Djibril Aziz Badiane, président de l’ONDH, Vice-président de l’UIDH et chef de projet :«Il faut une vision partagée de l’intégration africaine…» 

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Dans l’entretien exclusif qui suit, le chef de projet ONDH 9 ACP ROC 16 non moins président de l’Organisation Nationale des Droits de l’Homme du Sénégal (ONDH) et Vice-président de l’Union Interafricaine des Droits de l’Homme (UIDH), Djibril Aziz Badiane donne sa perception sur ce projet, les avantages qu’il comporte et jette un regard critique sur le rôle et la place que doivent jouer les acteurs non étatiques (ANE) dans le processus d’intégration en Afrique de l’Ouest auprès des décideurs pour un meilleur développement de nos populations. Militant convaincu des droits de l’homme, Djibril Aziz Bandiane a été Secrétaire général de l’ONDH à sa création (le 7 mars 1987), avec pour présidente Me Mame Bassine Niang (Avocate de formation), présidente fondatrice de l’ONDH et actuelle Ministre Haut Commissaire aux Droits de l’Homme et à la Promotion de la Paix du Sénégal. Il a tenu à rendre un vibrant hommage à Me Mame Bassine pour avoir été une pionnière de la promotion, de la protection et de la défense des Droits de l’Homme en Afrique. Lisez !

Le Prétoire : Parlez-nous brièvement de votre projet.
Djibril Aziz Bandiane :
Vous conviendrez avec moi que 23 ans dans la vie d’une organisation, c’est peu, mais suffisant pour faire une rétrospective des activités développées en vue de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations qui passe nécessairement par le respect des droits de l’homme, les principes et les règles de la démocratie et de la bonne gouvernance. C’est en cela que les membres de l’ONDH se sont investis et aujourd’hui la décentralisation opérée nous permet d’être ici à Bamako grâce au soutien de l’Union Européenne, de la CEDEAO et donc de tous les Etats membre de cette institution.

Le projet s’inscrit en droite ligne de la participation des Acteur Non Etatiques (ANE) dans le processus de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. En effet, présenté comme l’un des plus sûrs leviers du développement politique et socio-économique de l’Afrique, le processus d’intégration régionale demeure dans les faits très éloigné des préoccupations des populations. Un prétexte pour l’ONDH pour contribuer à combler le déficit flagrant de communication entre les différents acteurs notamment, les décideurs politiques et les populations, mais aussi entre les Acteurs Non Etatiques. La perception que nous avons dans ce projet renvoie à asseoir une union douanière efficace qui prenne en compte la nécessité de mettre en place des mécanismes d’information, d’éducation et de formation, de plaidoyer et de lobbying pour assurer la synergie des interventions des acteurs, condition majeure pour y impliquer toutes les couches de la population avec un accent particulier sur celles communément appelée groupes vulnérables, plus spécifiquement les femmes, les jeunes et autres acteurs que l’on retrouve dans différents secteurs de l’économie dite informelle.

