Lutte contre l’impunité, assistance à la population paysanne victime de spoliations des terres de culture, promotion des droits économiques et sociaux, etc. Telles sont entre autres des missions phares de la nouvelle mandature de Maître Moctar Mariko à la tête de l’AMDH.
Nous l’avons rencontré quatre jours après sa réélection. Il est conscient du défi et moralement préparé pour l’accomplir.
Le pays : Bonjour Maitre Moctar Mariko. Vous venez juste d’être réélu président de l’AMDH. Qu’est-ce que cela vous fait de voir la confiance de vos pairs renouvelée en vous ?
Maitre Moctar Mariko : C’est une large responsabilité qui va encore peser sur mes épaules. Cette réélection est consécutive aux actions et aux activités qui ont été menées sous mon mandat et qui ont fait accroitre non seulement la visibilité et la crédibilité de l’AMDH mais aussi qui ont fait que l’AMDH est devenue encore plus une association forte et qui est toujours au devant quand il s’agit des Droits de l’Homme.
Sous quel signe placez-vous ce mandat ?
Ce mandat, nous le plaçons :
– Premièrement, sous le signe de la lutte contre l’impunité. Nous ne voudrons plus jamais dans ce pays assister à des actes de violations des droits humains, à des atteintes des libertés individuelles et à cette corruption à grande échelle. Nous voulons que, chaque fait répréhensible posé par quelque citoyen que ce soit, soit réprimé par la loi. Et cela conformément à la loi et dans la légalité. Donc, nous voudrons placer le mandat sous le signe de la lutte contre l’impunité.
– Deuxièmement, nous voulons aussi venir au secours de la population paysanne. Tous les jours, on est en train de subir des spoliations de leurs terres de culture, leur seul moyen de subsistance. Si nous voulons retrouver la vraie paix au Mali, c’est de permettre à ces paysans de vivre dignement dans leur village et sur leurs terres qu’ils ont l’habitude de cultiver plus de 200 ans, sinon plus.
– Troisièmement, la promotion des droits économiques et sociaux. Cet objectif ne peut être atteint tant qu’il n’y’a pas une véritable lutte contre la corruption. Voilà les axes sur lesquels nous plaçons notre mandat.
On nous annonce prochainement le procès d’Amadou Haya Sanogo (ndlr le Général Amadou Haya Sanogo est le principal auteur du coup d’Etat de mars 2012 au Mali) et autres. Quelles sont les actions que l’AMDH s’apprête à entreprendre pour renforcer la position qu’elle défend?
Non, nous n’avons plus d’action à entreprendre. L’action qui devait être entreprise l’a été depuis novembre 2013 où nous avons porté plainte au nom de 23 familles de bérets rouges. Et ensuite nous avons porté plainte pour 7 à 8 familles de Kati, dans l’affaire qu’on appelle communément la mutinerie du 30 septembre. Et l’autre affaire la première que j’ai évoquée. C’est ce que vous appelez affaire bérets rouges vs Bérets verts, communément appelée le charnier de Diago. Ce dossier a été clôturé. Il a été sanctionné par un arrêt de renvoi rendu par la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako. Lequel arrêt renvoie Amadou Haya Sanogo et autres, dont deux généraux en plus de lui, qui vont être certainement jugés par la Cour d’Assise de Bamako. Donc par rapport à ce dossier, il n’y’ a pas d’inquiétude. En ce qui concerne la mutinerie du 30 septembre 2013 de Kati où d’aucuns peuvent appeler l’affaire qui a vu la disparition du colonel Youssouf Traoré. Ce dossier est en cours. Les tests ADN ont été faits. Il suffit que le juge d’instruction clôt ce dossier et de l’envoyer devant la chambre d’accusation afin qu’un autre arrêt de renvoi soit pris dans ce sens pour que les victimes puissent être en face des présumés auteurs de ces actes ignobles devant la cour d’assise de Bamako. Voilà ce que nous nous apprêtons à faire. C’est très simple. Nous nous apprêtons à assurer la défense de ces victimes, parce qu’elles en ont besoin. Nous voulons aussi les accompagner dignement dans la légalité. Mais de l’autre côté, nous ne voulons pas que cela soit un procès bâclé. Loin sans faut ! Nous voulons vraiment que les droits de la défense, c’est-à-dire ceux qui sont au banc des accusés puissent être respectés du début jusqu’à la fin du procès. Parce que ce n’est pas la tête des individus que nous voulons. Nous, nous voulons la vérité. Et enfin que la justice soit rendue. Nous ne voulons aucune condamnation à mort. Nous voulons tout simplement que les auteurs comprennent que les actes qu’ils ont posés l’ont été en violation de la loi. Et deuxièmement, pour qu’ils ne reviennent plus sur ces actes. Et troisièmement, pour que tous les maliens, tous les citoyens comprennent qu’en posant ce genre d’action ou d’acte, on n’est pas à l’abri de la répression légale, c’est-à-dire qu’on n’est pas à l’abri de la sanction qui est prévue par la loi. Voila tout ce que je peux dire par rapport à cette question. Nous ne préparons que la défense des intérêts de nos victimes. On a plus d’autres actions à faire. La justice a déjà travaillé sur les dossiers et nous attendons le jour du jugement pour faire valoir nos arguments.
