Depuis le 03 mars dernier, Bamako a amorcé sa mue et change de visage. En effet, pour rendre plus fluide la circulation de la capitale, le ministre du Commerce, en collaboration avec les autorités communales et le Syndical national des Commerçants détaillants, a décidé de libérer les devants des grandes artères encombrées par l’installation anarchique des commerçants. Comment se déroule l’opération ? A quel niveau en est-on ? Quelles ont été les difficultés rencontrées sur le terrain ? Qu’en est-il de la question de recasement des commerçants déguerpis ? Dans un entretien exclusif, le président du Syndicat National des Commerçants détaillants, Cheick Oumar Sacko nous livre ses sentiments.
Le Républicain : l’opération de déguerpissement s’est-elle déroulée dans la satisfaction de toutes les parties (commerçants, autorités et populations riveraines) ?
Cheick Oumar Sacko : Sans doute, l’opération a bien débuté. Mais, à la question de savoir si elle s’est déroulée à la satisfaction de toutes les parties, je regrette de dire que non. Car, une telle opération ne peut pas satisfaire tout le monde. Mais, une chose est sûre, en tant que président du Syndicat national des Commerçants détaillants du Mali, j’ai pesé de tout mon poids pour que la décision des autorités ne pénalise pas les commerçants. Pour cela, en plus des campagnes de sensibilisation, le syndicat a exigé la mise en place de trois sous-commissions. La première sous-commission consistait à évaluer l’anneau Sotrama, la deuxième sous-commission avait pour mission de trouver les sites pour recaser les commerçants déguerpis et la troisième avait pour tâche de recenser les commerçants concernés par l’opération. Après la mise en place des trois sous-commissions, d’un commun accord, toutes les parties sont convenues que l’opération commence le 3 mars 2014. D’ailleurs, c’est ce qui dénote la bonne compréhension et l’adhésion des commerçants au moment de l’opération qui a débuté sans trop de bruit.
Il y a eu quand même des incidents ?
Toutefois, malgré tous ces efforts, l’on regrette un certain nombre de petits incidents. Parce que, il était prévu que la première opération allait se limiter seulement à l’anneau Sotrama, le boulevard du Peuple et à la rue karamoko Diaby. Par conséquent, s’agissant des Kiosques concernés, on s’était mis d’accord sur la mise en place d’une commission mixte qui devait faire d’abord l’état des lieux en vue de recenser les kiosques qui gênent la circulation. Il y’a eu des kiosques qui ont été saccagés bien qu’ils ne dérangeaient pas la circulation.
Quelle mesure avez-vous pris pour remettre les propriétaires de ces kiosques dans leur droit ?
A la fin de l’opération, il est prévu qu’on se réunisse pour évaluer le bilan de l’opération. En principe, la réunion doit se tenir le vendredi prochain. C’est au cours de cette réunion qu’on débattra de cette question avec les autorités en vue de trouver les solutions possibles.
L’opération se poursuit-elle toujours ?
L’opération continue son cours. Elle n’est pas finie. La principale artère qui gênait vraiment la circulation, le boulevard du Peuple, a été libéré. Donc, aujourd’hui sur les 11 artères concernées par l’opération trois ont été libérées. Ainsi, pour l’efficacité de l’opération et pour le bien être des commerçants, le Synacodem a exprimé aux autorités sa volonté de déguerpir progressivement. Car, dit-on, qui va doucement va surement. Cette volonté du Synacodem a été entendue par les autorités et l’opération ne va pas se faire en un seul coup. Car, il y’a aussi le problème de recasement des commerçants concernés par le déguerpissement. C’est vrai que les autorités communales ont trouvé des sites pour les accueillir, mais malheureusement ces sites ne sont pas aujourd’hui aménagés. Il s’agit entre autres du marché de Hamdallaye ACI, de FR3. Et s’il faut aujourd’hui faire installer les commerçants dans ces sites, c’est pour les condamner à fermer boutique.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés lors de l’opération ?
En dehors de ces problèmes précités, il y’a aussi le cas des Halls de Bamako où les agents ont fait déguerpir les commerçants installés non seulement à la devanture mais aussi ceux de l’intérieur du marché. Toute chose qui n’a pas été juste. Car, bien vrai que l’intérieur des marchés soient concerné par l’opération, on avait obtenu l’accord des autorités de libérer d’abord les grandes artères avant de mettre de l’ordre à l’intérieur des marchés.
Concrètement où en êtes-vous aujourd’hui ?
Je ne peux pas vous dire exactement à quel niveau sommes-nous. Mais, ce qui est sûr le boulevard du Peuple, le tronçon Ricabougou Diallo, la rue Karamoko Diaby, le tronçon l’anneau Sotrama ont été dégagés.
Comment comptez-vous gérer le cas de vos militants qui ne sont pas d’accord avec la mesure de déguerpissement?
Nous allons les gérer conformément à l’accord que nous avons signé avec le ministre et les différentes mairies. S’il y’a aujourd’hui certains de nos militants qui ne sont pas d’accord avec le déguerpissement, c’est parce qu’ils ont peur de ne pas être recasés. Et pourtant, nous avons obtenu de la part des autorités la garantie que tous les commerçants déguerpis seront recasés. Tout le problème de cette opération se situe à ce niveau.
Est-ce à dire que le problème de recasement des commerçants concernés par l’opération n’est toujours pas réglé ?
Le problème n’est toujours pas réglé. Malheureusement, rien n’a encore été fait.
Les populations de Bozola, semble-t-il, ne sont pas d’accord pour recevoir le recasement tel qu’il a été décidé par les autorités communales, qu’en pensez-vous ?
Suite à un entretien avec le chef de village on a pu trouver un terrain d’entende. Les populations de Bozola pensaient que c’est des kiosques qui allaient être installés. Mais, nous leur avons expliqué que c’est des tables à emporter qui seront utilisées.
Que dites-vous aux autorités face à la lenteur dans le recrutement ?
Mon dernier mot va à l’endroit du ministre qui nous a démarchés pour l’aider dans cette opération en nous donnant la garantie que nos militants seront recasés. Aujourd’hui, nous avons pris notre responsabilité, nous avons même pris un risque parce que certains de nos collègues nous traitent aujourd’hui de traître alors que Dieu seul sait que nous avons pris cette décision pour le bien-être du peuple malien. Donc, il faut que la mairie et les autorités du pays s’acquittent très rapidement de leur engagement en vue de recaser les commerçants. Car, si un commerçant détaillant passe une semaine sans vendre c’est sûr que l’argent qui lui sert de fonds de commerce sera bouffé.
Réalisé par Youssouf Z Kéïta et B. Daou