Amadou Baye Diarra, DG Centre national de transfusion sanguine : « Le sang ne se vend pas »

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« Pour nous, l’idéal c’est d’avoir des donneurs volontaires et bénévoles qui assurent la sécurité transfusionnelle pour nous puisque c’est à travers ces dons volontaires qu’on est sûr d’assurer un approvisionnement régulier et puisque ces donneurs qui comprennent les enjeux sécuritaires qui comprennent les enjeux de la disponibilité des produits sanguins. Le sang ne pouvant pas se fabriquer, on le prend chez des personnes en bonne santé. » Interview…

 

Mali-Tribune : Quel est le processus de don de sang au Centre national de Transfusion sanguine ?

Amadou Baye Diarra : Tous les sujets qui ont entre 18 et 60 ans peuvent donner leur sang. Je voudrais signaler qu’aujourd’hui, nous avons décentralisé les lieux de prélèvement. Auparavant, c’était à Quinzambougou au Centre national de Transfusion sanguine. Mais, aujourd’hui, dans tous les hôpitaux et dans les CSRef, les prélèvements se font. En plus, nous avons des équipes mobiles qui sillonnent avec les associations de donneurs, ou dans les facultés ou dans les lycées pour faire des collectes de sang.

 

Mali-Tribune : Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier d’une poche de sang ?

A B. D. : Pour bénéficier d’une poche de sang, il faut que les gens viennent donner d’abord et l’âge compris entre 18 et 60 ans, tout le monde peut se présenter au niveau de nos lieux de prélèvement. Il y a un préalable. Il y a un médecin qui doit vous consulter ou un technicien pour savoir si vous répondez aux critères de don, si vous êtes en bonne santé, si le don que vous allez faire ne vas pas causer de problème chez vous. Autant nous veillons à sauver des vies aussi nous assurons la sécurité de ceux qui viennent donner leur sang. Ça, c’est le préalable quand le médecin ou l’agent de santé donne son feu vert après avoir examiné succinctement et en lui posant des questions sur ses antécédents médicaux pour s’assurer que le candidat qui va donner du sang est en bonne santé et à mesure de donner, il donne le feu vert pour le prélèvement en ce moment. Pour nous, l’idéal c’est d’avoir des donneurs bénévoles qui assurent la sécurité transfusionnelle pour nous puisque c’est à travers ces dons volontaires qu’on est sûr d’assurer un approvisionnement régulier et puisque ce sont ces donneurs qui comprennent les enjeux sécuritaires qui comprennent les enjeux de la disponibilité des produits sanguins. Le sang ne pouvant pas se fabriquer, on le prend chez des personnes en bonne santé. Mais malheureusement, dans notre pays et dans la plupart des pays comme le nôtre ce don est très très minime.

Ceux qui viennent donner leur sang volontairement pour la prise en charge des patients devant bénéficier des transfusions. La majeure partie de ceux qui viennent donner, c’est pour des dons de compassassions qu’on appelle les dons familiaux de remplacement. Le fait qu’on n’a pas suffisamment de donneurs, on ne peut pas faire face à la demande qui est vraiment énorme. Les gens sont obligés de faire recours aux parents de la famille pour venir donner. On peut s’appuyer sur ces donneurs familiaux également essayer de les sensibiliser et les expliquer tout pour qu’ils puissent devenir des donneurs universels.

Nous avons remarqué que la majeure partie plus de 70 % de nos poches collectées proviennent de ce type de don et c’est parmi ces poches prélevées que nous aidons beaucoup également. Ce qui fait que nous avons toujours des tensions par rapport à la disponibilité.

Les donneurs volontaires réguliers, ils sont sensibilisés sur les enjeux sécuritaires, sur le comportement à risque qui peut nuire à leur santé et à leur sang donc il y a moins de poches jetées par nous. Mais quand c’est la famille, les gens viennent sous la pression généralement malgré le dispositif qu’on met en place pour la sélection des donneurs et certains ne sont pas prêts à dire la vérité sur leur état de santé, sur leur comportement à risque. Donc, après cette étape-là, quand on va au laboratoire, c’est beaucoup de poches qui sont jetées et pour ces diverses raisons. Également ce qui fait que nous avons beaucoup de peine à satisfaire à toutes les demandes qui nous sont adressées en termes de produit sanguin.

