant 12 ans que je n’arrive pas à aller chez moi à Gao, particulièrement dans mon village natal. Et pourtant, j’ai ma famille là-bas. Primo, il n’y a pas de route, je ne suis pas sûr d’aller et revenir en bonne santé. Secundo, il y a de l’insécurité là-bas. Mais parfois, des gens mal intentionnés exagèrent la situation pensant que le nord-là, c’est l’enfer. Mais, au moins, il serait mieux qu’on ait la sécurité. Même si c’est une situation qui est internationale et qui n’est pas liée seulement au contexte malien.

Pour clore cet entretien, quel est votre dernier mot s’il vous plaît ?

Mes derniers mots, je m’adresse à l’Infts. Cette école a vraiment besoin de beaucoup de choses. C’est une des rares écoles qui donne des cours pendant les vacances. On a quitté le ministère de la Solidarité pour nous retrouver au ministère de l’Enseignement supérieur. En ce moment, on représente une goutte d’eau dans l’océan. Si on regarde les cent mille étudiants dans les universités et nous, on a à peine quatre-cents étudiants pour les trois niveaux. Nous voudrions que notre département de tutelle nous encourage en nous appuyant sur tous les plans. Je lance un vibrant appel aux étudiants de s’accrocher davantage au travail, car on n’a rien sans peine.

Propos recueillis par O. DIAKITE et Assétou Y.  SAMAKE/stagiaire 

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