Chez les forces nouvelles à Bouaké : Gbagbo et les siens n’ont pas intérêt à quitter le pouvoir :

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Il se fait appeler  C. Bamba, un pseudonyme à ne pas en douter. Ce qui est pour le moins sûr, il est le chef de la cellule de communication des Forces Armées des Forces Nouvelles de Côte d’Ivoire (F.A. F.N-CI) à Bouaké. Après hésitation et détours empreints de méfiance, il a finalement accepté cette interview réalisée dans les locaux  mêmes de l’entité…  D’accord pour l’interview, prévient-il, mais pas de photo  portrait ! Marché conclu ! Nous sommes  mardi 14 décembre 2010 aux environs de 10H

Quel est , aujourd’hui, l’état des lieux en Côte d’Ivoire ?

Vous le savez certainement. Tout a commencé le 28 novembre dernier. Ado a été proclamé Président de la République par la CEI. Mais le Conseil Constitutionnel a annulé les résultats de 9 départements dans la zone CNO (Centre-Nord-Ouest). Il s’agit des départements de Bouaké, Beoumi, Sakassou, Katiola, Dabakala, Korhogo, Ferké, Bandiali) pour plus de 600.000 voix. Ce qui a suscité une grande frustration chez les populations qui ont alors organisé des marches de protestation pour demander le départ des Gbagbo.

Qu’est ce qui  est l’origine des mouvements dans la ville de Bouaké aujourd’hui (mardi 14 novembre) ?

Les militants du RHDP (Rassemblement des Houphouetistes pour le Démocratie et le Progrès) ont décidé de marcher sur Thibessou, ville située à une soixantaine de kilomètres de Bouaké en direction de Yamoussoukro. Ils  ont été violemment  empêchés par les soldats loyalistes.

  Des blessés ?

Malheureusement oui ! Au moins deux dans un état grave. Ils ont trouvé refuge à 15 kilomètres d’ici. On  essaye de les faire évacuer.

Quel regard portez-vous sur les événements à Abidjan (l’Hôtel le Golf siège de l’ONUCI et du Gouvernement d’Alassane Dramane  Ouattara venait d’essuyer une attaque) ?

Il s’agit d’un coup de force des soldats loyalistes, en l’occurrence des éléments de la Garde Républicaine dirigée par le Général Dogbo Blé Brunot. Mais la garde rapprochée de Soro a été prompte à réagir et les assaillants ont fui.

Il ne s’agit donc pas de l’Etat major des Armées ?

Je suis formel ! L’acte n’a pas été commandité ni exécuté par le Chef d’Etat major Général des Armées de Côte d’Ivoire, mais plutôt par le chef de la Garde Républicaine, le Général Dogbo Blé Brunot, l’homme de main de Gbagbo.

Est-il vrai que Simone, l’épouse de M Gbagbo a fait envoyer  plusieurs dizaines de milliards FCFA vers l’Angola et que, son exemple serait suivi par d’autres proches du pouvoir Gbagbo ?

 Je le confirme ! J’ajouterai même que l’avion qui transportait les bagages du couple vers le Bénin a été interdit de retour sur Abidjan à la demande du président ADO.

Le premier Ministre Guillaume Soro projette de marcher sur la RTI ce jeudi, pour y installer le nouveau Directeur. Ne craignez-vous des actes de violences ?

Nous craignons en effet que les militaires tirent sur la foule. Ils  n’ont pas intérêt à quitter le pouvoir. Ils sont prêts à tout pour se maintenir. En mars 2004 déjà, ils ont montré leur vrai visage en réprimant une manifestation pacifique dans le sang. On déplore plus de 500 morts.

Le camp d’en face, selon toute évidence, craint lui aussi une chasse aux sorcières  une fois qu’ADO prendra le contrôle à Abidjan. La crainte est-elle justifiée ?

Le président ADO  a parlé de « vérité et réconciliation ». Mieux, il a invité Gbagbo à quitter le pouvoir avec des  promesses fermes sur sa sécurité et celle de sa famille. L’on ne peut donc parler de « chasse aux sorcières ».

Sur un tout autre plan, vos voisins maliens, transporteurs et opérateurs économiques en l’occurrence,  vivent doublement la crise ivoirienne. Les éléments des forces nouvelles ou ceux qui prétendent l’être,  sévissent durement le long  du tronçon Pogo – Niellé – Ferké- Katiola – Bouaké. Nous avions personnellement eu l’occasion de le constater. Il s’agit de véritables opérations de rackets. Pensez-vous être en mesure d’assainir ce secteur et surtout de canaliser vos éléments à ce niveau ?

Le Président Ado se donne 2 mois pour construire la nouvelle armée de Côte d’Ivoire. Les éléments au niveau des corridors seront démobilisés et /ou  redéployés.

Deux mois ? N’est-ce pas trop juste ?

Nous avions espoir !

Propos recueillis par B.S.Diarra

Envoyé Spécial à Bouaké

A suivre dans nos prochaines livraisons

Chez les forces nouvelles  à Bouaké :

Quelques anecdotes 

Voici quelques anecdotes, de notre point de vue, très instructives sur la situation qui prévaut dans la zone de l’ex rébellion.

