Ali Nouhoum Diallo : Je doute de l’intention d’ATT de partir : A propos du couplage de la présidentielle et du référendum

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« Le couplage annoncé des élections à venir est un sabotage », c’est la conviction de l’ancien président de l’Assemblée nationale et ci-devant président de la Coordination des Organisations du Mouvement Démocratiques (Comode). Ali Nouhoum Diallo redoute une programmation d’élections non transparentes et non crédibles qui feront le lit  de contestations postélectorales, de manifestations de rue et sans doute d’annulation pour permettre au Président ATT de rester encore plus  au pouvoir. Fort de cette analyse,  il invite le président de la République à renoncer purement et simplement au référendum, à s’abstenir de modifier une constitution dont tous les démocrates avertis s’accordent à dire qu’elle va « consacrer une régression de la démocratie dans notre pays ». De ce point de vue, je préfère de loin, dit-il, faire confiance aux partis politiques, aux  mouvements associatifs de notre pays, qu’à un seul homme, si brillant soit il, si intelligent soit il, si génial soit-il. Et l’homme politique averti, pionnier de la démocratie, de dévoiler les dessous du couplage de la présidentielle et du referendum. Lisez !

 

Le Républicain : Quel est votre  sentiment après l’annonce du chronogramme des élections de 2012, par le Conseil des ministres ?

 

Ali Nouhoum Diallo : L’élection présidentielle est prévue pour le 29 avril et couplée au referendum constitutionnel. Autant la Comode (Coordination des organisations du mouvement démocratique)  a insisté pour la fixation des dates des élections, et je me réjouis aujourd’hui qu’une date soit connue- la Comode avait proposé le 22 Avril, à une semaine près – autant nous sommes plus que préoccupés par le couplage d’une élection réclamée par tous les citoyens maliens, dans les délais constitutionnelles d’avec un référendum très largement controversé, inutile et nocif pour le pays.                         

 

On peut se demander si ce couplage ne va pas aboutir à un fiasco  qui rendrait ces élections non crédibles, non transparentes, non démocratiques. Il y a à craindre que tout cela ne se termine par des cris, des mécontentements dans tout le pays et particulièrement de la classe politique. Déjà, quarante quatre partis  sont en train de dire que ces élections, vu le fichier choisi, ne peuvent qu’être opaques et certainement émaillées de fraudes  et donc seront rejetées, au moins par eux. Et de  dire « nous avions prévenu qu’avec un tel fichier, les élections n’auraient pas été transparentes, honnêtes et sincères ». Il y aura aussi, certainement, tout ceux qui n’auront pas été élus qui viendront  s’ajouter à ce groupe  pour crier à la fraude et contesteront ces résultats. Tout cela va aboutir à une demande massive d’annulation, et je crains fort que le pouvoir, probablement, n’ait engagé ce couplage que dans cette intention et donnera sa caution rapidement à une  annulation que la classe politique elle-même aura exigée.

 

« Le couplage des élections pourrait être considéré comme un sabotage des élections à venir. »                  

J’avoue que je me suis toujours demandé si le pouvoir veut vraiment organiser de vraies et bonnes élections. Et je me suis toujours demandé si le fait de n’avoir pas opérer  les révisions des listes électorales, tous les ans, conformément à la loi, n’était pas délibérée. Cela d’autant plus que la Direction générale des élections est permanente et bénéficie d’un budget bien connu, voté à l’Assemblée Nationale. Aujourd’hui la DGE se retrouve  sans liste électorale fiable, donc sans fichier électoral : pour toutes ces raisons on est en droit de se demander si tout cela ne procède- t-il pas d’un calcul. S’il ne s’agit pas là, encore une fois, d’un acte délibéré. Cette décision de couplage m’incite à beaucoup de méfiance et conforte mes doutes, quant à la volonté du pouvoir d’aller aux élections, de les organiser. Je me pose vraiment des questions…

 

 

 

Quel intérêt pour le pouvoir de ne pas aller aux élections ?                

