…. avec le comédien Michel Sangaré sur la crise sociopolitique au Mali : ”La culture est reléguée au second plan, n’importe qui devient ministre de la culture”

5

Comédien indépendant de nos jours, il a fait les beaux temps du groupe dramatique national du Mali, avec des pièces comme ”Wari”, ”Férékegnagamibougou”. Avec la révolution, il quitte le groupe dramatique national avec son eternel complice Guimba national.  En compagnie du réalisateur Ousmane Sow,  ils créent le groupe ”Gwakolo”.

Michel Sangaré

Dans ce groupe, ils ont joué plus de 6 pièces de théâtre. Aujourd’hui,  Michel Sangaré travaille avec Blonba. Il est le directeur artistique de l’émission Yélébougou. Ce qui lui vaut le statut de comédien indépendant. Michel comme l’appellent ses intimes est sur deux créations avec Blonba, il prépare une tournée avec ”Vérité de soldat” et s’occupe aussi de ses propres  business. C’est dans le café théâtre le ”Damou” sis à Djélibougou que nous l’avons rencontré pour cet entretien, dans lequel il parle de la dégradation de nos us et coutumes, la culture et l’abandon de l’éducation.   Il a déploré le fait que  la culture est reléguée au second plan. Ce qui a conduit le Mali dans cette crise. Dans un pays où n’importe qui peut devenir ministre de la culture, tout est possible.

Bamako Hebdo : Depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012, quelle analyse faites- vous de la situation que connaît notre pays ?

Michel Sangaré : Le Mali est dans une crise grave, mais ce n’est pas parce que le nord est occupé qu’on parlera de crise. Nous sommes habitués à la crise, ça fait un quart de siècle que le Mali traverse une crise terrible.

On dit que le nord est occupé,  est ce que le sud aussi n’est pas occupé ? Comment dans un pays comme le Mali où le salaire du fonctionnaire est connu de tous, des gens peuvent se payer des voitures de 50 à 80 millions, construire des villas partout. Ils bouffent l’argent des pauvres et conduisent des milliers de gens au chômage. Tout cela au vu et au su de tout le monde.  Personne ne dit rien. Ça c’est plus qu’une occupation. Je dis qu’un rebelle vaut mieux que ce genre de fonctionnaire que l’Etat a formé et dont il a payé les études et qui après ne demande que ses droits, primes et avantages.  Un rebelle vaut mieux que lui. Ça aussi,  c’est de l’occupation. En plus de cela, nous avons trahi ce que nos ancêtres ont difficilement construit, nous avons très longtemps vécu avec la peau de l’autre.  Les Tiéba, Babemba, Firhoun, Soundjata, Samory  Biton ont travaillé avec comme socle la dignité. Ce sont des gens qui savaient mourir au nom de la dignité, qui savaient mourir au nom de la vérité, mourir au travail et qui savaient donner leur vie pour l’autre. Nous, nous avons depuis longtemps perdu ces valeurs. Dieu nous a donné beaucoup de sursis, c’est maintenant qu’on a des problèmes au nord et au sud. Le problème du nord est insignifiant pour moi, qu’est ce qu’on peut faire au nord ? Qu’est ce qu’on a fait au nord ? Les efforts consentis,  ce sont les autres qui l’ont fait,  pas nous. Il n’ y a aucune construction au nord. Le Mali n’a pas les moyens de s’occuper du nord, est ce que le Mali s’occupe même du sud, nous avons plus de problèmes ici qu’au nord, on nous pille partout.

Qu’en est-il des efforts consentis par le gouvernement ces derniers temps ?

 Nous n’avons pas consenti d’efforts, c’est l’autre qui est en train de le faire. Ce sont nos maîtres qui est en train de gérer. Ce qui devrait être pour nous sont en train d’être dilapidé au vu et au su de tout le monde. Comment dans un pays démocratique, des fonctionnaires milliardaires circulent devant tout le monde,  personne ne bronche ? Comment un fonctionnaire peut s’amuser avec l’argent du contribuable ? Comment un commerçant dans un pays comme le Mali peut jouer avec des centaines de millions alors que la quasi-totalité de la population croupit dans la misère. Ça veut dire que le pays n’est pas géré, on assiste à quoi à des groupes de bandits qui pillent notre pays. Qui ont sucé le sang des pauvres citoyens.

