Calvaire des drépanocytaires au Mali : Plus de 5.000 naissances par an sur le territoire national, selon Fatoumata Coulibaly de l’AMLUD

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La culture et la médecine font-elles bon ménage ? Pas question pour madame Traoré Fatoumata Coulibaly de tergiverser autour de la réponse. Il n’ya qu’un pas. F.C pour les intimes, une sommité du monde de la comédie malienne, certes, mais qui se bat depuis 1988 au sein de l’Association Malienne pour la Lutte contre la drépanocytose(AMLUD) dont elle assure avec brio le secrétariat général. « Cette pathologie m’a pris un garçon. » Avec un talent de communicatrice, cette native de Sido à quelques encablures du cercle de Bougouni a une claire conscience de sa mission. Un engagement à vocation altruiste : «Je n’aurai donc aucune satisfaction en restant les bras croisés. En tant qu’épouse et mère, je me battrai jusqu’au bout pour sauver la vie de plusieurs enfants qui meurent encore à cause de la drépanocytose avant l’âge de 4 ans ».Ces propos frappés au coin du bon sens sont l’extrait de l’interview qu’elle a accordée à la Rédaction de votre hebdo du jeudi. Bonne lecture.

WAATI : Faites une autobiographie succincte pour nos lecteurs !

Fatoumata Coulibaly : Bonjour à tous vos lecteurs. L’exercice auquel vous me soumettez n’est pas toujours facile. C’est Madame Traoré Fatoumata Coulibaly. Je suis la Secrétaire Générale de l’Association Malienne pour la Lutte contre la Drépanocytose(AMLUD). J’ai vu le jour à Sido dans la 3ème région du Mali où j’ai fait mes études primaires. En 1982, c’était la réussite au DEF. De1982-1986, étudiante à l’Institut National des Arts(INA) de Bamako : section Art dramatique. Depuis 25 ans maintenant, je suis comédienne au groupe Nyogolon. A juste titre, Philippe Dauchez, fondateur du groupe a beaucoup forgé mon talent. Je me suis engagée dans la lutte contre la drépanocytose de1988 à nos jours.

WAATI : C’est d’ailleurs cet engagement  qui m’intéresse. Que faut-il entendre par la drépanocytose ?

 F.C. : C’est une maladie génétique de l’hémoglobine anormale dite S.La drépanocytose qui est transmise à la fois par la mère et le père est  héréditaire. En effet, cette pathologie se caractérise essentiellement par : une anémie chronique, une susceptibilité aux infections et des complications chroniques. Les efforts physiques intenses, la fièvre, la déshydration, les habits serrés sont autant de facteurs qui peuvent déclencher la drépanocytose. Et beaucoup de Maliens  en souffrent. C’est tout le sens de notre combat.

Le désespoir n’est pas permis

WAATI : L’Association Malienne pour la Lutte contre la Drépanocytose (AMLUD) remonte, on le sait, en 1988.Analysez son parcours !

F.C : Pour paraphraser l’écrivain français André Malraux, j’ai envie de vous dire ceci : « La vie est un marché où l’on achète non avec de l’argent mais avec des actes. »Oui, notre association qui sait quelle direction prendre ne fait que poser  des actes au quotidien. Nous faisons donc de la sensibilisation, de l’éducation et surtout de la communication notre cheval de bataille pour que cette maladie soit combattue avec la dernière rigueur.

 A l’AMLUD, nous pensons que la moindre culture du désespoir, tuerait une bonne partie de la population malienne. C’est pourquoi, nous avons initié d’abord avec le soutien de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé NDLR) la formation des agents de la santé sur la drépanocytose dans les 6 communes de Bamako et  les régions du Mali. Aussi, notre association a pris part au congrès scientifique sur la drépanocytose de Dakar en 2005.Une participation qui aura facilité donc l’acquisition du Centre de Recherche pour la Lutte contre la Drépanocytose (CRLD) que dirige le Pr Dappa Diallo. Des débats à la radio avec l’appui de la première dame  Madame Touré Lobbo et le Lion’s club Bamako caïlcédrat qui a choisi comme principal objectif de combattre cette maladie. A cela s’ajoutent des rencontres régulières avec la société civile en l’occurrence la CAFO. En avril2011, l’AMLUD a organisé en collaboration avec le CRLD une journée de formation de 40 directeurs d’écoles. Les partenariats DREPAVIE et l’URTEL axés sur la sensibilisation font partie également intégrante de notre parcours.

La méconnaissance de la drépanocytose est un drame

WAATI : Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés Aujourd’hui encore ?

F.C. : Les difficultés sont inhérentes à toute vie associative. En effet, L’AMLUD est confrontée à d’énormes obstacles malgré le soutien de nos multiples  partenaires. Elles ont essentiellement pour noms : une enveloppe financière insuffisante pour relever le défi de la sensibilisation. Comment accéder à la base si l’argent fait défaut ? Toute chose qui est pratiquement impossible. Aujourd’hui encore, nous regrettons le faible accès aux médias en dépit de la floraison des radios et des journaux. Aussi, l’absence d’un programme national de lutte contre cette pathologie ne nous facilite point le travail. Vous n’êtes pas sans savoir que la méconnaissance de la drépanocytose par  les Maliens peut être considérée comme un drame. Enfin, peut être que je vous étonnerai, l’AMLUD n’a toujours pas de siège.

Le CRLD plus de 1300 inscrits en trois mois

WAATI : La drépanocytose est une maladie génétique. Mais comment pourriez-vous combattre une pathologie dite héréditaire ?

