Le 29 décembre 1987, le tout puissant miséricordieux arrachait à l’affection de la nation malienne un de ses valeureux fils, le griot légendaire Bazoumana Cissoko. Djeli Bazoumanaba est incontestablement une référence dans l’histoire et la culture malienne.
Parmi ses enfants, le benjamin, Baba, communément appelé Bagnini Soura, se souvient encore des conseils de son défunt père. Du haut de ses 36 ans, Baba Cissoko, lance un vibrant appel aux griots du Mali pour un éveil de conscience et un retour aux valeurs ancestrales. Le jeune griot Kagolodougou Séguéla et son groupe « Bagadjolo » sont à pied d’œuvre pour la réalisation d’un album pour davantage immortaliser le grand Bazoumana. De retour d’une tournée à Paris, il s’est prêté à nos questions.
Le Pouce : Comment avez-vous suivi les traces de votre défunt père ?
Baba Cissoko : « C’est un devoir pour tout enfant d’honorer son père. Mon ambition est d’imiter mon père. Depuis mon enfance, j’ai aimé chanter et joué à la Kora. C’est pour moi un sacerdoce. Quand j’étais petit, je chantais même étant dans la toilette. J’avais ce désir ardant de faire comme le vieux. Je n’ai pas longtemps connu mon père. Avec la vieillesse, je n’ai pas eu la chance d’apprendre avec lui. Il est décédé quand j’avais 8 ans ».
Le Pouce : Que gardez-vous de Bazoumanaba comme souvenir ?
Baba Cissoko : « C’est très impressionnant. Aujourd’hui ses prédictions sont devenues des réalités. Il m’avait dit qu’un jour viendra, n’importe qui pourra se permettre de se considérer comme griot. Il m’avait dit que l’avenir des hommes de castes allait connaître une tournure au point que la valeur du griot sera ébranlée, son intégrité bafouée. Mon défunt père m’a aussi expliqué que beaucoup de nobles essayeront de se couvrir derrière la peau des griots pour se faire de l’argent et se créer des relations. Comme un film, je fais malheureusement le constat qu’à cause de l’argent les griots ont abandonné leur sacerdoce oubliant ainsi leur rôle de facilitateur, de médiateur et de réconciliateur. Rares sont les griots qui respectent aujourd’hui les principes de la profession. C’est le désordre. On nait griot. On ne devient pas griot. Ça ne s’achète pas. Je lance donc un vibrant appel à toute la corporation, vieille et jeune pour un éveil de conscience et un retour aux valeurs ancestrales. Pour bien jouer son rôle, le griot doit acquérir la confiance des gens. Il s’agit pour nous de pérenniser notre dignité. Il faut que les griots renouent avec les valeurs ancestrales ».
Le Pouce : Parlez nous de votre carrière ?
Baba Cissoko : « C’est en 2000 que j’ai effectué ma première tournée internationale en Cote d’Ivoire où j’ai représenté le Mali avec Oumou Soumaré. Sur invitation du président Gambien Yaya Djamé, j’ai eu l’honneur de faire partie de la délégation malienne avec Sadio Sidibé. C’était en 2006. En 2014, je suis allé à Dakar avec Djodjo et Bandjougou de Saramba, sous la conduite de Toumani Diabaté. C’est grâce à Ibrahima Sarr de Médine que j’ai eu la chance de faire mes preuves en France, Allemagne, Suède, Danemark, Suisse, Belgique. Actuellement je suis entrain de préparer mon Album Bagadjolo qui va, je l’espère immortaliser davantage le grand Bazoumana ».
Entretien réalisé par Jean GOÏTA