Cheick Tidiani Traoré : «Je suis un handicapé, mais pas comme les autres…»

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Cheick Tidiani Traoré est un jeune homme souffrant d’infirmité physique. Malgré son handicap, qu’il traîne depuis ses deux ans, il a pu suivre un cursus scolaire et universitaire normal. Aujourd’hui, il travaille dans une ONG en tant qu’Administrateur de l’Action sociale.

Reporter Mag : Parlez-nous un peu de votre parcours scolaire ?

J’ai obtenu mon Certificat d’Etudes primaires (CEP) à l’école Nelson Mandela de 1999-2000, le Diplôme d’Etudes Fondamentales (D.E.F) à l’Ecole de Missira, en commune II du district de Bamako en 2002-2003. Juste après, je suis allé m’inscrire au Lycée Bilaly Sissoko à  l’Hippodrome toujours en commune II, où j’ai eu mon Baccalauréat en série Langues et Littératures en 2005-2006. C’est après que je suis allé  à l’Université des Lettres  et des Sciences Humaines de Bamako (ex-Flash). C’est en 2007-2008 que j’ai décroché mon Diplôme d’Etudes Universitaires Générales (DEUG II) Option : Lettres Modernes, puis la Licence en 2012-2013.                            

C’est à partir de la Flash que j’ai fait le concours d’entrée à l’Institut National de formation des Travailleurs Sociaux, au niveau du cycle moyen comme Technicien Supérieur en travail social (DTSTS). J’ai achevé ce cycle en 2010-2011. Donc, après ce cycle, j’ai poursuivi mes études à ladite école en cycle supérieur avant de terminer en 2015-2016 en qualité d’Administrateur en travail social.

Est-ce que votre infirmité a impacté votre vie ?

Je ne peux pas dire que ce cas d’infirmité n’a pas eu d’impact sur ma vie, parce qu’on sent le handicap lorsqu’on est buté à un problème. Sinon, si la société dans laquelle tu vis comprend que le handicap n’est pas une fatalité, et c’est à eux de s’adapter à ton handicap. Si la société comprend cela, elle ne sera pas un problème dans ta vie. J’ai eu ce problème de handicap à l’âge de deux (2) ans. Avec mon handicap, j’ai fait des études et j’ai traversé des moments difficiles aussi.

Est-ce-que vous avez été l’objet d’une marginalisation quelconque dans la société ?

La marginalisation, je dirais non. Mais, cela dépend aussi de la personne. Quand tu te bats, même si la société te marginalise, tu parviens à montrer aux gens de quoi tu es capable de faire, ils vont t’accepter. Même si les gens veulent te marginaliser, s’ils tiennent compte de ta capacité, ils ne vont pas le faire. Ça, c’est ma philosophie par rapport à la marginalisation des handicapés.

Avez-vous cherché quelque chose que vous n’avez pas obtenu à cause de votre handicap ? 

Vous savez, l’homme est insatiable dans sa quête. D’autant plus qu’on ne finit jamais de chercher le meilleur pour soi. Tant qu’on est en vie, on cherchera toujours à satisfaire ses ambitions. Moi, j’avais l’ambition de réaliser beaucoup de projets. Mais, malheureusement, je n’ai pas eu de suite dans beaucoup de mes projets. Avec la philosophie «qui cherche trouve», j’ai démarché l’Apej (Agence pour la promotion de l’emploi des emplois) depuis un moment et le ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, pour qu’on m’aide à faire quelque chose. Mais ils n’ont rien fait. Je  ne me suis pas découragé, je me suis battu. Et voilà, actuellement, j’ai eu la chance d’avoir du travail dans une ONG, qui a tout mis en œuvre pour que je puisse être à l’aise dans mon travail.

Vous avez sûrement connu des difficultés…

En réalité, je ne me mets pas en tête que je suis handicapé. Il faut juste être ambitieux, comme je le disais tantôt. J’ai l’ambition de progresser franchement. Je ne vois pas pourquoi on va s’apitoyer sur son sort parce qu’on est handicapé. Jusqu’à présent, mon handicap ne m’a pas empêché d’obtenir quelque chose que je voudrais. Il faut signaler aussi que je compte faire des formations pour créer beaucoup de projets. Mais  souvent, si tu n’as pas d’appui pour réaliser ces projets-là, c’est très difficile de progresser.

Justement, en parlant d’appui, est-ce-que l’Etat malien est intervenu pour vous aider en quelque sorte ?

Je peux dire oui. On ne peut pas être un ingrat envers l’Etat  parce que l’Etat m’a permis d’aller à l’école ; il m’a permis d’accéder aux études supérieures et m’a donné un diplôme supérieur. Sur ce plan, on ne peut pas dire que l’Etat n’a rien fait. Mais il y a l’accompagnement qui manque. Quand tu termines tes études, surtout quand tu es handicapé, l’Etat doit garder un œil sur toi. Il faut vraiment qu’il songe à notre accompagnement. Certes, l’Etat a accompagné les handicapés à un moment donné, mais là où nous sommes, l’Etat a baissé les bras.

Pour mon cas spécifique, je ne compte pas trop sur l’Etat parce que mon ambition c’est de travailler dans le secteur privé et j’ai déjà commencé à travailler dans le secteur privé. Ce n’est pas parce que je ne veux pas travailler dans le secteur public. Si je parviens à trouver une occasion pour travailler dans le public, je vais le faire.

Peut-être un dernier mot pour conclure cette interview.

Mon dernier mot est de lancer un appel à l’endroit de l’Etat d’abord. C’est vraiment bien d’assurer davantage l’éducation des enfants et des jeunes handicapés, mais il faut songer à leur  accompagnement, afin qu’ils puissent avoir un travail conséquent pour subvenir à leurs besoins. Quand tu es handicapé, même si tu as des Diplômes et que tu déposes ton diplôme au niveau de certaines structures, les gens ne vont pas te faire confiance. Souvent, c’est difficile de les convaincre même si parfois ça peut marcher comme mon cas. Je voudrais ajouter à cela, que les Maliens acceptent les handicapés comme ils sont, car c’est un fait de Dieu. Il faut qu’ils se mettent en tête que les personnes handicapées sont rentables pour la société. Ce sont des personnes qui peuvent travailler comme toute autre personne ; ce sont des personnes qui peuvent contribuer au développement de notre société.

Propos recueillis par Ousmane DIAKITE et Assétou Y SAMAKE/Stagiaire

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