 Mali-Tribune : Que dois faire concrètement un malade pour bénéficier d’une poche de sang ?µ

AB. D. : Aujourd’hui comme je l’ai dit à l’entame de nos propos, nous avons décentralisé et quand un patient se trouve au niveau de l’hôpital du point G, on n’a plus besoin qu’il vienne jusqu’à Quinzambougou. La demande est adressée à la banque de sang de l’hôpital du point G les donneurs se présentent à la Banque de sang du point G, le prélèvement se fait là-bas, la distribution également mais toujours est-il que toutes les poches qui sont collectées dans les hôpitaux dans les CSRef sont toutes acheminées à Quinzambougou ici pour le traitement, la préparation, la conservation avant le dispatching vers les différentes structures de Bamako et environnant notamment Kati, Kalabankoro.

 

Mali-Tribune : Qu’en est-il des régions ?

A B. D. : Dans les régions, c’est au niveau des hôpitaux dans les laboratoires que les activités sont menées et au niveau des districts sanitaires les CSRef également. Donc quand vous avez une demande au niveau de Gabriel Touré, le malade se présente ou le parent du malade se présente au niveau de la Banque de sang de l’hôpital Gabriel Touré avec la demande, donc tout est géré à leur niveau. Imaginez que dans tous les hôpitaux et les CSRef on n’a plus de place pour les accueillir. Ça se passe comme ça les poches qu’ils prélèvent sont acheminées à notre niveau à Quinzambougou, on fait le traitement, on fait la préparation et on fait la distribution au niveau de toutes ces structures souvent il y a des difficultés. Parfois, on a du sang mais la disponibilité du groupe sanguin qui peut nous causer des problèmes puisqu’il y a différents types de groupe sanguin.

Mali-Tribune : Faut-il obligatoirement amener des donateurs en compensation pour avoir du sang ?

A B. D. : En temps normal non. Si beaucoup de gens venaient donner leur sang, vous n’avez pas à chercher de donneur. Si tout le monde venait donner de façon altruiste pour aider les autres, le problème ne se posera pas. Mais pratiquement, toutes les 80 à 90 personnes qui sont venues, c’est pour une compensation parce que j’ai un parent malade. C’est parmi ces poches qu’on va jeter beaucoup aussi quand on fait le dépistage de maladie transmissible sur le sang.

Vous vous présentez avec la demande en fonction de la disponibilité et si vous amenez des donneurs de sang, quel qu’il soit, on ne cherche pas à savoir le groupe sanguin que vous avez besoin.

Le plus important est que vous nous amenez des donneurs et nous, on va se charger de faire la compensation même si la personne que vous avez amenée comme donneur son groupe sanguin ne correspond pas à votre groupe. Il n’y a aucun problème à ce niveau donc nous on fait tout pour la compensation. Il se trouve aussi qu’on est obligé d’essayer de donner une poche pour que chacun puisse avoir quelque chose le même jour. Sinon vous vous avez besoin de 3 poches, on vous donne 3 poches toute suite, il y a 2 personnes à côté pour recevoir, on essaye de faire sillonner dans le temps en 2 ou 3 jours pour que vous puissiez tous avoir le sang.

Mali-Tribune : Est-ce qu’à ce niveau, quelqu’un qui a urgemment besoin de sang, qu’on lui donne une poche alors que c’est de 3 poches dont il a besoin. Pensez-vous que vous lui sauvez la vie ? Ne pensez-vous pas que cela doit être revu ?