  «Nous les militaires,  ne savions pas trop comment se comporter avec la presse »

C’est en mototaxi (les Samidjo comme au Bénin) que nous avions rejoint le secrétaire Général des Forces Armées des Forces Nouvelles de Côte d’Ivoire (F.A. F.N-CI). Sans détour, nous avions cherché à rencontrer le secrétaire Général en personne. Voici quelques passages de la conversation que nous avions eue  avec  l’homme qui nous semblait être le chef de poste.  Après présentation à sens unique…

–           Vous voulez voir le secrétaire Général ? Mais il n’est pas ici ! Vous ne le saviez pas ?

–           Bien sûr que je sais qu’il se trouve à Abidjan en ce moment. Mais je ne doute pas un seul instant que son représentant lui, soit ici à Bouaké.

–           Tu dis que tu viens du Mali ?

–           Oui et dans le cadre strict d’un reportage. Mon seul et unique souci, c’est de parler à un responsable des forces nouvelles à Bouaké.

–           D’accord, puisque vous le dites ! Mais nous autres militaires ne faisons pas de la politique et…,  ne savions pas trop comment se comporter avec la presse…

–           Je ne suis pas un homme politique…

–           Tous les journalistes sont politisés… ! Vous devrez attendre en  tout cas, les membres de la cellule de communication. Ils ne vont pas tarder à venir. Allez-vous asseoir, près du petit groupe d’hommes installés là-bas. [Il y a avait au moins deux femmes dans le groupe désigné].

MALIWEB au secours de votre humble  serviteur

Après presque une trentaine de minutes d’attente, arriva un jeune homme. Il est membre de la Cellule de Communication. On nous fait diriger vers lui. Il est jovial et plein d’entrain. Il n’a rien contre le principe d’une interview, mais seulement voilà : il n’est pas le chef. Attendons donc le chef !  Nous sommes dans un  bureau relativement bien  équipé avec connexion internet…

Il faudra bien tuer le temps d’ici là. Mon hôte me parle alors  de son séjour à Bamako au quartier Bagadadji, il y a deux cela trois ans…

Arrive plus tard un autre, le jeune l’appelle e son « aîné ». Il lui expose la situation. L’homme se montre un peu méfiant et nous fait subir un interrogatoire en règle : Organe, Site internet, ordre de mission…

Pour vaincre sa méfiance, nous lui proposâmes de faire un détour sur le site www.maliweb.net. Ce qu’il fit.

Nous pouvons dire sans risque de nous tromper que naquit en lui et en cet instant précis, un sentiment de respect et d’admiration à l’endroit de la presse malienne. Aucun titre n’était favorable  à Gbagbo. Il sortit alors du bureau dans l’intention manifeste de lancer un coup de fil. Ouf ! Une manche de gagner !

« Comprenez-nous… En ces temps d’infiltration, nous devrons être sur nos gardes »

Il aurait fallu une dizaine de minutes pour qu’arrive enfin le vrai patron, C. Bamba, chef de la cellule de communication. Il avait visiblement reçu un rapport détaillé de la situation qui a prévalu quelques instants auparavant. Il procéda lui aussi, à quelques vérifications sur notre identité et surtout notre dessein avant d’ajouter en termes d’excuses ;  « Comprenez-nous… En ces temps d’infiltration, nous devrons être sur nos gardes »

Militaire mais  pas bête

Nous sommes mercredi 15 décembre aux environs de Korhogo, de retour vers Bamako. Au niveau d’un des nombreux postes qui jalonnent le corridor, des éléments des forces Nouvelles armés jusqu’aux dents procèdent à un contrôle des identités des passagers. Ils ne sont pas à l’image des jeunes désœuvrés  qui rançonnent les transporteurs. Ils demandent juste aux occupants de montrer les pièces d’identité sans procéder à la moindre vérification. On eut dit qu’ils se rassuraient de la nationalité des occupants. Ils étaient tous maliens. Enfin…

Un jeune déclara ne pas être en possession d’acte d’état civil, mais se présenta comme élève de terminal Sciences.

Le soldat lui colla alors ce devoir :

–           Puisque vous terminaliste, dites-moi donc  Si X+1 =0, quelle  la valeur de X ?

Notre lycéen fut tout simplement mis au pilori. Il ne trouva pas la réponse.

Au soldat de revenir à la charge :

–           Si tu ne trouves pas la réponse, c’est dire alors que tu n’es pas lycéen de la terminale science.

–           En clair, le bonhomme devenait le suspect idéal. Mais il tremblait si fort que le soldat laissa finalement tomber non sans lui donner  la réponse de la question :

Si X+1=0, alors  X = -1

Notre lycéen qui se faisait jusqu’à cet instant remarquer dans le bus, garda alors le profil jusqu’à Sikasso.

Droit de passage: 50.000 F  CFA

La vie est dure, voire très dure sur le corridor Pogo – Niellé – Ferké- Tafire- Katiola – Bouaké. Les transporteurs maliens ne savent plus où donner de la tête. Il existe une cinquantaine de postes de contrôle. En fiat de contrôle, les usagers sont tout simplement appelés à payer ce qu’il convient d’appeler un droit de traversée. La pratique est devenue un véritable fonds de commerce. De Pogo à Bouaké, un transporteur malien de camion marchandises dépense en moyenne 50.000 F CFA pour avoir seulement le droit de passer. Nous reviendrons sur cette  question dans nos prochaines livraisons.

BS DIARRA

Envoyé spécial à Bouaké


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