A moins d’une semaine du sommet de N’Djaména, la situation sécuritaire reste toujours précaire dans les pays du G5 Sahel, témoigne l’attaque de Boni dans le centre du Mali. Au même moment l’avenir de la force Barkhane fait la Une au Sénat français.
Que faut-il en attendre de ce sommet de N’Djaména ? Qu’est-ce qui explique cette recrudescence des attaques à l’approche de ce sommet ? Bréhima Mamadou Koné, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques, livre son analyse.
Mali-Tribune : Que faut-il en attendre du prochain sommet du G5 Sahel ?
Bréhima Mamadou Koné : Le sommet de N’djamena c’est pour permettre aux chefs d’Etat de légitimer leurs positions par rapport au maintien des troupes françaises au Sahel. Chaque chef d’Etat exprime le besoin du maintien des forces internationales. Il y a une certaine opinion publique française aujourd’hui qui n’est pas favorable au maintien des forces françaises au Sahel.
Nous voyons le sommet de N’djamena en 3 temps. D’abord pour une clarification de nos Etats par rapport au maintien ou non des troupes françaises au Sahel. Le deuxième cas de figure pourrait-être aussi la réduction des effectifs militaires comme demander par la ministre française des Armées. Le troisième scénario est que les chefs d’Etat vont demander à la France d’avoir plus de collaboration avec les armées du Sahel et que les opérations soient des opérations conjointes au lieu que l’armée française évolue en solo. Qu’il y ait plus de coordination et de synergie d’action entre les différentes armées, d’harmonisation et de partage des renseignements militaires. Je pense qu’il faut aller au-delà.
Mali-Tribune : A chaque fois qu’un sommet du G5 Sahel pointe à l’horizon, on constate une recrudescence des attaques. Qu’est-ce qui explique cela ?
BM. K.: Nous sommes dans une guerre inégale. Les groupes djihadistes sont des provocateurs. Chaque fois qu’il y a un sommet entre la France et les Etats sahéliens, il y a des attaques sporadiques parce que nous sommes dans une guerre asymétrique. Une manière pour dire que nos armées ne sont pas à la hauteur pour pouvoir les combattre.
Mali-Tribune La semaine passée, l’armée malienne a été prise pour cible dans une attaque meurtrière à Boni par des individus lourdement armés à bord de véhicules blindés. D’où viennent ces blindés ?
B. M K.: Cette question est très difficile à répondre de façon pragmatique. On ne sait pas en réalité quels sont les circuits d’approvisionnement des groupes terroristes en termes d’armement, d’alimentation et de liquidité. Maintenant il faut mettre des mécanismes structurants pour le contrôle des frontières. Là on peut contrôler l’ensemble des transactions financières qui leur permettent de payer leurs combattants.
Mali-Tribune : La semaine passée Lloyd Austin, le nouveau patron du Pentagone et la ministre des Armées françaises, Florence Parly, se sont entretenus sur un possible soutien américain au Sahel. Le Pentagone ne promet rien pour l’instant. Est-ce possible de voir l’armée américaine combattre aux côtés de l’armée française au Sahel ?
B M. K.: La France a la meilleure diplomatie au monde, mais la crise au Mali dépasse les capacités de la France. Il ne faut pas qu’on se leurre. Elle dépasse les capacités militaires et financières de la France. C’est pourquoi elle est en train de tout faire pour mobiliser l’Union européenne au chevet du Mali. Si elle n’arriverait pas, la France est obligée de se rabattre sur le Pentagone afin de pouvoir mobiliser les Américains pour pouvoir mener des opérations ensemble au niveau du Sahel. Les négociations sont en cours et nous sommes convaincus que cela aboutira à une vraie coopération entre la France et les Etats-Unis pour combattre les terroristes au Sahel.
Propos recueillis par
Ousmane M. Traoré
(Stagiaire)