L’autre aspect de la crise est le fait qu’il y a quelques années, on a banni du système scolaire le programme d’éducation civique et morale, personne n’a levé le petit doigt,  pas même les chefs religieux. La chute est consommée dès lors qu’un pays foule la morale et l’éducation civique  au pied. Donc ce n’est pas étonnant, si on va agresser le président de la République dans son bureau. Ça été du jamais vu, nous qui sommes entre deux âges, nous le faisons, les enfants feront pire que ça. Ils vont tuer ou éventrer leurs mamans, et mettre des balles dans la tête de leurs papas. Mais tout le monde a démissionné.

Tu as vu, des parents parler d’éducation, de religion ou de morale à leurs enfants dans la famille ? As-tu jamais vu un député aller faire la restitution des travaux de l’Assemblée nationale à sa base ? As-tu vu un maire revenir d’une mission de jumelage faire le compte rendu à ses mandats ? Il se contente des membres de son bureau. Comment  voulez-vous que les choses marchent. L’enfant qui apprend la religion dans la rue, la morale, son éducation se fait dans la rue. Conséquence : nous aurons sous la main des cadres corrompus et voyous  et un Etat qui n’existera que de nom.

Que faut -il faire pour sortir de cette crise ?

C’est une crise complexe, mais les hommes ont leur rôle dans le chaos actuel, désormais il faut une très bonne enquête de moralité avant les nominations. Il faut mettre l’homme avant ses diplômes.

Les diplômes ne sont rien, si l’homme n’est pas bon. Tu peux avoir les meilleurs diplômes et être d’une moralité douteuse.  La science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Il n’est pas indiscret de demander aux Maliens de donner leur avis sur telle ou telle personne, qu’on voudrait placer à tel poste de responsabilité. On se connait. C’est très simple, on connait tous les hommes riches, on sait comment ils ont fait fortune. On connait toutes les personnalités d’ici, on connaît leur papa, leur maman.  La crise actuelle n’est autre que la conséquence de la mauvaise gestion du pays par des hommes, donc il faut mettre les hommes de valeur aux commandes. Le Mali a besoin de ses fils et filles valeureux, il ne faut pas qu’ils continuent à faire la même chose sinon on ne sortira pas de cette crise.

Revenons à vous-mêmes, maintenant qu’est ce que vous êtes en train de préparer ?

Les artistes ont voulu s’investir, mais moi j’ai voulu travailler sans passer par les responsables administratifs et politiques, car je travaille avec les jeunes comédiens de Yélébougou. J’ai dit aux jeunes de travailler sur la crise à partir du sud.

Le nord,  ils ne le maitrisent pas du tout. Et personne ne sait la triste réalité de ce qui se passe au nord. Nous ne connaissons ni l’origine,  ni les tenants et les aboutissants. Parce qu’on ne dit rien à la population à qui on a menti. C’est quand ça se dégénère que la population apprend des bribes d’information. Je ne sais pas par rapport à la vie d’une nation, qu’est ce qui empêcherait les autorités d’informer la population sur ce qui se passe dans notre propre pays.

C’est pourquoi,  j’ai demandé aux jeunes de parler du sud, en parlant du sud. Avant les événements du nord,  nous avons fait une pièce avec Acte 7, c’était par rapport au 26 Mars 1991. Le jour où on va jouer, les gens vont dire que les événements de 2012 nous ont inspiré pour monter la pièce. Alors que la pièce  a été réalisée en février 2012. On l’a joué au festival sur le Niger un mois avant les événements, donc ça veut  dire que les événements étaient prévisibles.

Quels sont les comédiens de la pièce en question ?

 Nous avons Fily Traoré, Karim Diarra, Fanta Coulibaly, Modibo Dilly Traoré et moi-même Michel Sangaré.  Le metteur en scène est Ousmane Sow.  C’est une pièce d’Adama Traoré d’Acte 7.  Elle parle de mars 1991. En dehors de cette pièce,  je dois faire une tournée avec ”Vérité de Soldat”, qui peut avoir  un impact social.  Malheureusement on ne va pas la jouer ici. Avec Maï , Adama, nous devrons faire 6 représentations en France au mois de novembre. C’est une pièce de Blonba. La dernière création commencera malheureusement en France, parce que Blonba à des problèmes de salle. Ce sera ”Plus fort que mon père’‘ une pièce de Jean Louis Sagot- Duvauroux qui va être interprétée  par le jeune Ramsès et moi-même. Je vais m’identifier à son père.  C’est un conflit de génération qui va nous permettre de passer  en revue les travers  de notre société.  Qui jusqu’à preuve du contraire reste encore colonisée. Voilà un peu ce que je dois faire d’ici la fin de l’année.

Il y a un nouveau ministre de la culture, est ce à dire que l’art et la culture joueront un rôle  important comme par le passé ?

