Aboubacar Gakou, Cinéaste :« Pour avoir une relève dynamique, il faut créer les conditions de formation pour les jeunes…»

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Dans cette interview, le jeune cinéaste Aboubacar Gakou dresse son parcours cinématographique, sa façon de voir le cinéma malien et son ambition pour ce métier.

 

 

Le Débat : Qui êtes-vous ?

Aboubacar Gakou : Je suis Aboubacar Gakou, cinéaste, documentariste, paysan riziculteur à l’Office du Niger. J’ai aussi servi dans la presse écrite pendant trois bonnes années, ce qui fait que partout dans la zone office du Niger, je suis connu en tant que journaliste et non cinéaste grâce aux publications que j’ai eues à faire dans le journal le Nouvelliste, sur les problèmes auxquels les paysans sont confrontés. Cela  a duré trois ans.

 

 

Le Débat : Comment êtes-vous venu dans le cinéma et pourquoi vous l’avez choisi comme métier ?

Aboubacar Gakou : Cette question me semble un peu difficile à répondre, car je ne sais pas par où commencer. Néanmoins, je sais quand même que j’ai aimé le 7ème art bien avant de connaître ce que c’est. Il m’a permis de réaliser un rêve d’enfance qui me suit jusqu’à ce jour. Dans les années 1993-1994, quand j’avais à peu près 11 à 12 ans, en suivant les films américains tels que Rambo 1, 2,3, commando ou Vandame et beaucoup d’autres, je ne rêvais que d’être militaire un jour pour pouvoir relever de grands défis comme ses acteurs. Mais avec le temps et les réalités de mon destin, j’ai compris que cela n’était qu’un rêve d’enfance.

 

 

À l’époque, je fabriquais déjà à la maison. Je dessinais des personnages sur papier et je découpais ces dessins pour les animer dans un carton à l’aide deux petits bâtons qui les tenaient devant une ampoule collée au dos du carton. C’est avec la lumière de l’ampoule que je  projetais cette animation sur la façade d’une de nos maisons dans la cour. Presque tous les enfants de mon âge ou moins venaient suivre ces projections à la maison à Niamakoro Sokourani. Pour le choix de faire du cinéma ma profession, je n’ai vraiment pas choisi ; ça a été une passion inexplicable qui s’est imposée à moi après avoir perdu l’espoir d’être militaire. Je ne voyais que ça comme une chose à laquelle je pouvais m’accrocher tout en ignorant que c’est un domaine qui n’est pas facile. Du coup, j’ai fait mon entrée dans le milieu à l’âge de 21 ans après l’obtention d’un rôle secondaire dans la série «Kokadjè» de Adama Drabo ; et  ensuite  «Dou, la famille» de Boubacar Sidibé ; « Commissaire Balla » du Centre National de la Cinématographie du Mali, et «Bamako» d’Abdrahamane Sissako. Mais bien avant tout ça, j’avais appris à écrire des scénarii et quand je venais au Centre national pour la première fois, j’avais déjà écrit une dizaine d’histoire en mode scénario.

 

 

Gakou, cineastre
Gakou, cineaste

Le Débat : Depuis que vous vous êtes engagé dans ce métier, vous avez participé à la réalisation de combien de films ?

Aboubacar Gakou : Participer à la réalisation d’un film et être le réalisateur sur le film est différent. J’ai participé à la réalisation de sept films : trois fictions et quatre documentaires. Les fictions sont : «Commissaire Balla» du Centre national de la cinématographie ; «Bamako» d’Abdramane Sissako ; «de l’Eglise à la Mosquée» de Bouna Chérif Fofana. Les documentaires sont : «Miroir du fleuve» de Pascal Kouassigant, un film français ; «Waleya» de François Engrand, un autre film français ; «Waliden» d’Awa Traoré, film malien et un autre film canadien dont le titre a été changé après le tournage.

 

 

Pour ce qui est de mes propres réalisations de films d’apprentissage à ceux de ma carrière professionnelle, j’en ai cinq en ce moment, tous des documentaires. Il s’agit entre autres de : «Une partie de la peau malienne». «Mes amis de classe» ; «Une journée avec Fouseyni» dans la collection une journée en Afrique ; «Fasseri le journal des journaux» et «Terre verte» dans la collection Lumière d’Afrique, qui est la dernière réalisation.      

 

 

Le Débat : Selon vous, comment se porte aujourd’hui le cinéma malien ?

Aujourd’hui, le cinéma malien se porte bien mais c’est son avenir qui est inquiétant. Parce que la question de la relève est bel et bien posée. Les jeunes qui veulent faire le cinéma, sans avoir les moyens de passer par les grandes spécialités, sont toujours bloqués. Or, il faut de la passion pour ce métier  pour pouvoir percer. Non seulement tout le monde n’a pas cette passion, mais aussi les gens veulent vivre. C’est très difficile d’avoir sa maîtrise et ou sa licence et venir traîner derrière les cinéastes pendant des années sans pouvoir réaliser même un court métrage. La plupart de ceux qui viennent dans le métier, finissent par céder. Ils retournent en ville pour chercher un autre travail. Donc, pour pallier cela et avoir une relève dynamique dépassant la génération de Souleymane Cissé, Cheick Oumar, Djibril Kouyaté et Adama Drabo, qui ont marqué les temps forts du cinéma malien, il faut créer les conditions de formation pour les jeunes dès qu’ils manifestent leur volonté de faire le cinéma. Sinon, nous allons de pire en pire….

 

 

Le Débat : En tant que cinéaste, quelles sont vos ambitions réelles pour le cinéma malien ?

Aboubacar Gakou : Même si je suis encore jeune et que je n’ai pas encore eu le niveau des grands, je fais quand même déjà ce que j’ambitionne pour le cinéma malien. Je fais tout ce que je peux pour faciliter l’accès à ce métier aux jeunes qui veulent le faire. Je sais comment j’ai souffert pour avoir le petit pas que je viens de franchir dans le milieu ; je ne souhaiterais jamais cela à qui que ce soit. C’est pourquoi, aujourd’hui, j’accueille à bras ouverts tous les jeunes qui aimeraient faire carrière dans le cinéma et qui pensent que je peux leur apporter quelque chose au cours de leur apprentissage. À ma façon de voir les choses ici, je pense que pour être cinéaste, il faut commencer d’abord à mettre ses idées sur papier, ce qu’on appelle scénarisation. Dans ce sens-là, j’ai conseillé nombreux jeunes qui m’ont approché et je continuerai à le faire tout en leur indiquant les voies à suivre pour avoir les moyens de réaliser leurs idées.

 

 

Le Débat : Quels conseils donneriez-vous aux autres acteurs pour la promotion du cinéma malien ?

Aboubacar Gakou : Dans ce métier,  les professionnels conçoivent  différemment les choses. Chacun est suivi par son vécu et c’est ce vécu qui permet de voir les choses différemment des autres. Dans ce cas, il est très difficile de donner  un conseil profitable à tout le monde puisqu’on ne peut les orienter que sur notre propre vision des choses. Mais de toutes les façons, il est quand même important d’attirer l’attention de tout le monde sur l’émergence du secteur afin que le pays puisse avoir sa place d’antan dans le cinéma africain, sinon mondial.

Propos recueillis par Zakariyaou Fomba

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