Signée il y a 7 ans, la mise en œuvre de l’Accord de paix issu du processus d’Alger ne cesse de faire grincer les dents tant du côté du Mali que des ex-rebelles signataires de l’Accord. Pourquoi la mise en œuvre de l’Accord patine ? Ballan Diakité, politologue explique les raisons. Entretien.
Mali Tribune : qu’est-ce qui bloque la mise en œuvre de l’Accord, 8 ans après sa signature ?
Ballan Diakité : le blocage se situe à 3 niveaux. Le 1er, c’est le manque d’appropriation de l’Accord par les deux parties. La partie gouvernementale n’a pas assez communiqué pour permettre une compréhension facile pour les populations du contenu de l’Accord. Ce qui fait que cet accord a connu un blocage. Le 2e blocage est surtout lié au manque de confiance entre les acteurs principaux. Je pense que les acteurs n’ont pas su insuffler une dynamique de confiance mutuelle pouvant permettre la mise en œuvre rapide de l’Accord. A cela peuvent s’ajouter les instabilités politiques et sécuritaires que connaît notre pays qui ont eu un impact négatif sur l’application sereine de l’Accord. A mon avis, voilà les 3 problèmes qui peuvent expliquer le blocage de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger.
Mali Tribune : les autorités maliennes ont rencontré ce mardi les groupes signataires dudit Accord. Pensez-vous qu’un terrain d’entente sera trouvé ?
B D.: oui ! Il est toujours possible de parvenir à un terrain d’entente pourvu que les négociations ne soient pas interrompues et que les acteurs soient impliqués avec une volonté sincère d’aller vers la mise en œuvre de l’Accord. Je pense qu’un terrain d’entente peut se trouver entre les parties signataires.
Mali Tribune : le Président algérien a affirmé que la stabilité du Mali dépend de la mise œuvre de l’Accord. Est-ce le cas selon vous ?
B D.: le Président algérien a bien raison de dire cela. Puisque dans tous les cas, qu’on soit d’accord ou pas avec le contenu de l’Accord, on peut tout de même être tous unanimes sur le fait que la signature de cet Accord a permis la cessation des hostilités entre les ex-groupes armés et le gouvernement du Mali. C’est déjà un avantage qui est en faveur de l’Accord d’Alger. Cet Accord d’Alger est un gage de stabilité quelque part parce que, jusqu’ ici, les négociations ne sont pas interrompues. Ce qui prouve que les parties ont l’espoir ou l’espérance que cet Accord répond plus ou moins à leur volonté pour une paix durable au Mali.
Mali Tribune : êtes-vous pour une relecture de l’Accord ?
B D.: cela va de soi. Parce qu’il y a des choses dans l’Accord qui ne sont pas prises en charge par la constitution du Mali et cela pose un véritable problème de cohérence entre la loi fondamentale et cet Accord. Je pense que cela a été évoqué depuis fort longtemps que l’Accord ne peut pas être appliqué à 100 % à moins qu’on passe par une révision de la constitution. Aujourd’hui nous sommes dans un contexte où tout le monde parle de refondation de la nation. Cette refondation va nécessiter l’élaboration d’une nouvelle constitution selon les recommandations des Assises nationales de la refondation. Tout va dépendre du contenu que le pouvoir constituant va mettre dans le prochain texte constitutionnel. Si ce prochain texte constitutionnel prend en charge le contenu de l’Accord tel qu’il est actuellement, il n’y a pas de problème, l’Accord peut être appliqué. Mais au contraire en cas de divergence entre le contenu de l’Accord et celui de la nouvelle Constitution, je pense que c’est à l’Accord de s’adapter à la constitution et non l’inverse.
Propos recueillis par
Ousmane Mahamane
MICRO-TROTTOIR
Que pensez-vous de l’accord d’Alger ?
Karamoko Satao, (commerçant)
« Pour moi, l’accord d’Alger ne doit pas être appliqué, car en appliquant cet accord, nous conduirons notre pays le Mali à la division. Le contenu de l’accord pose énormément de problèmes. Dans cet accord, on parle de régionalisation, de l’armée constituée, des autorités intérimaires, le désarmement, démobilisation et réinsertion. Ces changements vont surement amener d’autre problème à l’avenir ».
Djénèba Diarra, (agent comptable)
« Je n’ai pas bien suivi et lu ce qui est écrit dans l’Accord d’Alger. Si c’est à l’avantage des Maliens, ils peuvent appliquer, mais et si ce n’est vraiment pas à notre avantage, je suis contre. Ça nous fait bientôt 10 ans que nous somme dans ce problème et ce n’est vraiment pas facile d’être résolu dans 1 an car c’est gens-là sont partout et nulle part. Il faut de la collaboration de tout le monde, et de tout un chacun ».
Sory Ibrahim Cissé, (comptable)
« Il y a eu beaucoup de modification jusqu’à l’Accord d’Alger en 2015. Il s’agit vraiment de trouver un compromis entre le gouvernement du Mali et des groupes signataires, et c’est vraiment un accord qui concerne tous les Maliens. Je pense qu’il faut vraiment trouver un grand consensus qui féra l’humanité pour aller vers l’application de cet accord. De ce fait, il faut qu’il y ait des concessions de part et d’autre pour que chacun puisse se retrouver dedans ».
Bintou Touré, (étudiante)
« Je pense vraiment que si c’est un accord pour une réconciliation durable et la paix, il doit être appliqué et respecté par tous. Si c’est pour l’intérêt du peuple malien, je ne vois vraiment pas d’inconvénient à cela, mais si ce n’est pas pour l’intérêt du peuple malien, mieux vaut vraiment ne pas l’appliquer ».
Cheick Boli, (universitaire)
« Je pense que nous traversons une crise multidimensionnelle et jusqu’à ce jour, on n’a pas encore proposé de meilleures solutions, si ce n’est l’Accord d’Alger. C’est-à-dire un accord qui inclue le gouvernement, les ex-mouvements rebelles, et la plateforme c’est-à-dire la communauté internationale (les partenaires stratégique, économique et politique du Mali). Si on ne crée d’autres roues, il faut rouler quand même avec celle que nous avons. Je pense que pour le moment, on n’a pas d’autre choix que de passer par la mise en œuvre de l’Accord pour aller voir la paix, la sécurité promise. Nous ne pouvons pas rester seulement sur cette position de résolution seulement militaire, et puis unilatéralement parce que c’est le gouvernement seul qui est impliqué. Les autres sont seulement au côté observateurs et ne réagissent que quand ils sont victimes. Je pense que la mise en œuvre de l’accord est le seul modus Opera dus qui peut pour rassembler tous les Maliens dans un seul but qui d’avoir une seule armée et un seul ennemi. C’est l’armée malienne contre le terrorisme djihadiste. C’est mieux d’aller vers l’accord que de rester dans cette position indécise, que de rester dans cette position de doute où l’on ne sait pas s’il fait jour ou s’il fait nuit ».
Kaba Diakité, (enseignant)
« Pour moi, on ne doit pas appliquer l’Accord d’Alger, car cet accord a été signé quand on était en position de faiblesse. La mise en œuvre de cet accord n’est surement pas en notre faveur. Au moment son l’élaboration nous ne pouvions pas exiger suffisamment nos intérêts.
Adam Traoré
Aly Diabaté
(Stagiaires)