En marge de l’atelier de formation des journalistes d’investigation, qui s’est tenu du 17 au 21 décembre à Sélingué, notre confère Alfousseiny Sidibé, journaliste-communicant, a accordé une interview à notre envoyé spécial sur le journalisme d’investigation.
Reporter Mag : M. Sidibé, comment définit-on le journalisme d’investigation ? Comment le fait-on ? Pourquoi devons-nous le faire ?
En effet, presqu’un demi-siècle après l’affaire du Watergate, l’épopée mythique dans l’histoire du genre, ni le public ni les journalistes ne sont d’accord sur les réponses. Le journalisme d’investigation implique d’exposer au public des informations et histoires cachées -soit délibérément par quelqu’un en position de pouvoir le faire, soit par hasard, derrière une masse chaotique de faits et de circonstances qui obscurcissent le sens des choses. L’investigation requiert donc la maîtrise de la recherche et de l’utilisation des sources et documents confidentiels, ainsi que (et surtout) des sources «ouvertes». (Mark Lee Hunter).
Qu’est-ce que le journalisme d’investigation en ce moment ?
On entend parler de plus en plus de cette forme journalistique. Mais est-ce réellement une spécialité de la profession ou alors un pléonasme, étant donné que l’enquête est l’essence même du travail du journaliste. En tout état de cause, nous tentons de visiter ce qu’en pensent les uns et les autres sur le sujet. La définition du journalisme d’investigation, selon la déontologie du journalisme, implique également une indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques ou économiques, et une profondeur d’analyse qui résiste à la tentation de l’audimat ou à la course à l’exclusivité.
Ce qu’on peut retenir, le journalisme d’enquête, ou journalisme d’investigation, est un genre journalistique qui se caractérise par la durée de travail sur un même sujet et par des recherches approfondies. Par conséquent, le journalisme d’investigation est un facteur crucial de la liberté d’expression et d’information.
Quel rôle doivent jouer les médias de la zone Sahel pour accompagner et suivre la mise en œuvre du G5 Sahel ?
Tout d’abord, je tiens à préciser que les chefs d’État du Sahel ont voulu le G5 Sahel comme un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité. À notre avis, les hommes et femmes de médias par leur travail d’information et d’investigation peuvent apporter une contribution de taille à la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale. Aux fins d’accomplir cette mission, il est important de se familiariser avec le concept du journalisme d’investigation. D’où la présente communication qui se veut un espace d’échanges et d’expériences.
Selon vous, quels sont les principes fondamentaux du journalisme ?
À mon avis, les principes fondamentaux du journalisme sont entre autres : s’astreindre au respect de la vérité, servir en priorité les intérêts du citoyen, par essence, vérifier ses informations, conserver son indépendance à l’égard de ceux dont on relate l’action, exercer sur le pouvoir un contrôle indépendant, offrir au public une tribune pour exprimer ses critiques et proposer des compromis. Donner intérêt et pertinence à ce qui est réellement important, fournir une information complète et équilibrée et obéir aux impératifs de sa propre conscience.
En plus de ces principes triés sur le volet, mais que nous pensons, prennent largement en compte les principes fondamentaux du métier, il est important de faire référence au code du journaliste. Chaque pays a son code. Là, nous avons choisi de nous pencher sur le code belge. Nous avons préféré, dans le souci d’enrichir nos connaissances, regarder ailleurs aux fins d’une comparaison, et mieux peut-être améliorer le nôtre.
Expliquez-nous les missions du journaliste d’investigation
Le journalisme d’investigation repose sur la révélation d’informations exclusives sur des sujets considérés comme sensibles qui portent sur le monde politique, médical ou encore sur de grands groupes industriels. Souvent considérés comme l’élite du journalisme, les journalistes d’investigation passent parfois des mois sur une même enquête : trouver le sujet et l’angle d’attaque, identifier les sources qu’elles soient ouvertes (c’est-à-dire publiables) ou fermées (off the record), recouper les informations pour enfin publier l’enquête.
Ce métier de presse, mérite-t-il des soutiens?
Le rôle de chien de garde qu’ont à jouer les médias est indispensable à la démocratie et c’est pourquoi les organismes onusiens comme l’Unesco ou ONUDC soutiennent activement les initiatives visant à renforcer le journalisme d’investigation à travers le monde. Le présent atelier s’inscrit dans cette logique. J’ose espérer qu’il va contribuer à poursuivre l’action de promotion du journalisme d’investigation, surtout dans le domaine de la lutte contre la drogue et la criminalité transnationale.
Avez-vous des conseils pour vos jeunes frères du métier, notamment, ceux de l’investigation ?
Je dirais à mes jeunes frères de vérifier, vérifier encore, vérifier toujours, avant d’écrire quoi que ce soit. Avant toute chose, il faut comprendre toutes les facettes du sujet, prendre des notes, sélectionner les lieux, dénicher les spécialistes qui enrichiront le débat contradictoire. Nous fouinons, nous creusons, nous cherchons les sources les plus fiables. Il faut décrocher les entretiens, obtenir les autorisations de se déplacer, de filmer. Et vérifier, vérifier encore, vérifier toujours.
Entretien réalisé par Ousmane DIAKITE
Envoyé spécial à Sélingué