Albassa Mahamane, maire délégué de la ville de Sévaré : « Il est interdit à tout détenteur d’arme de circuler avec celle-ci dans la ville au risque de se faire arrêter »

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Albassa Mahamane est maire délégué de la ville de Sévaré et officier d’état-civil au centre secondaire de Banguétaba, situé dans le secteur 3 de Sévaré dans la commune urbaine de Mopti. Dans cet entretien exclusif qu’il nous a accordé, il revient sur les grandes préoccupations qui minent la ville de Mopti et même au-delà dans un contexte marqué par l’insécurité.

Quelles sont les préoccupations de la ville de Mopti ?

Albassa Mahamane : Elles sont nombreuses et multiples. Déjà, il est difficile de parler de Mopti sans évoquer la situation sécuritaire. Aujourd’hui, aussi avec la crise qui prévaut au centre du pays, nous recevons beaucoup de déplacés internes. Ceux qui ont quitté d’autres villes de la région de Mopti sont même plus nombreux à se réfugier dans la commune urbaine de Mopti.

Ensuite, en tant que collectivité, nous avons des besoins en ressources humaines notamment en termes de renforcement de capacités. Nous avons aussi et surtout besoin de développement en tenant compte du non-paiement des taxes par les habitants de la ville. Toutes ces difficultés rendent pénible la réalisation de certaines choses au profit de la commune de Mopti.

Quelles sont les démarches entreprises en vue de remédier à cette situation ?

Albassa Mahamane : C’est la raison de notre engagement pour être des élus. Vous savez lorsque nous décidons d’être élus c’est sur la base d’un plan de travail de 5 ans. Avant même notre élection, nous avons formulé une profession de foi intitulée « Ma vision, ma commune ». C’est sur cette base que nous avons élaboré des axes prioritaires surtout en ce qui concerne le développement, l’assainissement, etc.

Nous avons aussi des solutions pour pallier le chômage des jeunes de la commune mais aussi et surtout veiller à ce que la ville soit assainie. Nous savons aujourd’hui que Mopti est un carrefour où on retrouve beaucoup d’endroits sales. C’est ainsi que l’assainissement occupe une place de choix dans notre plan d’action pour les 5 ans à venir.

Disposez-vous de partenaires prêts à vous soutenir notamment à travers la coopération décentralisée telle que le jumelage avec d’autres collectivités territoriales ?

Albassa Mahamane : Evidemment, nous avons hérité d’une belle collaboration avec un service de jumelage entretenu au niveau de la ville de Mopti. Vous n’êtes pas sans savoir que cette ville est jumelée avec la ville française de Maurepas depuis 1995. Il y a aussi d’autres villes auxquelles Mopti est jumelée.

Dans le cadre de l’assainissement, nous avions monté un projet dénommé « Mopti-Djenné » d’un coût global d’environ 40 milliards de FCFA. Nous avions même eu la chance de boucler les premières études et le maire avait signé le document au ministère des Affaires étrangères à l’époque avec le partenaire.

L’argent destiné au bureau d’étude, à savoir 40 millions de FCFA, avait même été décaissé. Nous attendons maintenant le démarrage de la phase de mise en œuvre sinon tout a déjà été cartographié. Nous sommes certains que ce projet va non seulement permettre d’assainir Mopti mais aussi offrir de l’emploi aux jeunes et aux femmes. Il s’agit d’un projet intégré, ce qui veut dire que les déchets au lieu de constituer un problème seront vendus. Je pense que c’est ce genre de projet dont la ville de Mopti a le plus besoin.

Il ne faut pas tout le temps mettre des choses qui ne vont pas durer et tous les jours les mêmes problèmes vont se poser. Nous avons déjà eu ce projet. Mais indépendamment de ce projet, avant même qu’il ne voie le jour, chaque jour nous avons les services de la voirie qui passent ramasser les déchets au niveau de la ville.

Le plus grand problème que nous avons à ce niveau c’est le manque d’un dépôt de transit à Mopti. Nous n’avons qu’un dépôt final se trouvant à environ 13 voire 14 km de la ville de Mopti. Vous voyez que cela constitue un véritable parcours du combattant pour les habitants de Mopti. C’est la raison pour laquelle nous assistons souvent à des ordures qui s’entassent sur la ville. Toutefois, nous essayons malgré tout de trouver des alternatives à ce problème.

De quelle aide avez-vous besoin et dans quel secteur l’orienterez-vous ?   

Albassa Mahamane : Si on veut nous aider, il faudrait commencer par la question de l’éducation. Vous savez avec la crise, nous avons reçu beaucoup d’enfants que nos salles de classe ne peuvent contenir. Pourtant, dans notre plan, nous avons réhabilité plusieurs classes et même construit beaucoup d’autres. Même si le besoin s’impose encore. C’est la raison pour laquelle j’insiste sur le fait que nous avons besoin d’aide en matière d’éducation.

Nous voulons également être appuyés dans le domaine de la transformation agro-alimentaire et dans le commerce. Comme vous le savez, avant Mopti était une région où le secteur touristique était en plein essor. Avec l’insécurité, tel n’est plus le cas de nos jours. Si nous pouvons redémarrer ne serait-ce que le tourisme local, cela serait de bon augure pour toute la région.

