Daba Diawara ne croit pas en l’avenir du Mali. Le président du parti pour l’indépendance, la démocratie et la solidarité (Pids) est d’autant moins optimiste qu’il a une appréciation très négative de la gestion du président Ibrahim Boubacar Kéïta et de son gouvernement. Parce que « ce que le peuple avait espéré avec son élection ne se concrétise pas, ni sur le plan sécuritaire, ni sur le plan de la gouvernance ». Dans l’interview qu’il accorde ici à L’Aube, l’ancien ministre non moins directeur du Centre d’études et de recherches sur les institutions politiques et administratives africaines fait une lecture claire de la situation actuelle du Mali. Du contexte sécuritaire global à la nouvelle loi électorale, en passant par la vie de l’Opposition, le bilan d’IBK, la décentralisation, la régionalisation, les autorités intérimaires, les futures élections communales, l’Accord d’Alger, les concertations nationales, la réorganisation des forces armées et de sécurité et la symbolique du 22 septembre, tout y passe. Grosso modo, on en retient qu’ « il n’y a aucune cohérence dans ce qui se fait » actuellement au Mali. Où, c’est le cafouillage… Exclusif !
L’Aube : Le Pids vient de fêter ses quinze années d’existence. Comment se porte votre formation ?
Daba Diawara : Effectivement, le Pids a été créé le 2 septembre 2001 par d’éminentes personnalités qui ont quitté l’Union soudanaise RDA pour lancer une formation politique autonome. Beaucoup d’entre eux ne sont plus de ce monde. Il en reste encore certains, à qui je présente mes félicitations pour la part qu’ils ont prise pour l’avènement du 22 septembre 1960. Aujourd’hui, le parti se porte bien. On n’a pas d’élus à l’Assemblée, comme pendant la législature 2002-2007, mais nous avons environs 150 conseillers communaux, des Maires et des adjoints aux Maires, des conseillers de cercle et des membres d’Assemblées régionales.
Quelles sont vos plus grandes satisfactions et vos déceptions pendant ces années ?
Malgré les conditions difficiles qui ont présidé à la création du parti et quelques défections, le Pids a pu tenir et continuer à se développer. Nous enregistrons fréquemment de nouvelles adhésions et nous continuons notre implantation sur le territoire national. C’est cela le plus important. Cependant, notre appartenance à l’Opposition politique fait que certains cadres ont baissé le bras. Cela me chagrine un peu. Mais, nous restons un parti qui se bat dans des conditions difficiles qui, d’ailleurs, sont propres aux partis d’Opposition au Mali.
Vous êtes membre de l’Opposition républicaine et démocratique, pourquoi ce choix ?
La conférence nationale de notre parti, qui s’est tenue avant l’élection présidentielle, a décidé de soutenir le candidat Soumaïla Cissé. Après les élections, on a tenu un congrès ordinaire (ndlr : 4ème congrès ordinaire du Pids) qui a donné mandat à la direction nationale du parti d’observer l’évolution de la situation politique du pays et de prendre position. C’est après analyse de ce qui se passait et qui se passe encore dans le pays, que nous avons estimé que notre place est à l’Opposition républicaine et démocratique.
Selon certaines indiscrétions, le Pids et d’autres partis, notamment le Parena, Sadi et les Fare An ka Wuli seraient en pourparlers pour la création d’un front politique. Ces informations sont-elles fondées ?
Il faut d’abord préciser que la tendance actuelle, tant au niveau du pouvoir que d’une certaine presse, est de faire croire que l’Opposition est une entité monolithique. Alors que l’Opposition malienne est plurielle. Il y a des gens qui se réclament du libéralisme, d’autres se réclament du socialisme ou encore du socialisme démocratique. Toute la gamme des différents courants politiques se retrouve au sein de l’Opposition. Contrairement à ce que certains pensent, nous ne formons pas un regroupement de partis politiques de l’Opposition. C’est la loi qui a désigné un chef de file. Il est, si vous voulez, le porte-parole ; mais il ne peut porter que la parole sur laquelle on est tous d’accord. Cela a été bien précisé, dès la première réunion des présidents de partis politiques de l’Opposition. Dans de tels contextes, il est normal que les partis qui ont les mêmes sensibilités cherchent à se regrouper pour constituer des regroupements politiques et mener des actions.
En France, par exemple, Marine Lepen, Sarkozy, Mélenchon et Laura du parti communiste sont tous de l’Opposition. Mais ils n’ont en commun que le simple fait d’être opposés aujourd’hui au pouvoir socialiste. Au-delà, chacune de ces formations poursuit sa propre voie.
Le 4 septembre dernier marquait la 3èmeannée de l’investiture du président IBK. Quel jugement faites-vous de son bilan ?
Le bilan des trois premières années d’IBK ne nous donne pas satisfaction. Ce que le peuple avait espéré avec son élection, ne se concrétise pas, ni sur le plan sécuritaire, ni sur le plan de la gouvernance. Nous avons une appréciation très négative de la gestion du président de la République et de son gouvernement. C’est pourquoi, nous maintenons notre appartenance à l’Opposition républicaine et démocratique.
Quel regard jetez-vous sur la situation d’ensemble du pays au triple plan politique, social et sécuritaire?
On constate surtout une dégradation continue de la situation sécuritaire. Le Mali est en train de perdre pratiquement tout le nord. Si Kidal n’est pas déjà perdue, je ne sais pas comment le Mali peut retrouver cette localité. Au-delà, on ne voit pas où le pouvoir veut mener le pays. Il n’y a aucune visibilité de l’action publique. Personne ne comprend ce qui se passe. Pas plus tard que le mois dernier, on parlait de l’installation des autorités intérimaires. Et aujourd’hui, on parle d’organiser les élections communales sur l’ensemble du territoire. Comment vont-ils combiner les deux ?
