Annyck Guillard, Militante pour l’abolition de la peine de mort : «La justice américaine est loin d’être infaillible»

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Du 2 au 12 juin 2011, Mme Annyck Guillard de nationalité française vivant à Bruxelles (Belgique), a foulé le sol malien pour vivre, durant 10 jours, les réalités de notre pays. Militante pour l’abolition de la peine de mort à travers le monde, elle a eu l’opportunité de sillonner Siby, Kati et le District de Bamako. Cette visite a permis à Madame Annyck Guillard de rendre visite aux enfants de l’ASE-MALI sise à Sébénikoro et de leur apporter son concours, à travers divers dons. Au terme de sa visite, elle s’est confiez à votre journal «Le Prétoire». Lisez !

 Le Prétoire : Pourquoi cette visite au Mali ?
Annyck Guillard :
L’Afrique m’a toujours fascinée par sa culture, mais le regard de ses enfants implorant un peu de tendresse et d’attention me bouleverse profondément. J’avais entendu parler de la Pouponnière de Bamako et j’ai désiré joindre l’utile à l’agréable. Avant de partir pour l’Afrique, j’ai parlé à des amis et collègues de mon projet et un élan de solidarité s’est manifesté pour aider ces petits êtres nécessiteux. La visite de cet orphelinat m’a ouvert les yeux sur les besoins de ASE-MALI.

Dites-nous ce qui vous a le plus impressionné au Mali ?
Comme dans toutes les grandes villes africaines, ce qui frappe le plus au premier abord, c’est ce mélange de bruits, une circulation qui donne le tournis, les couleurs vives et le sourire de la population locale. Les autochtones sont chaleureux, et accueillants.

 Vous militez pour la peine de mort depuis quelques années. Pourquoi défendre des hommes qui ont commis l’irréparable ?
Après avoir lu un article sur les couloirs de la mort aux USA (principalement au Texas), je me suis penchée sur ce problème encore bien présent dans le Sud des Etats-Unis. Au cours de ces dernières années, j’ai correspondu avec un certain nombre de ces prisonniers. Ce qui a retenu principalement mon attention, c’est le profil de ces hommes du couloir (souvent des hommes afro-américains issus de milieux défavorisés). Jai appris à connaître certain de ces hommes à travers une correspondance régulière et des visites sur place. Même si je ne peux accepter les raisons pour lesquelles ils se retrouvent enfermés pendant des années dans des cellules minuscules et en isolement total, je ne peux me résoudre à accepter que la justice humaine puisse décider de la vie ou de la mort d’un autre individu. N’est-ce pas le rôle de Dieu de prendre une telle décision ? Une incarcération à vie est à mes yeux une punition plus justifiée que prendre la vie d’un homme et se rabaisser à un rôle de tueur d’hommes.

 Parlez-nous des couloirs de la mort ?
Il y a quelques années, j’ai été interpellée par un article écrit par la responsable d’une Association belge contre la peine de mort. Elle y expliquait les détails de la vie d’un homme afro-américain détenu dans les couloirs du Texas. L’idée m’est alors venue de correspondre avec ce prisonnier. Quelques mois plus tard, j’ai eu envie de mieux le connaître et d’aller le visiter, afin de me rendre compte de la véracité de tout ce qui avait été écrit à ce sujet. Je suis donc partie au Texas et là j’ai découvert le milieu carcéral américain de haute sécurité. Les hommes qui sont toujours issus de milieux très défavorisés.  Il n’y a pas de riches dans les couloirs.  Une personne qui a les moyens va engager un Avocat qui pourra lui sauver la vie et lui permettre de réduire sa peine. Un homme qui est pauvre n’aura pas cette possibilité d’être représenté par un Avocat commis d’office, et a donc de très fortes chances d’être amené à terminer son existence dans les couloirs. Avant d’être exécuté, un prisonnier peut passer de nombreuses années dans les couloirs. La justice américaine étant très lente et complexe, il aura droit à plusieurs recours avant de finalement recevoir une date d’exécution. Les journées de ces hommes deviennent alors totalement déshumanisées. Ils passent 23 heures par jour dans des minuscules cellules, sans aucun contact humain. Ils ne sortent qu’une heure par jour pour prendre leur douche et aller faire un peu d’exercice. Les seules distractions qu’ils ont est une radio (s’ils ont les moyens de s’en acheter une), le courrier qu’ils reçoivent et des livres ou des magazines que leurs correspondants peuvent leur envoyer. Ils ne peuvent pas travailler, donc ne sont pas payés. Seuls les prisonniers ayant des correspondants peuvent donc espérer avoir un petit extra financier. Il s’est avéré qu’à plusieurs reprises, un prisonnier des couloirs soit innocenté en dernière minute (et quelques fois même à titre posthume). Ceci laisse donc penser que la justice américaine est loin d’être infaillible et cela remet en question le sujet sur la peine de mort.

