“Il ne faut pas se lancer dans l’entrepreneuriat juste par ce que c’est la mode, il faut croire en son projet et s’y investir à 100%”
Analyser et transmettre des données pour une meilleure gestion environnementale, proposer des pistes de solutions et œuvrer dans la lutte contre le réchauffement climatique, sont, entre autres, les objectifs visés par le projet “Map Action”. Le coordinateur de cet ambitieux projet, Boubacar Kéïta, titulaire d’un diplôme d’ingénieur en environnement et aménagement du territoire obtenu à l’École nationale d’économie appliquée de Dakar (Sénégal) et une spécialisation en développement durable et gestion de l’eau obtenue à l’Université de Montréal, nous a accordé une interview exclusive, dans laquelle explique la particularité du projet “Map Action”, les difficultés rencontrées lors de sa mise en œuvre, avant de donner des conseils aux jeunes qui veulent lancer leur propre start-up.
Aujourd’hui-Mali: “Map Action”, c’est quoi en réalité ?
Boubacar Kéita : Map Action est tout d’abord un projet dans son intégralité, l’application Map-Action n’est que la partie visible de l’iceberg. Il s’agit en réalité d’un outil citoyen qui offre une application gratuite téléchargeable permettant aux bénéficiaires de contribuer à la prise de décision en matière de gestion de l’environnement. C’est donc un outil qui permet d’analyser et de transmettre des données pour une meilleure gestion environnementale, proposer et/ou apporter des pistes de solutions pour la mitigation des problématiques WASH et œuvrer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Map Action est une application mobile combinant cartographie interactive et géolocalisation pour recueillir, analyser et transmettre des données afin de permettre une meilleure gestion des problèmes environnementaux. L’application est intuitive et ergonomique.
Sur une carte on peut signaler les cas de pollution, d’inondation, bref tout genre de problèmes environnementaux. Les informations sont remontées en temps réel sur le site web map-action.com et nous pouvons voir si le problème est pris en compte ou en cours de traitement ou résolu. Grâce à cet outil, chaque citoyen a la possibilité désormais de communiquer aux autorités compétentes les dangers qui menacent les cours d’eau, les voies publiques, etc. de sa localité. Map action est une véritable innovation technologique dédiée à la gestion et la sauvegarde de l’environnement et accessible à tous !
Comment est venue la volonté de lancer cette application ?
Les villes africaines en général et Bamako en particulier sont confrontés à de véritables problèmes environnementaux à cause du taux d’accroissement élevé de la population, de l’urbanisation anarchique, etc. Et ce, malgré les efforts consentis par les autorités. Des programmes gouvernementaux ou des structures privées et des ONG existent, mais sont souvent confrontés à un manque d’informations sur la situation en temps réel des problèmes existants. Ce manque d’information entraîne une inefficacité des actions car elles sont mal coordonnées. C’est ainsi qu’est née l’initiative de cet outil afin de pallier le manque crucial d’informations en matière d’environnement.
Quelle est la particularité de “Mapaction” ?
La particularité de Map action est que c’est une application participative et citoyenne car elle intègre toutes les couches sociétales. Un outil qui rapproche les citoyens de leurs administrations en étant un pont solide et fiable pour la transmission des informations. En effet, nous offrons la possibilité à nos utilisateurs (décideurs) d’avoir accès à des données fiables et à jour pour la maîtrise de leurs activités, mais aussi la possibilité à la population de participer à la prise de décision s’agissant de leur environnement à travers la collecte de données.
De son lancement à nos jours votre application a-t-elle rencontré du succès ?
Map Action, depuis son lancement officiel en février 2018, a un impact absolument indéniable au Mali et plus particulièrement à Bamako. C’est ainsi que nous avons reçu, entre autres, des distinctions telles que le prix de l’entrepreneuriat social Orange, le prix de meilleure jeune entreprise du Mali par l’Apej et le prix de l’innovation par la Banque Mondiale et la sélection parmi les 10 meilleures startups à bénéficier du programme #Africa4Future Airbus / GIZ.
Concernant notre impact quantitatif, en 2019 par exemple, plus de 1000 identifications de problématiques environnementales ont été effectuées par l’application mobile Map Action dont 499 points vérifiés, diagnostiqués et transmis aux autorités compétentes et acteurs actifs du secteur environnement et développement durable. Plus de 70 points ont été déclarés “pris en compte” par nos partenaires et selon notre dernière vérification, des actions ont été entreprises (ou en phase de l’être) sur 52 points soit 10,42% des identifications. Ce chiffre peut paraître bas, mais dans un contexte comme celui du Mali c’est très encourageant car sans notre action ces points n’auraient probablement pas été pris en compte du tout.
Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en œuvre de “Map Action” ? Si oui lesquelles ?
Map-Action, comme la plupart des Start-ups au Mali, s’est heurté à quelques difficultés, notamment au niveau administratif ou les partenariats sont souvent difficiles et les fonds difficilement accessibles, même après l’exécution du projet et une insuffisance de l’implication active de la population en ce qui concerne les problèmes environnementaux.
Comment entrevoyez-vous le développement de l’économie numérique du Mali dans les prochaines années?
La caractéristique fondamentale de notre siècle est l’explosion des nouvelles technologies : ordinateurs, téléphone, internet, Drones, sous-marins, etc. Ces nouvelles technologies sont au service des citoyens. Je pense que le Mali est en train de prendre petit à petit cette explosion comme une opportunité de développement. Il y a de plus en plus de jeunes Maliens qui développent des outils et applications permettant de faciliter la vie des Maliens. Nous ne sommes pas encore comparables à certains pays émergents en matière de nouvelle technologie, il faut un accompagnement plus poussé des volontés politiques pour un meilleur impact dans le futur.
Avez-vous un message à l’endroit des jeunes qui veulent lancer leur propre start-up ?
Il ne faut pas se lancer dans l’entreprenariat juste par ce que c’est la mode, il faut croire en son projet et s’y investir à 100%. Il faut être conscient, dès le début, que l’entreprenariat demande un sacrifice ultime de temps, d’énergie et aussi d’argent. Pour atteindre l’indépendance et la stabilité financière, il faut s’y investir en totalité.
Votre mot de la fin ?
Je demande à la population de rester connectée car il y a une Version 2 améliorée de l’application qui verra bientôt le jour avec beaucoup plus de perspectives et d’options dans beaucoup plus de domaines.
Réalisé par Mahamadou TRAORE