Le Pids a dénoncé l’Accord d’Alger, parce qu’il porte les germes d’une partition du pays. Aujourd’hui, cette partition du pays se concrétise sur le plan diplomatique et juridique. La nouvelle loi électorale prévoit l’organisation des élections dans les localités où c’est possible. C’est dire qu’il y a des endroits où on ne pourra pas organiser les élections, parce que l’Etat ne contrôle pas tout le territoire. Et si l’Etat ne contrôle plus l’ensemble du territoire, cela veut dire qu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. Dans cette situation, je ne vois pas comment on peut organiser un référendum pour réviser la constitution. Nous sommes dans un cafouillage extraordinaire. Il n’y a aucune cohérence dans ce qui se fait.
Alors, que propose le Pids pour sortir de ce cafouillage ?
Il faut poser les vraies questions, qui sont occultées depuis des années. Un exemple. Depuis 1989, la décentralisation a été mise en avant comme la solution au problème du nord. Nous, nous croyons fermement que les gens se sont totalement trompés. Ni la régionalisation, ni la décentralisation, telle qu’envisagées, ne peuvent être la solution à ce problème.
Le fond du problème du nord, c’est avant tout les enjeux du pouvoir. Et le pouvoir, dans le cadre de la décentralisation, s’acquiert par la voie d’élections démocratiques. Donc, présenter la régionalisation ou la décentralisation comme une solution, c’est faire croire qu’il y a des parties du territoire où les rebelles sont majoritaires et qu’à la faveur de la décentralisation, ils pourraient exercer le pouvoir sur ces parties du territoire. Or, les rebelles ne peuvent gagner aucune élection sérieuse. Quand les gens vont se rendre compte de cela, peut-être que d’autres démarchent seront entreprises.
Aussi, on entend dire que la réorganisation des forces armées et de sécurité peut pallier le problème sécuritaire. Nous, nous estimons qu’une simple réorganisation ne suffit pas. Il faut plutôt une nouvelle politique de Défense. Sinon, quel que soit l’équipement qu’on donnera à cette armée réorganisée, elle ne sera en mesure d’assurer seule la sécurité du pays.
Quant aux concertations nationales, si elles peuvent permettre aux Maliens de se parler, de poser les vraies questions et de trouver les réponses qui conviennent, le Pids n’est pas contre. Mais, l’organisation d’un dialogue national est une chose, une autre est de penser à la gestion de ce qui en sortira.
L’assemblée nationale vient de voter la nouvelle loi électorale. L’opposition a émis des resserves et s’est abstenue pendant le vote. Qu’en pensez-vous?
Le Pids, comme tous les partis de l’Opposition, a beaucoup de réserves sur cette nouvelle loi électorale. Depuis vingt ans, les pouvoirs ne font que des aménagements mineurs qui ne peuvent pas permettre qu’il y ait des élections transparentes et crédibles au Mali. Le Pids a trois propositions majeures par rapport aux élections.
Premièrement, il faut remette à plat tout le système électoral. C’est-à-dire réécrire entièrement le code électoral.
Deuxièmement, il faut supprimer la CENI et la Délégation générale aux élections. Elles doivent être remplacées par une administration autonome de gestion des élections.
Et, enfin, il faut une loi pour annuler les listes électorales existantes et faire de nouvelles listes. Pourquoi de nouvelles listes ? Parce que les listes actuelles ont été tellement tripatouillées que jamais on ne verra clair là-dans. Et jamais, elles ne permettront au Mali d’avoir des élections transparentes, crédibles et sérieuses.
Quels sont vos vœux les plus ardents au moment où le Mali fête les 56 ans de son indépendance ?
Le 22 septembre, c’est la fête des patriotes qui, en 1960, ont décidé de créer un Etat indépendant et souverain. Et d’engager sur le plan économique, la décolonisation des structures de notre économie. La date du 22 septembre a une signification profonde pour nous, parce qu’elle a donné naissance à l’Etat indépendant du Mali. Un Etat qui, à l’époque, s’est dit libre de tous engagements avec toute puissance extérieure. C’était une indépendance qui soustrait notre peuple à toute forme de domination étrangère. La conséquence principale des résolutions du 22 septembre a été l’évacuation de bases militaires françaises, la création du franc malien et le début de la décolonisation économique.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Nous sommes dans un contexte où le Mali a signé un accord de Défense avec la France ; où les troupes françaises sont à Tessalit, à Gao…; où il n’existe plus de franc malien.
Cela doit pousser tout Malien à se remettre en cause, à s’armer de courage et de persévérance pour retrouver l’esprit du 22 septembre 1960. Cet esprit n’est autre que la création d’un Etat véritablement indépendant, qui n’est inféodé à aucune puissance étrangère, et qui n’est le protectorat ni d’une puissance étrangère, ni de la communauté internationale.
A l’occasion de ce 56ème anniversaire, je rends hommage à tous les pionniers de l’indépendance. Ils doivent nous servir d’exemple pour sauver le Mali et empêcher la partition programmée de notre pays.
Réalisée par Issa B Dembélé
Quand on est un analphabète chronique, il est difficile de comprendre certaines choses. Personne ne viendra vous réexpliquer les choses, le train de l’émergence est en marche.
Vous avez cette manie de minimiser le travail des autres quand vous n’êtes plus aux affaires. On vous connaît au Mali, avec cette même mentalité rétrograde qui ramène le pays au paléolithique.
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