CULTURE : L’histoire des orchestres du Mali revisitée par Ntji Diakité, administrateur culturel

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Reconnus par l’Etat sous Modibo Kéita, peu après l’indépendance, les orchestres au Mali ont connu des heures de gloire comme des heures de détresse. Favorisés par les grandes rencontres artistiques et culturelles, toutes les régions ou cercles avaient son ou ses orchestres. Comment ces orchestres ont vu le jour ? Nous sommes allés à la rencontre d’un administrateur culturel à la retraite, Ntji Diakité. Interview.

Indicateur du Renouveau : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Ntji Diakité : Je suis Ntji Diakité, administrateur culturel  à la retraite. Je suis présentement à la Maison des jeunes avec une association chargée de travailler dans le domaine de la culture.

Indicateur du Renouveau : Comment vous avez embrassé la culture ?

Ntji Diakité : En 1962, le Haut-commissariat de la jeunesse sous le régime Modibo Kéita a eu l’idée de revaloriser notre patrimoine. On a commencé d’abord à instituer des concours entre les pionniers des différents quartiers de Bamako. On se rencontrait en théâtre, en chant, en danse. Les finales étaient jouées dans la salle des combattants qui était la grande salle. Le président Modibo Keita, fort de son soutien, venait participer aux finales de ces compétitions. C’est à travers cela que j’ai aimé l’art et la culture.

Indicateur du Renouveau : Comment l’orchestre est né au mali ?

Ntji Diakité : L’histoire de l’orchestre au Mali est facile à relater parce qu’on peut la situer en partant du Soudan français. A un moment donné, il y avait beaucoup d’orchestres privés, c’était sous la colonisation. Il y avait l’orchestre de Madani Samaké, celui de Panka Dembélé, la Fiesta tropical et d’autres qui, avant l’indépendance, faisaient de la musique. La Fiesta tropicale était à Darsalam. Il appartenait à Moussa Diallo. Panka Dembélé, un grand trompettiste, et Madani Samaké, un grand saxophoniste animaient la ville de Bamako.

Ils faisaient les reprises des morceaux Toubab, avec seulement quelques morceaux au niveau de la culture soudanaise. Bakary trompette et d’autres grands comme  Bakary Sacko, lui aussi trompettiste, jouaient dans ce même orchestre. C’était pendant cette période que Baba Barry  a composé “Ni tara Bamako, Bamako ba djiba diara ila, i ka n’sama”, un morceau qui passe toujours sur les antennes. Ainsi on a continué jusqu’au moment de l’indépendance.

Indicateur du Renouveau : Et après l’indépendance ?

Ntji Diakité : Après l’indépendance, le président Modibo Keita a rassemblé les meilleurs orchestres  pour former la formation A de l’orchestre nationale, avec comme responsable Panka Dembélé de Tomikorobougou. La formation A animait ainsi les cérémonies officielles du gouvernement, du parti et de toutes les manifestations à caractère public organisées par la jeunesse ou par les femmes. Les quartiers ont commencé à créer leurs orchestres parce qu’il y avait l’engouement. C’est ainsi que le Pionnier Jazz de Bamako-Coura, le Darbande de Darsalam, l’Echo des grottes d’Hamdallaye, le Véla Star de Dravéla  et Ami Dencoura ont vu le jour.

Indicateur du Renouveau : Quels étaient les thèmes abordés par les orchestres ?

Ntji Diakité : Si dans le temps colonial les orchestres chantaient des chants français, la révolution culturelle sous l’Union soudanaise a revalorisé nos chants et nos danses afin de pouvoir les relever. C’est ainsi que pendant les biennales artistiques, le répertoire des orchestres était basé sur le folklore malien.

Ce folklore avait une richesse incommensurable. Par rapport à beaucoup d’autres pays, nos chants, danses et traditions artistiques ont permis aux gens de revenir à la maison et de travailler nos morceaux. Ces chansons à l’époque glorifiaient le travail, mettaient en valeur le bon travailleur, le bon pécheur, le bon agriculteur, le bon éleveur et les individus qui ont marqué sur le plan économique, social et culturel. L’unité nationale, l’unité africaine étaient des thèmes que les orchestres véhiculaient. Ce qui fait que ça a pris de l’ampleur.

Indicateur du Renouveau : Pouvez-vous revenir sur la période faste des orchestres ?

Ntji Diakité : En 1962 avec les biennales, le président Modibo Kéita, champion de la révolution culturelle et de la  revalorisation de nos mœurs, a jugé nécessaire de mettre en valeur nos chants et nos danses. Il a donc posé le problème au Haut-commissariat de la jeunesse afin d’initier les formations dans toutes les régions. Dès lors, les orchestres venaient et continuaient à participer aux biennales pour mettre en valeur nos chants et nos danses.

Enfin, il y a eu une troisième formation nationale, qui est  la formation C dirigée par Madani Samaké qui travaillait à l’époque au ministère de l’Information. Cette formation a composé un chant célèbre “Yiri nin turu bè ka yiri nin turu Mali yé, faso bara tuma sera”.

Indicateur du Renouveau : Quelles ont été les périodes de détresse de cette formation musicale nationale ?   

Ntji Diakité : Les événements du coup d’Etat de Moussa Traoré ont posé d’énormes problèmes au niveau des orchestres, parce qu’il n’y avait plus de parti, plus de soutien dans les quartiers et les orchestres s’effritaient. Avec le coup d’Etat, il fallait que tout soit privatisé. Les formations artistiques : le Ballet national, l’Ensemble instrumental, le groupe Kotèba à l’époque dramatique devaient tous appartenir aux privés.

Ainsi, Adez (paix à son âme) est parti faire un tour à Abidjan. Il y avait fait des succès. A son retour au pays, il a coïncidé avec les biennales artistiques en même temps qu’il chantait dans les orchestres à Sikasso. Il est venu à Bamako et créer un orchestre, appelé la formation B pour épauler la formation A qui a disparu par manque de financement après le coup d’Etat.

Indicateur du Renouveau : Aujourd’hui, que reste-t-il de ces orchestres ?

Ntji Diakité : A Bamako aujourd’hui, on peut dire qu’il y a des orchestres mais ce sont des petits groupes. Ils ne font plus de bals comme dans le temps. Ils ont tous rejoint les boites de nuit, les hôtels pour pouvoir assurer leur survie. Aujourd’hui, on regrette, parce que quand tu ouvres un concours, dix à quinze orchestres se présenteront mais aucun ne peut égayer le public ou mettre en haleine le public.

Interview réalisée par Ousmane Sagara

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