Aïssata Ibrahima est une étudiante en master, en littérature et civilisation. Agée de 23 ans designer et promotrice de deux plateformes de mode I Parila & Lemounou. Elle fait partie des Nyéleni de la mode au Mali pour la valorisation du bogolan dans toute sa splendeur. Sa plateforme I Parila est consacrée à la mode.
Mali Tribune : Comment avez-vous eu l’idée de créer une plateforme ?
Aïssata Brahima Traoré : J’ai toujours adoré la mode et les gens qui me connaissent le savent très bien. Lancer mon entreprise sur la mode était un rêve d’enfant devenu réalité. J’ai toujours voulu me lancer dans la mode, mais, la peur de l’échec était un frein. C’est quand même un succès inattendu !
Mali Tribune : Présentez-nous votre Plateforme I Parila !
A. B. T. : I Parila est une plateforme de mode et de promotion du textile malien en général et du bogolan en particulier. Le but c’est de pouvoir, confectionner des habits modernes, les amener sur des plateaux et des scènes chics et glamours donc des habits pour le quotidien et pour les grandes soirées.
Nous avons remarqué qu’au Mali à chaque fois que les gens portent le bogolan, c’était de type traditionnel ou pour aller à des soirées culturelles. Alors le but est aussi d’amener le bogolan sur des scènes plus stylées où on ne s’attend pas, où on s’attend à voir d’autres tenues. Avec notre Bogolan, ici au Mali nous pouvons participer à des défilés à Londres où ailleurs pour valoriser le made in Mali. Lemounou est la plateforme de mode consacrée aux enfants.
Mali Tribune : Pourquoi ce nom I Parila ?
A. B. T. : C’est vraiment compliqué quand on veut lancer une entreprise et qu’on veut chercher un nom qui soit en rapport avec ce que nous faisons. I Parila qui veut dire en bambara Vous êtes bien habillé ! Et ce nom va vraiment bien avec mon entreprise ! A la base ce nom, je le dois aux enfants du quartier qui à chaque fois que je sortais de la maison habillée en bogolan n’arrêtaient pas de me dire I parila, I parila !
C’est vrai qu’en Afrique, on dit que la vérité sort de la bouche des enfants, pourquoi ne pas donner ce nom à mon entreprise ? Donc Oui ’I Parila a une signification pour moi.
Mali Tribune : Que signifie le bogolan pour vous, d’où vous vient cette passion ?
A. B. T. : Le Bogolan pour moi représente le Mali. Il est très présent chez les bambaras et les dogons. A travers le bogolan, j’ai compris énormément de choses. Sur les pagnes bogolan des dogons, ils exploitaient des masques venant de chez les peulhs et je trouve que c’était magnifique !
Cela prouve que le port vestimentaire était culturel et permettait la cohésion sociale. Et c’est le seul tissu qui pour moi parle de cohésion sociale, d’amour entre les différentes cultures c’est très important en ces temps troubles au Mali.
Le bogolan regorge des signes qui sont entre autres : le cauris qui représente la richesse, le bonheur avec le bien matériel. Le Kananga qui est connu chez les dogons, il signifie la divinité. Tandis que chez d’autres, il signifie un Homme complet, un sage, l’homme mûr. Le Kananga n’est pas un simple lézard comme beaucoup le pensent. Dans la société africaine, l’homme passait par différentes phases d’initiation.
Mali Tribune : Les Maliens sont-ils vos seules cibles dans la valorisation du bogolan ?
A. B. T. : Non ! Car I Parila se retrouve hors du Mali. Nous avons des clients un peu partout dans le monde. Le bogolan est en train de quitter carrément le cadre malien. Je ne sais pas si les Maliens s’en rendent compte, mais si on ne fait pas attention, d’autres vont s’approprier notre Bogolan. Dans les plus grands défilés européens on retrouve le wax, donc le bogolan va s’y retrouver très bientôt. Ce qui veut dire que les Maliens ne sont pas les seuls ciblés, si nous faisons des créations ce n’est pas seulement pour les Maliens, mais aussi pour que le monde entier.
I parila a ajouté le traditionnel au moderne pour que le bogolan fasse partie du quotidien. C’est ce que nous proposons à nos clients afin que le bogolan quitte un peu le cadre traditionnel. Nous avons allié pour cela, modernité et tradition. Pour que le bogolan se retrouve sur les scènes internationales, on a un défilé en novembre à Dakar.
Mali Tribune : Que signifie la culture pour vous ?
A. B. T. : Enormément ! La culture est notre identité, définit notre appartenance. Avec la mondialisation on a tendance à se perdre ! Aujourd’hui le japon est considéré comme l’une des puissances économiquement, voyez comme il garde sa culture. C’est la preuve que même avec la mondialisation nous devons garder notre culture. Au Mali on a tendance à oublier notre culture. I parila est la preuve qu’on peut se développer en restant fidèle à sa culture.
Mali Tribune : Les difficultés dans le cadre de votre travail ?
A. B. T. : Au Mali, les gens sont trop habitués à marchander les prix, ils pensent que nous mettons le prix haut. Alors que le boulot que nous nous faisons n’est pas facile. Nous fixons des prix en fonction de beaucoup de critères. Les Maliens doivent savoir dissocier le social du business, les gens qui peuvent nous aider à améliorer notre entreprise, contribuent à nous plomber. La caisse de l’entreprise ne doit pas se mêler de la poche de l’entrepreneur c’est ce que les Maliens doivent comprendre.
Mali Tribune : Etude et carrière professionnelle ?
ABT : C’est vraiment compliqué de joindre les études et la carrière, j’essaie d’être au même niveau que les autres étudiants. Pourtant j’ai une entreprise à faire tourner. C’est vraiment difficile et psychologiquement ça demande énormément d’efforts. Mais j’arrive à joindre les deux bouts.
Propos recueillis par
Oumou Fofana