F.C. : La drépanocytose, à l’image des autres maladies génétiques n’est pas facile à combattre. Je le sais. Mais, comme on le dit, à cœur vaillant rien d’impossible.Croyez-moi, il ne s’agit pas d’une simple littérature, mais je demeure plus que jamais convaincue qu’avec une sensibilisation de haut niveau, on pourrait faire l’économie du pire. Je suis comédienne de formation et je sais que les résultats obtenus sont beaucoup plus encourageants  avec le théâtre d’urgence sociale qui n’est autre qu’un vecteur de sensibilisation. Comment ? Il suffit de mettre un accent particulier sur le dépistage prénuptial pour pouvoir éviter les mariages consanguins entre les drépanocytaires déclarés.

WAATI : Parlez-nous du statut du Centre de Recherche de la Lutte contre la Drépanocytose. Quels sont ses objectifs ?

F.C. : Le CRLD permet de faciliter l’accès aux soins pour tous, d’améliorer la qualité de vie des enfants et de développer des programmes Recherche au MALI. Ce centre que dirige le Pr D.Diallo est fruit d’une synergie d’actions. C’est-à-dire de la combinaison de plusieurs volontés : politique, associative, scientifique, éducative etc. Sa création remonte à une loi votée par l’Assemblée Nationale du Mali en décembre 2008.Le centre a été inauguré en janvier 2010.Et le 15 mars de la même année, le CRLD enregistrait  déjà  plus de 1300 inscrits. Ses initiateurs scientifiques sont : les Pr D.A.Diallo et  G.Tchernia. C’est au CRLD que se fait le dépistage.

WAATI : Quel est l’avantage du dépistage ?

F.C. : Le dépistage permet de découvrir son statut, de favoriser la prise en charge de l’enfant dès l’âge de 6 mois .Il permet aussi de bénéficier des conseils, d’être orienté au CRLD. Seul un dépistage permet à un drépanocytaire de suivre les règles d’hygiène afin d’éviter les facteurs déclenchant la crise. Par exemple, si vous êtes AS, le dépistage vous permet de choisir un ou une partenaire AA pour ne pas grossir  le lot des malades.

WAATI : Le 25 octobre dernier, l’AMLUD a animé une conférence-débat avec les enseignants au CAP commercial de Bamako. Pensez-vous que les pédagogues ont un rôle à jouer dans cette lutte ?

F.C. : Ce n’était pas tout. Le 26 octobre 2011 l’AMLUD en collaboration avec Drépavie, une ONG que dirige Dr Corine Léongeois a réuni les élèves et les enseignants du groupe scolaire Aminata Diop 7(CAP Lafia NDLR) autour de la drépanocytose. Le 28 octobre, nous étions à Koutiala avec la CAFO pour une mission de sensibilisation.

Les pédagogues, comme vous dites ont, un rôle de premier plan à jouer dans la lutte contre la drépanocytose. Pour preuve : ils sont les plus en contact avec les enfants. En effet, les enfants passent plus de temps à l’école qu’en famille. C’est justement pour cela que l’AMLUD a jugé indispensable la formation des formateurs afin que ces derniers s’occupent mieux des enfants drépanocytaires souvent victimes de la stigmatisation.

WAATI : La drépanocytose peut-elle se voir enseignée au Mali dans les années à venir comme la méningite ou encore la rougeole ?

F.C. : Cette maladie mérite d’être enseignée dans nos écoles. En effet, il s’agit d’une pathologie déclarée comme une priorité de santé publique par l’UA en 2005, l’OMS et l’UNESCO en2007, enfin l’ONU en 2008.Notez bien qu’après le cancer et le SIDA, la drépanocytose  est considérée comme la maladie la plus répandue au monde. Enseigner  cette maladie à l’école, c’est  protéger la vie des milliers et des milliers d’enfants. Et les démarches continuent dans ce sens.

WAATI : Disposez-vous de statistiques fiables concernant la drépanocytose ?

F.C. : Les statistiques sont alarmantes. Je vais vous rappeler les données épidémiologies selon  le Pr Dappa A Diallo du CRLD. De 4 à25% de transmetteur sain (hétérozygote AS) selon un gratien N/S.On dénombre 500 naissances par an de syndrome drépanocytaire (homozygote SS= malade) à Bamako contre 5000 naissances par an sur l’ensemble du territoire national. Pour les cas de décès : 50% de décès avant l’âge de 5 ans contre 80% avant l’âge de 20 ans.

WAATI : Comment votre association a-t-elle accueilli la déclaration le 19 juin dernier l’intervention de Madame Sassoun Nguesso à l’UNESCO ?

F.C : Si tous les responsables  pouvaient s’inspirer de l’œuvre des premières dames sur la drépanocytose, cette maladie serait déjà sortie des ténèbres. On aurait, en tout beaucoup fait. Ne serait-ce pour qu’elle soit considérée comme une maladie sociale au même titre que la tuberculose et le SIDA. Les gestes de Madame Sassoun n’ont jamais fait défaut. Lors de la rencontre des premières dames que notre a eu l’honneur d’accueillir, elle a  été fidèle à sa tradition. Preuve d’une solidarité agissante  envers l’AMLUD et le CRLD. Comme Madame Touré Lobbo Traoré qui fait preuve de bon samaritain,  tous les 19 juin journée internationale de la lutte contre la drépanocytose.

Propos recueillis par MOUSSA Wélé Diallo 

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