Elue à l’unanimité par le jury le 11 décembre 2010, Alimatou Maïga la Miss Cinquantenaire Ortm Mali tend vers la fin de son mandat. La jeune Sonraï a accordé une interview exclusive à votre magazine Bamako Hebdo. Elle dénonce l’amateurisme du comité syndical de l’Ortm en charge de l’élection Miss Mali, l’indifférence des membres du gouvernement vis-à-vis des ambassadrices de la beauté malienne, la situation précaire dans le Nord Mali et son avenir.
Bamako Hebdo:Après ton sacre au concours de beauté Miss ORTM 2010, qu’est devenue Alimatou Maïga?
Après mon élection en 2010, je suis restée la même. Je continue mon chemin comme avant, surtout en me concentrant sur mes études, car il n’y a rien de plus important que cela. J’ai voulu réaliser pas mal de projet car j’avais un programme bien défini, hélas ! Je n’ai pas eu de soutien.
Qu’est-ce-que tu avais comme programme ?
J’avais en projet de rendre visite aux orphelinats de la ville de Bamako et environs, d’organiser des journées d’échanges et de loisirs entre les enfants démunis, d’organiser des mouvements de soutien aux femmes violentées dans les foyers, etc.
A qui as-tu présenté ton programme?
Plusieurs fois, j’ai rencontré le Directeur général de l’Ortm pour lui demander de l’aide par rapport à ma feuille de route. Mais aussi pour qu’il m’introduise à la présidence pour rencontrer la première dame. Cela n’a jamais pu se concrétiser jusqu’à la fin de mon mandat.
A t’entendre est-ce à la première dame que tu voulais présenter ton programme ?
Bien sûr. Partout ailleurs, nous voyons l’implication entière des premières dames dans les activités des Miss. Elles sont celles qui soutiennent le plus les ambassadrices de la beauté de leur pays. Ce n’est qu’ici au Mali qu’on constate la non-implication de la première dame auprès des Miss.
Il n’y a pas que la première dame. N’as-tu pas essayé de parler de ton programme avec les dirigeants de Malitel par exemple, qui est le sponsor officiel de Miss Ortm ?
Si durant mon mandat je n’ai participé à aucun évènement, encore moins à la réalisation d’un spot publicitaire, ce n’est pas me suivre dans mon programme qui va les intéresser. En plus, je ne peux pas, toute seule, faire cette démarche. Car le contrat a été signé avec le comité syndical. C’est aux organisateurs de m’accompagner. Mais j’ai compris après que le comité syndical n’est constitué que d’incompétents. J’avoue qu’ils n’ont aucune expérience dans la gestion d’une Miss et cela s’explique par le fait que la Miss Mali n’est là que pour prendre et rendre la couronne. C’est le côté festif qui les intéresse.
Que reproches-tu au comité syndical ?
Le fait que la Miss soit délaissée après son élection. Elle n’a aucun suivi. Or, le comité syndical devrait aider les Miss à s’impliquer dans la gestion de certaines tâches du pays. Vous n’êtes pas sans ignorer que la Miss d’un pays est l’ambassadrice de la beauté de ce pays. Elle est appelée à représenter son pays partout dans le monde Raison pour laquelle elle devrait être prise au sérieux. On voit, par exemple dans d’autres pays l’implication, des Miss dans la lutte contre les IST et le SIDA, la lutte pour l’abolition des violences faites aux femmes, la lutte pour l’abolition du travail des enfants etc. Mais, ici, au Mali aucune Miss, durant son mandat, n’a pu réaliser quoi que ce soit. C’est vraiment désolant et honteux.
Tu n’as pas eu que des déceptions durant ton mandat. Quels avantages as-tu eus grâce à ta couronne ?
Je n’ai vraiment pas eu grand chose. J’ai juste pu récupérer quelques lots avec les sponsors; c’est tout.
Tous les sponsors n’ont pas remis ce qu’ils ont promis ?
Non, la plupart des sponsors n’ont pas remis les lots promis. Mais je ne me plains pas d’eux. D’autant plus que c’est le comité syndical qui devrait suivre ces sponsors, afin que les lots soient remis à la Miss. Mais, s’il est resté indifférent, alors ce n’est pas à moi la Miss de courir derrière eux.