Pourquoi cette justice de l’homme envers son prochain ?
Aux Etats-Unis, contrairement à la justice européenne, un homme est jugé sur la base des faits et témoignages. Quand il est accusé de meurtre, c’est à lui à prouver son innocence. Les juges et tout le système judiciaire américain sont nommés par élection de la population. La mentalité est encore que lorsqu’il y a crime, il faut trouver un coupable très rapidement afin que la population ne se sente pas insécurisée. Le coupable est jugé par des jurés, choisis dans la population. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, la population est encore très ancrée dans des traditions religieuses (méthodistes, évangélistes, etc.), racistes (tout ce qui n’est pas blanc est suspect) et donc un homme qui vient d’un milieu défavorisé, si de plus il est de couleur (afro-américain ou hispanique), a de fortes chances de voir son procès bâclé. Au vu de toutes ces remarques, il semble plus juste de se dire qu’à l’heure actuelle, quand on se veut un pays civilisé, il y a moyen de tenir des criminels dans des prisons de haute sécurité et les faire travailler afin qu’ils participent à leurs frais de détention, plutôt que de leur ôter la vie. Si en plus, cet homme de couleur a tué un homme blanc, alors il n’a pratiquement aucune chance de s’en sortir avec une prison à vie ! Les pressions du Ku Kux Klan sont toujours aussi présentes au Texas, en Floride ou en Louisiane ! Au nom de Dieu, leurs membres sont prêts à toutes sortes de représailles envers des minorités.

 Est-ce à dire que les droits de l’homme sont bafoués sur ce continent ?

En fait, c’est toute la justice américaine qui est à remettre en cause. Par exemple, un homme est accusé de meurtre sur base de témoignages recueillis dans la rue.  Aucun test ADN ne sera fait sauf s’il a les moyens de le payer lui-même. C’est à lui de prouver qu’il n’était pas sur les lieux du crime. Dans des cas de règlement de compte entre membres de gangs, cela devient très complexe et il est pratiquement impossible de connaître la vérité.

La commission européenne est déjà intervenue pour solliciter du gouverneur texan une révision de procès pour certains détenus présumés innocent mais M. Perry n’a rien à prouver au reste du monde et désire le démontrer haut et fort. Il a même refusé que le président Bush intervienne dans un cas bien précis – un comble quand on sait que c’est pendant la gouvernance de M. Bush que l’état du Texas a exécuté le plus de prisonniers ! Son Excellence Desmond Tutu a plaidé la cause de Dominique Green, il y a quelques années, en vain ! Il était sur place au moment de son exécution. Cela n’a pas aidé ! Il semble, que le racisme qui est toujours aussi fort dans le sud des Etats-Unis soit principalement la cause de ce non-respect des droits de l’homme.

 Le Prétoire : Quel souvenir gardez-vous du Mali ?

J’ai été impressionnée par la gentillesse de la population.  Le Mali est un pays très accueillant et qui mérite d’être mieux connu. Par contre, la pauvreté qui y règne est parfois très lourde à supporter. Je n’ai visité que Bamako et ses proches environs mais la différence entre la ville et les villages est grande. Dans les villages, la population donne l’impression de mieux vivre, d’être plus structurée qu’au centre ville. Il m’avait été recommandé de faire très attention à moi avant ce voyage au Mali, en me faisant remarquer qu’il y avait beaucoup d’insécurité (surtout politique vu la présence de certains membres d’Al Qu’Aïda). Je n’ai absolument pas ressenti d’insécurité ni de présence terroriste sur le sol malien. Je garderai un souvenir très attendri de Bamako et espère pouvoir y revenir prochainement et avoir l’opportunité de sillonner le reste du pays et voir toutes les merveilles qu’il contient.

Propos recueillis par Destin GNIMADI

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