Le député Parena élu à Dioïla, Konimba Sidibé, l’un des fondateurs du Parena, vient de claquer la porte du parti du Bélier blanc. Avec ses partisans, il veut créer le parti Mouvement destin commun (Modec), qui sera très bientôt porté sur les fonts baptismaux. Dans l’entretien que nous avons eu avec lui, il nous parle de sa démission, de son nouveau parti, de la préparation des élections générales et des nouvelles gestations politiques.
Le Reporter : Ça fait quelques jours que le bruit de votre démission du Parena court à Bamako, qu’en est-il réellement?
Konimba Sidibé : L’information est juste. J’ai effectivement démissionné du Parena, il y a de cela plus d’une semaine.
Quelles en sont les vraies raisons ?
Je crois que tous ceux qui ont suivi mon parcours politique, ces dix dernières années, se sont rendus compte qu’il existait un véritable décalage entre mes prises de position politiques, et les actions que je menais par rapport à mon parti. Je crois que c’est une situation qui a duré assez longtemps et qu’au bout du compte, à partir d’un certain moment, ça devient difficile à assumer. C’est avec beaucoup de regret que j’ai dû mettre fin à un compagnonnage vieux de plus de 30 ans avec certains camarades du Parena, avec lesquels je me suis battu depuis que j’étais étudiant jusqu’à maintenant. Ce départ a été fait dans le respect des uns et des autres, dans la dignité, sans insulter qui que ce soit. De toutes les façons, le Parena est aussi mon bébé, parce que j’ai participé à sa création. Il est hors de question pour moi de cracher dans la soupe. Nous avons fait de belles choses ensemble et je pense que le compagnonnage était devenu très difficile.
Des 10 personnes qui ont créé le Parena, il ne reste que 8 maintenant, parce que le Professeur Yoro Diakité avait créé son parti. Vous aussi, vous prenez une autre destination. Est-ce qu’il y a une contradiction idéologique qui vous avait poussé à créer le Cnid-Fyt, et après le Parena ?
Je trouve qu’en réalité, il faut comprendre les mouvements au sein de la classe politique. Il faut comprendre les fusions, les scissions, les départs des grands partis comme quelque chose de normal, en raison de la jeunesse de notre mouvement politique et des partis politiques. Les lignes bougent beaucoup et les gens qui sont dans l’opposition aujourd’hui, peuvent être demain dans la majorité. Le fait que les lignes bougent énormément, sans ligne de démarcation claire, favorise ce genre de situation justement. Ce sont des moments où on a franchement du mal à se reconnaître dans ce qui se fait. Et quand cela arrive, naturellement, la seule solution, c’est de partir, ou de se clouer dans le moule. Et se clouer dans le moule, est très difficile pour ce qui me concerne.
Est-ce que vous allez dans une formation politique, ou vous allez faire cavalier seul ?
J’avoue que je suis tenté par une nouvelle aventure politique. Beaucoup de ceux qui croient encore en ce que je fais, qui sont proches de moi, ont demandé à ce qu’on se mette ensemble pour tenter l’aventure d’un nouveau parti politique. Nous nous sommes engagés, depuis ma démission, parce que moi-même je peux vous dire que jusqu’à la semaine dernière, je n’étais pas sûr de cette démission. Parce que c’est un acte très douloureux que de se séparer des gens avec lesquels on se bat depuis une trentaine d’années. Mais, c’est arrivé. C’est arrivé avec ceux-là qui croient encore en moi, qui pensent qu’on peut avoir une autre ligne de démarcation à travers un parti. Nous avons décidé de créer un parti qui va s’appeler «Mouvement pour un destin commun (Modec). Ce processus de création est en cours et très prochainement, nous allons le porter sur les fonts baptismaux. Et cela, dans l’espoir que beaucoup de nos concitoyens nous feront confiance, pour nous rejoindre dans ce parti en vue de la bataille d’un nouveau type de gouvernance dans ce pays.
Votre base au niveau du Baniko va-t-elle vous suivre dans ce projet ?
