Dans une vidéo de Alexandre Liebeskind, directeur Afrique francophone du centre pour le dialogue humanitaire, publiée par Le Monde le jeudi 31 janvier 2019 et intitulée « Pourquoi les conflits persistent en Afrique ? » et notamment la question insécuritaire au Mali, en Centrafrique, au Soudan du Sud, malgré la signature d’accords, on peut comprendre que tous ces conflits constituent des conséquences directes d’une politique de gouvernance inadaptée au contexte africain marqué essentiellement par le communautarisme.
Les nations africaines ressemblent à des nations monolithiques, dit-il, où nous avons un état d’à côté et de l’autre côté une opposition armée ou non armée. À ses dires, le contexte pourrait se pacifier si on avait réussi à trouver un accord politique entre les leaders. « L’Afrique est faite de communautés. Si vous n’impliquez pas les communautés, si vous ne travaillez pas à un niveau communautaire de bas vers le haut, vous n’arriverez pas à imposer une paix sur l’ensemble de ces nations », explique-t-il. À l’en croire, le système de gouvernance en Afrique étant hérité des États-nations européens est alors très mal adapté à l’Afrique. « La fabrique sociale et politique de l’Afrique, c’est les communautés », a-t-il martelé. Or, déplore-t-il, le processus de démocratisation avec un régime présidentiel fort et une gouvernance de plus en plus centralisée ; les communautés se voient exclues de la démocratie. De ce fait, l’accès au pouvoir et aux ressources est transféré à une minorité, dit-il. « Tant qu’on ne revisite pas les paramètres de gouvernance en Afrique, on aura les tensions », a-t-il prévenu.
Quant à savoir si les religions attisent les conflits, M. Liebeskind note d’abord que celles-ci en Afrique comme sur les terres d’islam constituent un facteur unificateur. « C’est le pendant de la communauté », a-t-il précisé. Ce qu’il déplore, c’est que ni le fait religieux ni le fait communautaire ne soient intégrés dans le système de gouvernance en Afrique qui reste calqué sur le système européen de la laïcité qui produit des citoyens « inodores et incolores, qui n’ont pas de référence identitaire ». Les Africains se trouvaient en l’aise avec leur identité, dit-il.
En ce qui concerne la question des particularités des conflits actuels en Afrique, le directeur Afrique francophone du centre pour le dialogue humanitaire explique qu’en Afrique on a pu trouver la solution à des conflits plus meurtriers en Angola, au Congo dans les années 1990 ; des conflits qui impliquaient à la fois plusieurs états. Or, martèle-t-il, ce que nous voyons aujourd’hui c’est des mouvements insurrectionnels qui peuvent prendre la forme de mouvements djihadistes. « Ces mouvements insurrectionnels capitalisent sur le sentiment de frustration, d’éloignement du pouvoir, d’injustice »,a-t-il soutenu avant de préciser que ces mouvements ne vont pas changer la donne, mais vont maintenir un niveau d’insécurité qui pourrait impacter le développement économique, les perspectives d’avenir de la jeunesse, la paix des nations. « Le grand défi, c’est d’offrir des perspectives d’avenir à la jeunesse autre que la migration ou la kalachnikov », a-t-il conclu.
Fousseni TOGOLA