Tiédo Daou est le secrétaire au développement de l’Association pour le développement de Somasso (ADS). Il nous parle des sites mystérieux de Somasso et leurs rôles dans la protection du village.
Indicateur du Renouveau : Le Bèlèni représente quoi pour vous ?
Tiédo Daou : Le Bèlèni est un bois sacré qui existe depuis les temps immémoriaux. Nos ancêtres ont essayé d’adorer ce bois qui servait de protection pour le village. Le génie protecteur du village existe dans ce bois. Chaque année, on fête le Bèlèni en invitant tous les enfants du village, même les femmes qui sont mariés ailleurs. C’est un moment de communion et de retrouvailles. C’est aussi un moment de renforcement des liens de parenté. C’est tout simplement pour faciliter la cohésion sociale.
Indicateur du Renouveau : Qu’est-ce qui fait que le village de Somasso reste collé à la tradition malgré le développement socioculturel ?
- D. : Cela n’est pas propre à nous seul. Partout au Mali, les villages sont généralement attachés à leur culture. Chez nous, c’est pareil. Dans le temps, quand le roi Tiéba du Kénédougou faisait ses razzias, il prenait tous les biens des villages qui tombaient sous ses pieds. Lorsqu’il a voulu s’attaquer à notre village, il a d’abord envoyé certains soldats pour la prospection. Ce sont ces gens qui ont vu que notre village était entouré par des chevaux blancs. Mais, personne ne les chevauchait.
Ceux qui sont venus prospecter sont repartis prévenir le chef de guerre afin de le dissuader d’attaquer Somasso. C’est alors qu’ils ont demandé aux villages voisins de nouer des amitiés avec notre village pour leur sécurité. Donc, ce Bèlèni protège Somasso, car le génie protecteur du village se trouve dans ces bois. Chose curieuse : quand on vient en ami dans notre village, on ne voit pas ses chevaux et même les habitants ne les voient pas. Par contre, les ennemis qui viennent pour la guerre les voient distinctement.
Indicateur du Renouveau : Parlez-nous du Kotètou ?
- D. : Le Kotètou est une société secrète. C’est lorsqu’on est circoncis qu’on est initié au Kotètou (souvent à l’âge de 15 jusqu’à 18 ans). Pendant ce temps, on est jeune et on est initié au koté. On vous confie alors des secrets et celui qui les dévoile est directement détecté. Il n’est plus possible pour ce dernier d’occuper une fonction de responsabilité dans la société, car on estimait que celui-ci n’était pas capable de protéger un secret. Celui qui parvient à garder le secret était respecté et appelé à diriger. On apprenait aussi aux initiés l’endurance et la souffrance. Le but, c’est d’apprendre aux enfants d’être endurant, respectueux et confiant.
Indicateur du Renouveau : Qu’est-ce les bois sacré encore appelé cachequè dans le Miniankala ?
- D. : Comme vous l’avez dit, le cachequé signifie dans notre langue la cachette. Nos ancêtres étaient de vrais guerriers. Pendant la guerre, quelle que soit notre bravoure, il y a des fois ou on est affaibli. Les bois sacrés étaient là pour servir de cachette, mais aussi de base arrière pour bien riposter et faire face à l’ennemi. A l’intérieur, l’ennemi ne pouvait pas vous apercevoir et vous pouviez facilement l’atteindre. C’était un lieu de refuge en ce moment difficile. Son secret est entre les mains du fondateur réel du village. Ce sont eux qui ont l’autorisation de pénétrer le cachequé. Même si le village est dirigé par d’autres personnes, ces derniers n’ont pas le droit et le pouvoir d’entrer dans ce bois.
Indicateur du Renouveau : C’est quoi le canari sacré du village ?
- D. : C’est la base même du village. Tous les villages ont un canari, mais les hameaux n’en n’ont ont pas. Chez nous on l’appelle cacholo. C’est là-bas que les vieux réunissent toutes les connaissances qui assurent la protection et la prospérité du village. Pour faire, le canari du village, on creuse d’abord un trou très long dans lequel on met un esclave qui tient sur sa tête le canari. On enferme alors le canari. Chaque année on immole un individu, mais avec l’évolution on immole un chien rouge à la place d’un humain. Aujourd’hui, c’est la chèvre.
C’est la base même d’un village. Si c’est un hameau, on a n’a pas besoin, car il est appelé à disparaître un jour.
Indicateur du Renouveau : Et le sacrifice à la porte du vestibule ?
- D. : Le vestibule est très important chez nous. Je vous rappelle que depuis le temps de Moïse, Dieu lui a demandé de verser du sang à toutes les portes. Lorsque les anges sont venus, ils ont tué les premiers mâles de tous les animaux et même des femmes. C’est pour vous dire que c’est à partir de là que nos ancêtres ont initié cela dans nos villages.
Chez les Miniankas, le changement est lent, car nous sommes trop conservateurs. A l’image de cette histoire, le vestibule du village est fait de telle sorte que des malheurs ne tombent pas sur le village. Cela permet aussi d’orienter et d’indiquer d’où les fondateurs sont venus. Si ça fait face à l’est, cela veut dire que les fondateurs sont venus de ce côté-ci, etc.
Propos recueillis par
Bréhima Sogoba