Il faudrait aussi voir les partenaires prêts à nous aider dans ce sens. Mopti est également une zone d’élevage, d’agriculture et de pêche par excellence. Si nous parvenons à encadrer ces secteurs, le développement de la région sera à coup sûr assuré. Pour dire vrai, à Mopti, tout est prioritaire mais si nous mettons l’accent sur ces secteurs, le plus dur sera fait.

Nous avons même travaillé avec des partenaires pour faire la cartographie des opportunités économiques. C’est ainsi que nous avons constaté que le secteur agricole est non seulement un secteur pourvoyeur d’emplois mais aussi et surtout peut nous permettre de garantir l’autosuffisance alimentaire. Nous avons les terres, l’eau et aussi les poissons. Si ces secteurs sont bien maîtrisés, je suis sûr que nous n’aurons pas besoin d’aller ailleurs.

Comment faites-vous pour circonscrire l’insécurité alimentaire qui menacerait Mopti ?    

Albassa Mahamane : Ce qui est sûr aujourd’hui c’est que le changement climatique est un phénomène mondial et Mopti pourrait difficilement y échapper. Nous avons des plans de contingence et je pense aussi qu’il y a certaines ONG qui aident la commune pour la réalisation d’un système d’alerte précoce afin de lui permettre d’être à l’abri.

Nous avons aussi d’autres domaines où nous avons besoin de l’aide des partenaires. Vous savez, l’Etat a créé des commissions foncières mais leur mise en place et leur opérationnalisation posent problème. Nous avons aussi besoin d’aide dans ce domaine sensible pour éviter des conflits liés à l’accès à la terre.

Comment parvenez-vous à juguler l’insécurité urbaine ?

Albassa Mahamane : Effectivement, Mopti n’est pas épargnée par ce phénomène même si depuis l’arrivée du colonel-major Abass Dembélé, des efforts sont faits. Qu’à cela ne tienne, ce qu’il faudrait prendre en compte, c’est le fait que Mopti accueille des déplacés. Certains profitent de cette situation pour créer le chaos.

De plus, Mopti abrite également plusieurs groupes d’autodéfense. À un moment donné nous avions même des agressions avec des armes à feu à domicile. Avec les patrouilles mixtes de l’armée et de la Minusma, ces choses commencent à se dissiper petit à petit. Maintenant il y a des concepts nouveaux qui arrivent comme le Comité consultatif de sécurité (CCS) ou la police de proximité.

Nous sommes en train de sensibiliser la population dans ce sens-là afin que les gens comprennent que la sécurité est une affaire de tous et non l’apanage uniquement des forces de défense et de sécurité qu’il faut saluer au passage. Une fois ces concepts maîtrisés, je suis sûr que les choses iront mieux. Il faut que les gens dénoncent des situations suspectes pour l’intervention prompte des forces compétentes.

Il arrive très souvent que vous soyez dans des maisons et que vous entendiez des tirs à l’arme automatique. Nous avons aussi des témoignages d’attaques ou de braquages perpétrés avec des armes à feu. Avant cette grande crise, nous connaissions surtout des petits bandits qui entraient dans les maisons simplement armées de couteaux. Ces derniers temps, ils ont été remplacés par des kalachnikovs.

Quelquefois, les bandits se mettent même au bord de la route pour agresser en pleine journée des jeunes sur des motos avec des armes avant de s’emparer de leurs engins. Depuis un moment, il me semble qu’au niveau des camps aussi, la sécurité a été renforcée dans la mesure où les militaires qui ne sont pas en mission ne sont pas autorisés à circuler en ville avec leurs armes. Cela a aussi contribué à diminuer le banditisme. Il est même interdit à tout détenteur d’armes de circuler avec celles-ci dans la ville au risque de se faire arrêter.

Quel est votre mot de la fin ?

Albassa Mahamane : Nous vous remercions d’avoir effectué le déplacement. Cela dénote votre engagement. Si vous avez quitté Bamako pour Mopti, d’autres ne le feront pas même s’ils sont payés et si vous l’avez fait, cela montre votre engagement. Je tenais à vous en remercier. Ce que j’aimerais aussi dire aux Maliens, c’est qu’il y a deux choses à avoir en tête : l’engagement et l’espoir.

Aujourd’hui, il faut que tout le monde redouble d’efforts pour rattraper notre retard. Chacun à son niveau doit s’engager. Nous savons tous que la crise a toujours une fin. Pour moi, une crise doit aussi être une opportunité. Nous pouvons prendre l’exemple du Rwanda. Regardez un peu la seconde guerre mondiale qui a permis aujourd’hui à beaucoup de pays d’être appelés puissances. Maintenant, nous avons touché le fond, c’est le moment de se relever.

Pour y parvenir, il faut que la culture patriotique soit véritablement ancrée en nous. Il ne faudrait pas que cela soit un vain mot ou un slogan creux. Il faut que ça vienne du cœur et que chacun comprenne que c’est un sacrifice. Personne ne se sacrifie. Ce sacrifice, nous le faisons pour les générations futures qui le reconnaîtront au moment venu et diront que nous n’avions pas vécu inutilement.

J’ai de l’espoir pour le Mali. Je suis sûr que si nous n’avions pas de grandes figures qui ont fait des bénédictions, le Mali allait disparaître. Et si cela n’a pas été le cas, il faut travailler et se dire que demain sera meilleur. C’est cet espoir que j’ai en moi en me disant qu’un jour ça va aller.

Cheick B. Cissé

De retour de Mopti 

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