Il est temps qu’on s’occupe de l’art et de la culture de notre pays. La troupe dramatique nationale a tout fait pour ce pays. Il faut que les autorités s’investissent dans la culture.

Depuis les premières heures de l’indépendance,  la culture a fait ses preuves, l’art malien n’a plus besoin de prouver quelque chose. Maintenant c’est aux autorités de venir vers l’art, il faut investir de l’argent.

La troupe dramatique n’a pas 10 millions par an, c’est pourquoi elle  ne produit rien. Qu’est ce que cela coûte à l’Etat de mettre 100 millions à la disposition du groupe dramatique.

Pour ce qui est de notre génération,  on n’en parle plus à part Ténéman et Dougoutigui, les autres ont 30 à 40 ans d’expériences. Ces gens sont de l’or mais on les laisse mourir, c’est une banque de données de l’art qui est en train de mourir à petit feu et personne ne fait rien. Le nouveau ministre de la culture,  je ne le connais pas. Je ne sais pas qui il est pour devenir ministre de la culture.

Comme c’est  la culture, on dit tout simplement, mettez quelqu’un là-bas,  c’est tout.  N’importe qui peut devenir ministre de la culture au Mali.  Il faut que cela cesse, qu’on cherche un homme de culture et qu’on cesse de reléguer la culture au second plan. Certains vont dire que des hommes de culture ont été essayés à ce poste. Mais ce n’est pas une raison suffisante. Au Mali, on peut trouver un bon ministre de la culture parmi les hommes et les femmes de culture. C’est comme tu passes tout ton temps à chercher de l’argent et après tu vas déchirer tout et le  jeter dans l’eau. Il faut qu’on cesse de nous minimiser ce n’est pas bon. Nous sommes tous des Maliens. Quand on dit Malien on ne fait pas la différence entre animiste, musulman et chrétien, c’est-à-dire,  on est un et indivisible.

Avez-vous un mot de la fin ?

Il faut qu’on se parle entre nous. Il nous faut de l’éducation, de la concertation,  du dialogue sans quoi  ce sera déjà la sclérose.

Je redoute le pire,  si dès maintenant on ne s’essoit pas à la même table, qu’on dise la vérité les yeux dans les yeux. C’est pourquoi on doit retourner à la culture, parce que c’est notre soubassement  sinon l’édifice s’effrite, or pour avoir un bon soubassement il  y a l’éducation civique et morale, bien former l’avenir du pays.

Et tout cela n’est possible que quand les fils du pays se donnent la main, se parlent. En 1991 il y a eu la conférence nationale, maintenant il faut la concertation nationale, tout de suite sinon ça va exploser. Parce que les gens sont en train de s’armer, pas pour aller faire un autre coup d’Etat mais ils savent que ça ne va pas. Un jour ça va craquer et quant ça craque il faut pouvoir se défendre  et ce n’est pas le moment où il faut aller chercher des fusils.

Donc la population est en train de s’armer ?

ça si on  regarde combien de tonnes d’armes la junte a enlevées chez les gens, ce n’était pas pour faire un coup d’Etat, c’était pour se préparer parce qu’ils savaient que ça va exploser.

Je pense que le coup d’Etat est venu à un bon moment parce que ça n’a fait que surseoir à une situation pourrie dont l’issue n’allait  être qu’une guerre civile ici même. Mais la pourriture continue et quant ça se gangrène ce n’est pas bon pour le pays.

Kassim TRAORE

Commentaires via Facebook :

5 COMMENTAIRES

  1. il n,a dit que la verite mais la majorite des maliens n,aiment pas la verite ils sont tous adeptes du «kumani tienji««..michel n,a jamais ete un mediocre..les mediocres on les connais au mali..

  2. Michelle vous avez un moyen intellectuel moyen ( average ), limitee de part votre pensee , laissant entrevoir un mediocre qui par sa maniere de dire , ou souvent un faux calculs .
    N’Importe qui peut etre ministre de la culture a l’exclusion de vous michelle , voire votre mediocrite qui vous en dispense en consequence .

  3. N’importe qui est ministre au Mali pas qu’a la culture seulement il suffit d’une relation de parenté et de ce que dieu nous en garde….C’est pourquoi tous les fonds sont raflés par d’autres pays car leur ministre parlent d’un domaine qu’ils maîtrisent.Une pharmacienne à la fonction publique un médecin à l’agriculture……

  4. tu dit que de la vérité. Sommes pas tous responsable? Quand ont sais qu’au Mali la famille est fière parcequé le fils ou la fille construisent des châteaux en vidant les caisses du pays. Le patriotisme à disparu depuis fort longtemps. Que dieu nous préservent.

Comments are closed.