A B. D. : On est conscient de cette situation, nous savons qu’il y a des médecins qui voient les demandes et si la plupart de ces situations sont des interventions chirurgicales qu’on programme, qui peuvent attendre si c’est une urgence vitale. Il y a le degré d’urgence, une urgence vitale, immédiate. Donc ça, on discute même souvent avec les médecins et pour gérer la situation mais malheureusement parfois il arrive qu’on soit à court des poches demandées par exemple pour les groupes négatifs qui sont des groupes rares O-, A-. Si quelqu’un est dans le besoin urgemment, on trouve très rarement des poches à notre niveau. Parfois, on est obligé comme on a un registre de groupe des donneurs qui sont consentants pour qu’on puise les appeler, on fait appel à ces gens-là dans l’urgence.

C’est pourquoi on demande aux gens de venir donner du sang puisse que dans la précipitation aussi rien ne peut être garantie également. S’il faut appeler ces gens pour leur prélever, on ne peut pas les prélever aussitôt et puis transfuser, il faut traiter ces poches de sang à travers les transmissions de dépistage. Ce qui fait que nous, on est vraiment dans la difficulté ici. Un moment, on voyait beaucoup de situations dans le service de gynéco, maternité lors des accouchements, il y a des situations graves qui arrivent là-bas.

On était prêt à chaque fois qu’on voit des situations de ce genre, on discutait avec les médecins pour trouver une solution. Mais, au final, on voit tout le temps des demandes farfelues qui nous parviennent avec ces situations comme ils savent qu’on est sensible quand on voit de situations comme ça on règle.

Mali-Tribune : En ce qui concerne les accouchements, est-ce que les médecins gynéco ou sages-femmes prennent les précautions en faisant les demandent de poches lorsqu’il y’a risque lors des dernières consultations avant l’accouchement ?

A B. D. : Si c’est préparé avec le gynécologue ou la sage-femme, c’est en avance donc quand ils vont venir avec la demande, nous on prévoit avant l’accouchement les poches et on les met à leur disposition pour que le jour de l’intervention ça soit disponible ou le jour de l’accouchement. Il n’y a aucun problème par rapport à cette situation, les gens ne font pas ça s’il y a des grossesses à risque. Ils doivent prévoir tout ça et surtout quand ça va tomber sur le week-end, c’est compliqué.

Ce n’est pas que nous, on ne travaille pas le week-end, il y a une permanence. Il y a une garde qui est assurée pour les situations d’urgence, il y a un stock qui est à la disposition de la garde de permanence pour des situations de ce genre. Depuis le vendredi, dans l’après-midi, on est ouvert 24h/24, même les jours ordinaires ainsi que la nuit.

 Mali-Tribune : Est-ce que ces personnes généreuses qui donnent du sang régulièrement bénéficient de certains avantages lorsqu’ils sont dans le besoin ?

A B. D. : Normalement quand on dit bénévolat anonymat, on ne doit même pas s’attendre à des avantages mais pourquoi on a fait ces avantages-là ? C’était pour inciter les autres quand il voit que le donneur bénéficie de certains avantages. C’est pour qu’on puisse avoir beaucoup de donneurs de sang mais, on se rend compte que les quelques donneurs aussi vont s’assoir quand ils auront des problèmes de sang dans le quartier ils viennent avec leur carte pour bénéficier alors que c’était juste pour inciter les autres à venir donner.

 Mali-Tribune : Quels sont ces avantages ?

A B. D. : C’est quand un donneur volontaire a besoin du sang, il se présente avec le bon et sa carte de donneur, on lui servait directement. Finalement, on a limité au donneur, à ses ascendants directs (son père, sa mère, sa femme et ses enfants) pour que les autres aussi fassent comme lui. Il ne peut pas satisfaire le besoin de tout le monde lui seul. Bon souvent, il y a des donneurs qui viennent, parce qu’ils ont entendu qu’il y a des gens, qui ont besoin de sang. Ils prennent la demande, viennent si nous, on n’arrive pas à satisfaire, ils vont dire que non eux, ils ne vont même plus venir.