Je me demande si le président a envie de quitter la scène. Malgré toutes les affirmations du genre : « moi je veux partir, je suis pressé d’aller à Mopti », je m’étais convaincu que quand quelqu’un est vraiment résolu à s’en aller, il prend toutes les dispositions de façon à avoir l’adhésion du cœur et de la raison de l’ensemble de sa population. Dans ce cas,  il fait des élections absolument transparentes, absolument crédibles, absolument sincères et s’en va en beauté. On nous a présenté il y a juste quelques jours, quatre ou cinq scénarii. Puis le gouvernement décide : « Ah voilà les dates », sans, pour autant, consulter la classe politique. Il existe un cadre de concertation entre les partis politiques et l’administration, donc le pouvoir, pourquoi l’idée n’y a jamais été soumise et discutée par tous, en toute démocratie ? C’est suspect, vous en convenez ! Donc je suis en train de me dire qu’on a en face de nous  des joueurs. Qu’est ce que leur jeu va enfanter ? Dieu seul le sait.

 

 

Que faut-il craindre, une crise post-électorale ?                      

Vraiment, je le redoute. Pour autant il  n’est pas trop tard. Il faut simplement  que le président de la République comprenne qu’il faut arrêter de jouer.

 

 

 En quoi faisant ?                                

En renonçant purement et simplement à son fameux référendum et à une constitution dont tous les démocrates avertis s’accordent à dire qu’il s’agit « d’une régression de la démocratie dans notre pays ». Je préfère de loin, je le répète  faire confiance aux partis politiques, aux  mouvements associatifs de notre pays, qu’à un seul homme, si brillant soit il, si intelligent soit il, si génial soit-il. Je préfère de loin, qu’on laisse le soin aux membres de la cour constitutionnelle d’élire leur président, aux membres   du Conseil économique social et culturel, d’élire leur président. En matière d’approfondissement de la démocratie, est-il concevable de  laisser à un seul homme le soin de désigner tous ses chefs d’institutions et Agences de régulation de la démocratie. Je m’incline à penser que ce couplage pourrait être pratiquement considéré comme un sabotage des élections à venir. Et on croit malicieusement poser un piège à la classe politique ? Peine perdue, parce qu’en son sein, aujourd’hui, il y a des hommes et des femmes, et non des moindres  dans le combat démocratique, qui disent vraiment « non ». Ils le diront  et cela vaudra à la fois pour le référendum et les élections à venir

 

 

Donc vous y voyez un piège ?

C’est évident qu’on est en train de vouloir, et on croit pouvoir réussir, faire taire tous ceux qui disent non à l’organisation du référendum. En faisant le couplage, on croit que dire « non » à l’organisation, maintenant, du référendum c’est dire aussi « non » à l’organisation du premier tour de l’élection présidentielle. En même temps, est ce que le pouvoir n’a pas senti qu’en réalité ce référendum organisé isolement ne va pas déplacer les foules ? Et donc d’avoir un taux de participation si ridicule que cela équivaudra à un désaveu.

Le président ATT a eu à dire que  le couplage peut avoir pour effet d’accroitre le taux de participation. Mais justement le couplage pourra forcément accroitre le taux de participation du référendum, alors qu’en réalité les Maliens aspirent à aller élire leur futur Président. Ils ne sont pas du tout intéressés à voter une constitution dont ils ne connaissent même pas le contenu. Et je crois que c’est pour masquer aussi ,quelque part ,le fait que malgré tout le tapage, le pouvoir, informé par sa police et  ses services de renseignements, sait très bien que le peuple malien n’adhère pas à cette affaire.

 

 

Et si le pouvoir avait conclu à une incapacité de la classe politique malienne à réagir suffisamment pour contrer ce qu’il tenterait d’imposer ? La classe politique malienne est elle incapable ?          