Quel est le bénéfice que les populations peuvent tirer de ce projet ?
Je vous ai parlé de quatre ateliers que nous avons appelés ateliers pays. Au-delà de ces ateliers pays, nous avons d’autres activités que nous instituons dans le cadre de la mobilisation sociale, de l’information, de la sensibilisation, de l’éducation et de la formation des communautés à la base. Après ces quatre ateliers, nous allons avoir un atelier de restitution et de capitalisation des résultats regroupant les représentants des quatre pays ciblés que sont le Sénégal, le Mali, la Gambie et le Burkina. Parallèlement à cela, des foras seront organisés au profit des populations pour savoir exactement ce qu’elles pensent de l’intégration, ce qu’elles pensent des droits humains, de la bonne gouvernance et de la traite des personnes ainsi que de la manière dont elles arrivent à faire face aux défis et aux enjeux qui se posent en matière d’organisation et de participation efficace à l’action de développement. Cela va se tenir au mois de mai dans les zones frontalières du Sénégal, du Mali, de la Guinée et de la Gambie. Je vous dirais seulement que Diaoubé est un carrefour qui reçoit presque tous les mercredis, des commerçants venant de la sous-région. Ils viennent de partout. Au plan de l’approche, nous allons informer ces populations de façon organisée par des contacts, des enquêtes qui seront développées avant, pendant et après le jour du marché. Il faut aussi entendre, dans le cadre de notre perception, la centralité des droits humains en lien avec la démocratie, la bonne gouvernance, l’accès à la justice et à travers comment arriver à régler les problèmes relevés et les mécanismes à mettre en œuvre permettant de mobiliser les populations, de procéder à des lobbyings et plaidoyers auprès des décideurs étatiques et politiques. La volonté politique et l’engagement des gouvernants étant un passage obligé, sinon, les résultats escomptés ne seront pas atteints. Autant, il faudra agir pour qu’il y ait la volonté politique, autant il faudra agir pour que l’engagement pris par les Acteurs Non Etatiques (ANE) soit réel, efficace et se traduire en actes concrets sur le terrain. Cet aspect est extrêmement important. Voilà la place des populations et vous me direz peut-être qu’un projet de 6 mois est très peu, mais c’est important. Je disais tout à l’heure à la clôture que ce qui est plus difficile dans la construction d’un pont c’est de commencer. Nous l’avons commencé et nous allons poursuivre. Nous pensons que nos amis maliens, burkinabés et gambiens vont nous accompagner et ensemble on pourra élargir le cercle vers le Niger, la Côte d’Ivoire, le Bénin pour que soient rétablies la paix et la concorde entre nos populations ; c’est ce que nous souhaitons. J’espère bien que dans les programmes ultérieurs à cet espace qu’on a mis en place, l’aspect prévention et la gestion des règlements des conflits aura une place extrêmement importante. C’est une thématique que nous allons développer, parce que l’Afrique en a besoin. Si nous prenons l’exemple de tous ce qui se fait autour de nous, il important que nous fassions un effort pour renforcer les capacités des populations et les Acteurs Non Etatiques pour qu’ils puissent entrevoir et prévoir. Gouverner, c’est prévoir et ce qui manque très souvent, c’est cet aspect prévention. La prévention est souvent absente. Nous voyons le feu venir au lieu de l’arrêter, on commence à tergiverser parce que simplement, on n’arrive pas à pouvoir mesurer les causes d’une crise grave. Parce que si on ne fait pas face aux crises, elles débordent sur des conflits et tout le monde sait ce que le conflit peut comporter. Quand les armes tonnent, on ne peut plus parler de droits humains. Partout où il y a crise, les droits humains sont bafoués. Donc, l’objectif de ce projet est de palier à tout cela.

Concrètement, qu’est-ce que vous attendez de cet atelier de capitalisation et qui sont les participants ?
Ce que nous attendons de cet atelier, nous l’avons déjà. C’est-à-dire promouvoir l’espace qui a été constitué au terme des quatre ateliers pays. En effet, nous voudrions une vision partagée de l’intégration africaine qui va s’élargir ensuite aux 16 pays de la CEDEAO. La question que nous avons posée aux participants en disant quelles seront les personnes à même d’accompagner le projet à travers l’espace de concertation. Vous avez vu que des personnes ont répondu. Il reste maintenant à comptabiliser tout cela et le rendre opérationnel. Il faudrait d’abord que tous les actes de l’atelier soient mis à la disposition de chacun d’entre nous. Il faut arriver à faire la capitalisation et que le document d’étude qui regroupe une analyse comparées des quatre pays puisse être mis à la disposition des gens. Probablement, il se dégagera une esquisse de plan d’action qui nous permettra d’être sur le chemin de l’intégration avec programme peut-être de deux, trois ans, voire quatre-cinq ans. Ce n’est pas moi qui le dis, on lance les lignes d’actions et on demande aux gens de réagir en conséquence. C’est en fonction de ça qu’on ira vers les Etats et pourquoi ne pas se déplacer à Abuja pour que la CEDEAO puisse nous entendre.