Tu as été pourtant au Congo pour représenter le Mali à la 8ème édition du Festival Panafricain de la Musique (FESPAM). N’est-ce pas le comité syndical qui s’est occupé de tout ?
Ah, non ! Le comité ne s’est occupé de rien du tout. C’est moi qui me suis occupée de tous mes papiers. Les frais de visa, le passeport, etc. Par contre, celui qui était chargé de m’accompagner a été pris en charge par le comité syndical. Moi non !
Et le billet d’avion ?
Il a été envoyé par le comité d’organisation du Fespam.
Quelle leçon as-tu tirée de ce voyage ?
J’ai été émue quand on m’a informée que j’allais prendre part au concours Miss Fespam 2011. Et je m’étais vraiment préparée pour ramener la couronne dans mon pays. Malheureusement, ça s’est mal terminé suite à la mort de sept personnes, survenue dans la bousculade le jour du lancement officiel des festivités et le gouvernement congolais a décrété l’arrêt des activités.
Tu as dû renoncer à beaucoup de choses. Ta vie a changé ou non ?
Non pas vraiment ! Ma vie, ma façon de faire, d’être n’ont pas changé. Je suis toujours restée la même. C’est vrai, par contre, que j’ai acquis plus de maturité. J’ai plus confiance en moi. Ça m’a apporté beaucoup de choses.
Est-ce que ces derniers temps, les hommes t’ont beaucoup dragué à cause de ta couronne ?
Oui ! Disons que ça fait partie du quotidien d’une femme, Donc, j’accorde très peu d’importance à tout cela, surtout que je sais ce que je veux.
Et tu dis quoi aux hommes qui te draguent ? Que tu es Miss Mali ou alors… ?
(Rires) Généralement, j’évite de dire que je suis Miss Mali.
Ils te draguent parce que tu es Miss Mali ou alors… ?
Justement, ce sont des coureurs de jupons qui se jettent sur toi pour gâter ta vie car de tous ceux-là, il n’y a pas d’homme idéal.
C’est quoi ton idéal d’homme ?
C’est une personne gentille, attentionnée, qui me respecte et qui est sérieuse.
Pourquoi tu insistes sur le sérieux ?
Parce que c’est maintenant rare de tomber sur une personne très sérieuse. Disons que c’est rare de tomber sur des hommes qui sont sérieux.
Parlons de tes projets en dehors des études.
Dans quelque temps, je vais faire des tournées dans les orphelinats, faire des dons aux enfants orphelins. Bref, le programme que j’ai eu à élaborer au début de mon mandat, je tiens à le réaliser. Je veux vraiment m’engager dans le social et je vais le faire même si je ne suis plus Miss Mali. Mon mandat prend fin en décembre. Pour ceux qui croient que je suis finie, je leur réponds tout simplement qu’à cause de la couronne, je ne pouvais réellement m’exprimer et que c’est maintenant que je vais me mettre au boulot. Déjà, je compte participer aux concours internationaux comme je l’ai toujours souhaité.
Parlons maintenant de l’insécurité dans le Nord Mali. Toi, en tant qu’ambassadrice de la beauté malienne et native du Nord, quelles sont tes impressions au vu de tout se qui ce passe ?
La situation au Nord-Mali est déplorable. Je pense que le gouvernement devrait prendre ce problème au sérieux. Pour la petite histoire, quand j’ai été élue Miss Mali, je suis allée rendre visite à mes parents à Menaka. A l’entrée du village, on pouvait lire sur un monument en grosse caractère : ” Bienvenue Alimatou Maïga, Miss Mali Cinquantenaire 2010, le peuple de Menaka est fier de toi… ” Pas plus tard que le mois dernier, je suis une fois de plus allée voir mes parents et sur le même monument, ils ont remplacé Mali par Azawad. On pouvait maintenant lire “ Bienvenue Alimatou Maïga, Miss Cinquantenaire 2010, de la République de l’Azawad, le peuple de Menaka est fier de toi… ” Et le drapeau vert-jaune-rouge du Mali ne flotte plus, il a été remplacé par le drapeau de la République de l’Azawad. La situation est vraiment précaire et il faut trouver des moyens pour mettre fin à cela.
Interview réalisée par Clarisse NJIKAM