On a essayé de recadrer donc le donneur. Il bénéficie de certains avantages en plus, de la priorité en cas de besoin. On a la latitude de lui faire un bilan sanguin 2 fois dans l’année et chaque fois qu’il vient donner, il connait son statut sérologique en cas de maladie en dehors de donner de sang. Si on lui donne des analyses à faire et que c’est disponible au niveau de notre centre, il se présente avec sa carte de donneur. Tout ça, c’est incitatif pour que les gens viennent donner du sang.

On donne toutes ces informations aux gens qui donnent du sang de façon évènementielle, une seule fois à l’occasion de l’anniversaire d’une association. Il faut que ça soit une motivation générale et ce n’est pas tout le monde qui peut venir d’un seul coup pour donner du sang. Les associations telles que la Jeune Chambre internationale et le Rotary club organisent des dons de sang. Les besoins sont quotidiens et elles le font de façon annuelle. Tous les jours, les gens ont besoin du sang. Si les gens ne comprennent pas aussi, c’est difficile, s’il faut attendre que j’ai un parent qui tombe malade, qui a besoin du sang pour essayer de venir donner du sang.

Mali-Tribune : Si une poche se périme au bout de 30 jours, alors, quelles sont donc les conditions dans lesquelles vous conservez les poches ?

A B. D. : Ça, c’est très important par rapport à certaines situations. Les poches de sang doivent être conservées à une température entre 2 et 6 °C. Ce n’est pas tous les frigos aussi, c’est fait avec les frigos banques de sang, les frigos domestiques on ne maitrise pas les températures alors qu’il y a des relevés de température qui sont faits 3 ou 4 fois par jour pour s’assurer que les températures sont bonnes.

La conservation est importante d’abord, avant d’arriver à la péremption, il y a des conservateurs qui se trouvent dans la poche, qui permet de conserver le sang jusqu’à 30 jours. Donc, à partir de 30 jours, c’est périmé, on ne peut plus l’utiliser. Depuis le prélèvement il y a une date de prélèvement qui est mentionnée sur la poche et une date de péremption. On ne peut pas aller au-delà pour le transport aussi, les conditions sont rigoureuses. Je profite de l’occasion pour ceux qui vont faire du trafic de sang, nous, on nous accuse que nous vendons du sang. Quand le sang sort de notre structure, on a plus de main mise. Donc, c’est aux responsables de structures qui reçoivent ces produits-là d’en faire bon usage. Il y a des mauvaises graines partout, nous en tout cas, on a averti tout le monde. Celui qui sera pris la main dans le sac, il aura à faire avec la justice.

On fait des annonces pour informer tout le monde que le sang n’est pas à vendre. Le sang ne s’achète pas. Toujours, on entend des histoires qu’on a vendu du sang à x ou y, ça contribue aussi à décourager nos donneurs volontaires bénévoles. Ceux qui vont essayer de vendre les poches de sang, ils ne peuvent pas respecter les conditions de conservations. Ils sont obligés de se cacher.

Ils vont mettre les poches de sang dans les armoires, dans les sacs. Donc, c’est aux parents de ne pas accepter, c’est du poison qu’ils vont mettre dans le corps de leurs malades. Ils vont mettre beaucoup en danger. Les malades, des gens viennent nous dire carrément « on ne veut pas du sang, on veut acheter est ce que y a moyen d’acheter », on leur explique que le sang ne se vend pas. L’Etat a mis une structure en place pour empêcher la vente du sang. On ne vend pas. Ailleurs dans les pays limitrophes, il y a un recouvrement de coût, le sang n’est pas vendu mais les patients donnent quelque chose pour les poches, les réactifs utilisés mais ici on ne le fait pas. Il faudra que les gens prennent conscience que ça peut arriver à n’importe qui et à tout moment. Il faut que les gens viennent donner du sang, qu’ils comprennent aussi que ça n’affecte en rien leur santé et qu’au contraire ça améliore leur état de santé et surtout que ça contribue à sauver des vies.

Propos recueillis par

Aminata Agaly Yattara

 

 

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