Les appréciations  du pouvoir au sujet des partis politiques je ne peux pas m’y  prononcer mais (sur un ton à la fois décisif et fin) on a tort de penser que la classe politique malienne  est endormie (rires). On le sait désormais, au moment opportun, elle a toujours su réagir. Elle a su réagir. Et justement  cela qui m’effraie. La  classe politique malienne a donné l’impression de s’être couchée, parce qu’ à mon avis,  elle a voulu encourager le président de la République qui n’est issu d’aucun parti et qui était venu en disant : «  moi je viens juste pour un mandat,  pour permettre à la classe politique de se retrouver et de lui permettre réellement d’avoir une équipe solide, avant de changer d’avis».

 

ATT était venu pour un mandat ?        

Oui, il l’avait dit. Si certains témoins sont morts, d’autres sont encore vivants auxquels il avait dit qu’il venait juste pour un mandat.

La politique  dite du consensus qui a marché,  est-ce pour cette raison qu’il est resté ? C’est une mauvaise lecture que la bonne volonté de l’ensemble de la classe politique soit interprétée comme une lâcheté de cette classe, comme une absence de convictions de la classe politique. Que les hommes et les femmes de la classe politique, soient considérés comme (rires) vraiment (un temps de réflexion) … comme étant des alimentaires.

 

Donc le  couplage traduit un manque de considération du pouvoir pour la classe politique ?

Il faudrait qu’on vérifie si elle a même été consultée, c’est ça mon problème. Comme je disais tout à l’heure, il y a un cadre de concertation, est-ce que ce cadre de concertation a été informé ? Il y a seulement une semaine, on nous parlait des scénarios possibles et le conseil des ministres et sans prévenir nous dit : « voilà la décision ! » Il est à se demander si la classe politique a été consultée dans cette affaire, et si tel n’est pas le cas, cela démontre encore une fois que le président de la République sous-estime la classe politique et peut-être n’a que du mépris pour elle.A tort.

 

 

Quelles sont vos sentiments, suite à la mort de Kadhafi (interview réalisée le 20 Octobre, date de la mort de Kadhafi)?                                   

J’ai toujours désapprouvé la façon dont Kadhafi dirige la Libye. Je n’ai jamais approuvé qu’un homme soit là presqu’une quarantaine d’années sans élections, j’ai toujours décrié ce manque de libertés. J’avoue qu’au départ les frappes de l’OTAN ne m’avaient pas ému outre mesure. Mais au fur et à mesure qu’il apparaissait nettement que la révolution libyenne était plus exportée qu’endogène, j’ai pris de la distance par rapport à tout ce qui se passait. Aujourd’hui, ma pensée profonde c’est qu’il y a eu un règlement de comptes entre l’occident et Kadhafi.

 

La révolution libyenne était plus exportée qu’endogène ?                   

 Malgré l’armement de l’occident, de la coalition, la force qu’on a appelé CNT a mis peut être quatre  à cinq mois pour venir à bout de Kadhafi, qui a été surpris, bien sûr. Donc la fameuse libération de la Lybie aujourd’hui est plus l’œuvre de l’OTAN que celle des forces populaires libyennes. Et les jours à venir nous saurons quel sera le comportement de l’équipe mis en place par l’occident. Donc je suis profondément attristé, et pour de multiple raisons, par la mort de Kadhafi, paix à son âme.

 

Pendant tout le temps qu’ont duré les offensives de l’OTAN, on a constaté que l’UA est restée n’a pas réagi ?      

 C’est la raison de ma tristesse. La mort de Kadhafi m’attriste pour de multiples raisons.

 

Peut-on savoir quelques unes de ces raisons ?                                              

 

Vous venez de le dire, le constat de l’effacement de notre continent, dans cette affaire. Il a été complètement marginalisé. Ce sont les autres qui décident du destin du continent africain. Et ça c’est extrêmement triste.                                                         

 

 

Réalisée par B. Daou

 

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