Charles Traoré, président du mouvement rastafari au Mali : "Alpha Oumar Konaré nous a oubliés lors du soixantième anniversaire de Bob Marley en Ethiopie"

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Le mouvement rastafari demeure toujours le parent pauvre au sein de la grande famille des artistes, musiciens de notre pays. Souvent traités à tort ou à raison de drogués ou de voyous, les rastamen du Mali s’en défendent tant bien que mal. Son Président Charles Traoré, alias Charly, lève un coin du voile.

 Bamako Hebdo: Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Charly : Je m’appelle Charles Traoré. Pour d’autres, Charly est encore plus simple.

Quel regard portez-vous sur le magazine Bamako Hebdo et sa rubrique "Reggae Irie"?

Cette rubrique qui traite le rastafarisme me comble beaucoup. C’est un domaine que les gens ignorent et ils n’en connaissent pas beaucoup de chose. Nous qui sommes dans le mouvement, nous avons besoin de réhabiliter son évidence et cela ne se fera pas en dehors des medias. Déjà, si nous avons une page, c’est bon. Un magazine comme Bamako Hebdo, qui sacrifie une page pour le rastafarisme, c’est une bonne initiative. Je souhaite que cela soit deux pages afin de mieux rehausser l’image du mouvement. Mais, je souhaiterai par ailleurs que les rastamen ou les reggaemen soient plus visibles.

Quel sentiment vous anime en voyant les gens s’intéresser au rastafarisme?
C’est un sentiment de joie. Cet intérêt que les gens vouent à notre mouvement nous aide dans notre mission, la promotion du mouvement.

Quand on parle de rastafarisme les gens font allusion aux drogués et autres choses.

Certes, on passe beaucoup de temps à parler de rastafarisme. Mais, le mouvement veut dire quoi ? On parle de Haïlé Sélassié. Il y a beaucoup de controverses autour de sa personnalité. Nous nous limiterons à parler des aspects politiques d’Haïlié Sélassié dans toute sa grandeur et sa dimension.

Pour ce qui est de sa divinité qui a toujours suscité de grands débats, nous réservons cela aux initiés qui voudront bien le traiter.

Vous qui êtes considéré comme une figure du mouvement au Mali, le pionnier, si on peut même le dire, quel regard portez-vous sur les nouvelles tendances du rastafarisme qui prennent de l’ampleur en Jamaïque avec  les Bobo Shanti, Twelve Tributes… ?

L’harmonie c’est quoi ? C’est la diversité de toutes ces couleurs au sein du mouvement. Parce que les uns, pour une raison ou une autre, penchent pour une certaine tendance. Mais, au-delà de tout, si c’est pour célébrer Jah rastafari, il n’y a rien à dire.

Quelle est votre appréciation sur la jeune génération du reggae véhiculant des messages portés sur la drogue, le sexe, les guns ?
Je me revendique du mouvement de 70’s, du roots. Mais, par rapport au Dance Hall, quand on prend les Capleton, Anthony B…, c’est vrai, on a vu une tendance des Bobo Shanti qui représente pour eux un terrain d’argent, de sexe et de bling bling (Ndrl : côté extérieur de la richesse).  Il y a aussi une tendance axée sur la Dance Hall qui est le Slackness, mais on a vu des particularités comme Anthony B porter des messages conscious. Cette tendance sous une autre forme prend en compte des paroles provenant du Holly Bible. Même là, quand vous prenez les styles de Bobo Shanti et du Dance Hall, ils sont d’une agressivité qui font que d’autres ont des problèmes pour les accepter. Mais, cela se comprend très bien. Les époques ne sont pas les mêmes. En Jamaïque, certainement la polygone de fréquence avec l’ère du temps. Maintenant, ce n’est cette jeunesse qu’on retrouve dans la courbe de l’époque des 70’s.

Particulièrement quel votre vision sur le mouvement rastafari au Mali ?

Je dirai un peu décevante. Il y a un sentiment de frustration qui m’anime.  Comme on le dit, "rasta dont beg". C’est-à-dire ne quémande pas. On ne va pas essayer de faire des reproches à quiconque de ne pas nous porter assistance. Mais, si quelqu’un décide de nous aider avec du bon cœur, on acceptera avec plaisir.

Par exemple au Sénégal, beaucoup d’artistes reggae sont assistés par le ministère de la Culture en matière d’instruments. Au Mali, qu’est-ce qui manque selon vous, sachant bien que ce n’est pas le talent qui manque? Et quel appel lancez-vous aux autorités pour que le mouvement retrouve la place qu’il mérite ?
Nous, on a une association légale depuis 1992. Notre but est simple : une reconnaissance des autorités de ce pays pour qu’elles ne fassent pas d’amalgame entre le rastafarisme les voyous ou les drogués…Quelque part, nous nous sommes vus d’utilité publique à telle enseigne que nous avons pris les choses avec sérieux, même si cela ne cadre pas avec la tradition du rasta.

Actuellement, on n’a pas senti l’appui de nos autorités à notre égard. Par exemple à l’occasion du soixantième anniversaire de Bob Marley un grand concert a eu lieu  en Ethiopie sous le signe d’"Africa unit". On n’a reçu aucune invitation de la part de nos dirigeants là où tous les pays d’Afrique étaient représentés. Alpha Oumar Konaré qui était à la tête de l’Union Africaine n’a pas daigné nous convier à ce grand événement. C’est inacceptable de sa part pour un Malien comme nous.

Une année, sa femme Adam Bah avait invité la mère de Bob Marley au Mali avec qui nous avons passé de très bons moments. On a discuté de tellement de choses qu’en perspective, il ne devrait jamais se passer un tel événement d’envergure et avec à sa tête un Alpha Oumar Konaré et qu’on n’y a pas assisté. C’est qu’au Mali, nous sommes une des rares associations rasta à être reconnue par le ministère de l’Intérieur. Sinon qu’on nous donne la preuve où cela existe. Mais, ceci se ramène de la mauvaise foi qu’on a voulu instaurer au Mali pour nous léser. Peut-être c’est ce qui fait notre originalité.
Propos recueillis par Freddy Matar Cisco

 

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