Maitre, le nord du Mali est toujours le lieu de multiples violations des droits de l’homme. L’AMDH et certaines associations partenaires ont déjà commencé le combat pour la défense des droits des victimes. A ce titre, quelles sont les nouvelles dispositions que l’AMDH envisage prendre ?
Nous sommes encore auprès des victimes dans le nord du Mali, comme vous l’avez dit tantôt. Dans un premier temps, on a fait une première documentation qui nous a permis de pouvoir déposer, en synergie avec cinq autres organisations de la société civile, une plainte pour 80 femmes victimes de violences sexuelles. Donc, ce dossier est en train de suivre son petit bonhomme de chemin. Nous avons aussi fait de la documentation uniquement cette fois ci dans la région de Tombouctou où 33 victimes ont accepté de nous confier leurs actions. C’est-à-dire en nous donnant le mandat, ce que vous appelez procuration, pour venir les défendre devant la justice malienne, de faire valoir leur prétention devant cette justice malienne. Donc, ce dossier se trouve également au niveau de la commune III, comme le premier que j’évoquais tantôt. Par rapport aux autres dossiers du nord, nous avons porté plainte contre Iyad Ag Ali, Aliou Mahama qui est commissaire islamique et Houka Houka. Nous continuons toujours la documentation dans le nord du Mali. Raison pour laquelle, nous avons mis des points focaux dans toutes les régions du Mali et dans tous les coins où les exactions sont en train de se commettre, des attaques barbares avec toute la panoplie de violations des droits humains. Donc, nous avons nommé des points focaux pour faire de la documentation.
Dans la presse, l’information sur le transfèrement du général Sanogo à Goundam est en train de circuler. Êtes-vous au fait de cette nouvelle ?
Je ne suis pas tout à fait au fait de cette nouvelle. Mais dans tous les cas, moi je considère ça comme pas un grand évènement dans la mesure où le transfèrement est prévu dans notre code de procédure pénale. Et tous les prisonniers peuvent être transférés à n’importe quel coin du Mali. Mais tant que les conditions de sécurité ne sont pas prises, il est dangereux d’envoyer Amadou Haya Sanogo dans cette zone où l’administration n’a pas pu être déployée. Moi je préfère considérer cette nouvelle comme une rumeur. Parce que je n’ai pas eu cette information de la part des personnes autorisées. Peut être dans le temps, je pourrais bien informer. Mais ce qui est sûr par rapport au transfèrement de Haya Sanogo, il est permis par la loi. Mais je dis encore une fois ce transfèrement ne doit pas être possible tant que l’Etat malien n’est pas sûr que les conditions de sécurité sont réunies. Pour qu’il n’y’est aucune atteinte à l’intégrité physique de Amadou Haya Sanogo. Vous voyez les militaires sont en train d’être secoués tous les jours, assassinés tous les jours. Si on envoie quelqu’un dans ces conditions sans au préalable s’assurer de sa sécurité, je vous laisse tirer les conclusions. Et je pense que dans ces conditions, ses droits ne seront pas très bien défendus.
Quand est-il de l’information sur l’envoi probable de Amadou Haya devant la CPI ?
Je viens de vous dire que la chambre d’accusation de la Cour d’Appel a rendu, le 22 décembre, un arrêté pour renvoyer Haya Sanogo devant la cours d’assise de Bamako. Donc, ce serait vraiment aberrant, alors que la justice malienne est prête pour lui juger de le renvoyer à la CPI (Cour Pénale Internationale). Or l’intervention de la CPI c’est dans le cadre purement subsidiaire. C’est-à-dire au cas où le Mali n’aura pas la volonté de juger Haya Sanogo, c’est là que la Cour Pénale Internationale peut s’intéresser à cette affaire. Mais à partir du moment où les magistrats ont mené leur enquête, que le dossier a été clôturé, qu’un arrêt de renvoi a été pris, je ne sais pas en vertu de quel principe on va envoyer Haya Sanogo devant la CPI. Moi je ne vois pas. Je pense que les magistrats et la justice malienne sont capables de juger Amadou Haya Sanogo.
Propos recueilli par Abdrahamane Sissoko