Vous savez, ce genre de décision, quand on est responsable politique, c’est toujours hasardeux de la prendre, sans avoir un minimum d’assentiment au niveau de sa base. Je ne peux pas vous dire que les 100% de ma base vont me suivre ni à Dioïla, ni dans les autres régions du Mali. Mais, ce qui est sûr, beaucoup de ces gens croient en moi et en ce que je fais et ils me font une grande confiance. Ce n’est que dans les semaines à venir que l’on saura qui veut nous suivre. Konimba et ses amis, dans cette aventure, ne suffisent pas, mais mon objectif n’est pas nécessairement de débaucher les anciens camarades du Parena à Dioïla ou ailleurs. Parce que je ne crée pas un Mouvement dans un esprit de revanche pour tuer le Parena ou pour quoi que ce soit, car on ne tue pas son propre bébé. Je souhaite bon vent au Parena, mais je dis qu’ils soient militants Parena ou pas, qu’ils soient dans le cercle de Dioïla ou pas ou dans le reste du pays, tous ceux qui croient en moi, en ma vision générale de la chose publique par rapport à l’action que j’ai menée au cours des dix dernières années, peuvent me rejoindre. Je suis convaincu qu’ensemble nous pouvons soulever des montagnes. Si des citoyens véritablement engagés pour la cause publique, rien que pour la cause publique, se mettent ensemble pour faire bouger les choses, ils peuvent trouver une solution.
Est-ce que le Modec ne sera pas une transformation de votre association Djoyoro Fa ?
Non, le Modec n’est pas une transformation de Djoyoro Fa, parce que quelque part, je suis convaincu aussi que sans une société civile forte capable d’être exigeante vis-à-vis des dirigeants, il n’y a pas de solution. Partout dans le monde où les dirigeants n’ont pas de compte à rendre à qui que ce soit, on n’a pas vu de réussite. L’homme est naturellement tenté par la facilité, le gain facile. Il n’y a pas de solution de ce point de vue là, mais il est clair que la grande bataille dans les années à venir, c’est une société civile forte, extrêmement exigeante vis-à-vis des dirigeants, capable de s’opposer aux mauvaises pratiques. C’est pour cela que Djoyoro Fa va exister et continuer son combat.
Comment allez-vous jouer votre rôle de député, sans être du Parena ?
Au niveau de l’Assemblée nationale, la question n’est pas d’être un député Parena ou non. La question, c’est d’être un député de la Nation tout court. Vous savez très certainement, comme moi, que l’appartenance à un groupe au niveau de l’hémicycle relève des questions individuelles. Les députés peuvent être membres de tel ou tel groupe, sans être membres de ce groupe, ce qu’on appelle les députés affiliés, apparentés. Mais, je dois vous dire qu’au niveau du Parena, je n’ai pas discuté avec mes amis de ce parti et je pense que cela va se faire, sans faute.
Certains observateurs de la scène politique pensent que la création de votre parti est liée à la gestation d’un groupement politique avec l’ancien Premier ministre Soumana Sacko, qui sera une force nouvelle. Votre parti est-il dans cette dynamique ?
Le pays bouillonne, c’est normal, parce que nous sommes dans un contexte de chaos total qui fait que chacun a sa solution, chacun se débrouille comme il peut. Je dis simplement que je souhaite vivement que les forces du changement, du vrai changement pour la cause publique du Mali, triomphent et trouvent les moyens de triompher ensemble.
Avez-vous un dernier message?
Je demande simplement aux citoyens de ce pays de ne pas se résigner, de ne pas être fatalistes. Qu’ils ne croient pas que la fore de l’argent sale, qui a gouverné ce pays jusqu’à présent, reste sans solution. Qu’ils ne croient pas que cette montagne nous avons en face de nous, nous ne pouvons pas la grimper et la déplacer. En nous mettant ensemble, nous pouvons renverser cette montagne et mettre le pays sur la voie de la bonne gouvernance, de la bonne gestion des affaires publiques dans l’intérêt de toutes les Maliennes et tous les Maliens. C’est un appel que je leur lance.
Propos recueillis par Kassim TRAORE