Parallèlement à la CEDEAO, ce serait incomplet si on n’a pas un œil rivé sur UEMOA parce que ces deux entités sont une. Je pense qu’il faudrait qu’on arrive, aujourd’hui, à faire en sorte que la complicité que nous avons au sein des institutions, qu’on puisse les redoubler. Si l’UEMOA et la CEDEAO jouent leur rôle en mettant en phase la synergie de leur intervention, ça marchera. La simple raison, c’est que les pays de l’UEMOA font également partie de la CEDEAO. Il faut faire en sorte que l’UEMOA puisse s’élargir et essayer d’amener les autres pays qui sont dans d’autres zones. Et il faut se dire qu’il faut viser une monnaie commune, quelque soit les difficultés. C’est à ce prix qu’on pourrait arriver à quelque chose de bon. Prenons le cas de l’Europe, l’Euro est là aujourd’hui, pourquoi les africains ne peuvent pas faire la même chose ? C’est une réalité. L’autre élément de fond est la gente féminine. La libre circulation des personnes et des biens est un phénomène très important. Je connais des centaines de femmes qui font le tour des foires entre le Sénégal, Mali, Burkina et Niger. D’après le professeur AT Diarra, c’est un circuit et un mouvement de population qu’il faudra gérer. Mais, il faut les gérer avec des groupes, les jeunes et femmes. Ça rentre dans le cadre d’une culture que l’Afrique a connue.

Je suis de ceux qui pensent que quand une problématique est posée, il appartient aux décideurs de réfléchir autour de cette problématique pour trouver des solutions durables, mais pas de solution de rattrapage. Dans la plupart des cas, c’est l’absence des moyens qui est posé, mais celle-ci ne doit pas se justifier tant qu’il y a des problèmes extrêmement importants à résoudre et surtout quand ils concernent les individus. C’est cet important objectif que l’ONDH veut atteindre. Nous sommes très satisfaits de la participation surtout des ANE, de l’Etat et du point focal. La prochaine fois, nous prendrons d’autres dispositions qui nous permettrons d’être plus visibles, parce que la visibilité est très importantes dans ces genres d’exercices. Elle le sera encore plus, si à mon départ, il y a quelqu’un qui a le courage de dire aux autres que Badiane est parti, est-ce qu’on ne va pas se réunir pendant une journée, deux heures de temps pour faire des propositions. Cela ne peut pas demander de l’argent. C’est quand on le fait que l’on devient crédible. En ce moment, nous pouvonsaller vers l’Etat ou la Communauté internationale pour leur expliquer ce que nous avons mis en place et qu’est-ce qu’ils peuvent faire pour nous. Parce que ce sont ces genres d’espace qui pourront nous permettre d’aborder ces problèmes, car ils constituent des obstacles dans la promotion des ANE. Nous avons entendu dans les débats que la part des ANE est encore dans les balbutiements, donc je crois qu’il faut faire un effort. L’effort, c’est que celui qui a quelque chose essaye, de la partager avec d’autres. Cette solidarité de cœur, d’actions, de vision d’expériences et d’expertises devraient permettre aux ANE de jouer le rôle prépondérant qu’ils doivent jouer dans les politiques. Les politiques sont faites pour les hommes et les populations. Donc, tout acteur qui appartient à une dynamique sociale doit pouvoir jouer son rôle et cela doit être connu des décideurs politiques et administratifs. En cela, je tire un chapeau au parlement malien où nous avons enregistré la participation d’un député et de surcroît un avocat. Pourquoi le parlement ? C’est à ce ni veau là que se décide et se vote les lois. Si les députés sont en dehors de l’exercice et de la réflexion, demain quand on leur soumettra un projet de lois qui porte sur quelque, ils ne seront pas avisés. Il faudrait que dès à présent, qu’on puisse les intégrer dans toutes les opérations à la réflexion et la conception et qu’eux-mêmes aillent vers les gens, parce que le parlementaire est élu par le peuple et il doit donc aller vers le peuple. Le peuple étant démuni, c’est à lui d’aller vers lui pour lui apporter la bonne information.

Propos recueillis par Mamadou DIALLO «Mass»

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