Abdoullah Coulibaly : « La paix ne viendra que par la sécurité et le développement »

0

En marge du 14ème forum de Bamako, le vice-président et organisateur du Forum de Bamako Abdoullah Coulibaly, nous a livré son objectif et ses attentes vis-à-vis de ce « Davos africain ». Selon lui, il faut une approche globale pour juguler la crise : sécuriser et  développer la bande Sahélo-Saharienne.

 

Pouvez-vous nous parlez de l’objectif de ce forum ?

L’objectif de ce forum est que l’on veut participer à l’œuvre qu’on considère comme national à savoir la construction de la  paix durable au Mali. Cela se prépare pas seulement entre maliens. Mais avec tous les acteurs qui peuvent aider le Mali à sortir de cette situation difficile. Et parmi ces acteurs, il y a l’Amérique, la France, l’Union Africaine, la CEDEAO, les ONG, l’Union Européenne…et surtout des universitaires. Donc on a décidé de réfléchir comment avoir une paix durable au Mali ?on a décidé de commencer par comprendre l’histoire des peuplements. Comment cette zone est peuplée ? Parce que quand les gens sont en conflit, il faut voir comment ils sont liés les uns aux autres. L’histoire du peuplement permettra d’avoir des informations sur les préoccupations des gens. Et une fois qu’on a fini avec l’histoire  des peuplements, il faut comprendre l’évolution du monde et l’impact de cette évolution sur notre société. On nous demande d’aller à la démocratie ce qui malheureusement dans ces contrées de nos pays  désarticulent les sociétés traditionnelles. Les chefferies traditionnelles n’étant plus nombreuses que les autres, en gros on va voir les Bellah et les autres devenir des patrons et du coup les gens prennent les armes. La démocratie désarticule. C’est pour cela on a demandé au Professeur André Bourgeot de venir parler de démocratie « chefferies traditionnelles et pouvoirs ». Souvent les gens souffrent au Nord. Ils galèrent et comme on est loin d’eux, on n’entend pas souvent ces cris-là. Et on pense que ce sont des enfants gâtés. Souvent il faut prendre le temps de voir pourquoi quelqu’un souffre. Quand tu ne sais pas pourquoi  quelqu’un cri, tu ne l’aide pas à sécher ces larmes. Dans nos conflits, c’est comme ça que nos dirigeants ont réglé cette problématique et souvent par le mercenariat. Chaque fois qu’il y a problème, on prend de l’argent et on va corrompre quelques dirigeants de ces gens et ils se calment. Une fois que l’argent est fini, ils reviennent et on redonne l’argent. Et puis patatras, notre financier Kadafi est mort. A partir de là notre source de financement est fermée et le conflit s’amplifie et cela nous amène à la problématique des armes. Vu que les armes circulent dans la zone, quelles sont les menaces ? C’est très important. Il y a beaucoup d’armes qui circulent. Ces armes sont mêlées à quoi ?sans oublier que la nature de la menace est hybride. Il y a aussi la drogue. Malheureusement ces drogues qui circulent finissent par prendre le pouvoir à la gorge. Un ministre ou un général qui gagne 1 million si vous lui donnez 200 millions d’un coup, il va vous écoutez et très rapidement les narcotrafiquants finissent par prendre le pays. Donc il faut connaitre les enjeux de la menace. En même temps, il y a l’argent facile des enlèvements. C’est devenu un métier. Et une fois que tu as  tout cet argent, tu as accès aux armements. Et tu deviens plus fort que nos armées parce que nos pays ont peu de ressources par rapport à ces grandes sociétés de narcotrafic. Alors quelle stratégie faut-il mettre en place pour combattre ça ? Toutes les grandes puissances ont leurs stratégies pour le Sahel (USA, UE, UA..). Donc on les a demandés de venir nous les présenter. Mais quelle est la stratégie du Mali ? Telle est la grande question. On a, aussi, demandé au ministre de venir nous la présenter.

 

 

Pourquoi le thème de cette édition est intitulé : « Paix, Sécurité et développement dans la bande Sahélo-Saharienne » ?

Comment mutualiser toute ces stratégies parce que la menace est transversale. Aucun pays seul ne peut la combattre. Il faut que les gens comprennent que la guerre est globale. Donc il faut une approche concertée. Voilà pourquoi on a réuni tous ces gens pour parler de l’aspect sécuritaire. Mais le problème n’est pas de s’attaquer au mal uniquement par les armes. Lorsque vous avez des populations qui meurent de faim, qui galèrent alors que des gens, avec l’argent facile, viennent leur donner l’éducation et la santé, ils vont les écouter. Donc la clé, c’est aussi le développement. Voilà pourquoi la paix ne viendra que par les deux piliers qui sont : sécurité et développement en même temps. Mais le développement pour le faire, il faut un Etat. On a vu que nos Etats sont fragiles et gangrenés souvent à la tête. La légèreté de nos dirigeants est à la base  de cet état de fait. On a affaiblit l’autorité de l’Etat ; quand l’Etat n’existe pas, on tombe comme le Mali est tombé. Donc il est bon de voir, quel type d’Etat il faut pour faire face à tout ça. L’Etat aussi ne peut pas tout faire, le véritable vecteur du développement ce sont les entreprises.

 

 

Dans votre discours, vous parliez d’altruisme comme nécessité mondiale face aux défis, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

La solidarité internationale est importante. Aujourd’hui les gens sont devenus égoïstes. Cela crée un désordre mondial. Le monde est de plus en plus interdépendant. Donc cet égoïsme, cette indifférence c’est ce qui crée le désordre dans le monde et il faut sortir de cela. C’est pour ça que cet altruisme mérite d’être magnifié et que les africains aussi comprennent que quand les gens viennent nous aider ce n’est pas toujours pour avoir quelque chose en retour. Et même si tel est le cas, on doit faire en sorte de tirer notre épingle du jeu. C’est indigne. Face au danger on s’unit et après on peut se combattre. Mais les gens sont égoïstes et ils ne sont pas altruistes. C’est une honte. On ne peut pas être fier de nous-mêmes. Pendant que les djihadistes marchaient sur Konna, les gens marchaient ici à Bamako.

 

 

Des recommandations sont faites à la fin du forum, à quoi serviront-elles ?

J’ai habitude de dire aux gens que nous ne pouvons faire que des suggestions et des recommandations. Nous ne pouvons pas imposer parce que nous ne sommes pas un gouvernement. Mais ce qui est heureux, c’est le fait qu’on ait le soutien du président de la République. D’ailleurs il veut nous recevoir et nous offrir un cocktail. Donc je suppose qu’il ne va pas laisser les recommandations dans les tiroirs. Parce que le gros problème de l’Afrique est qu’on n’a rien à foutre des idées. Sinon si on écoutait et si on mettait en œuvre le minimum de nos recommandations peut être qu’on aurait pu éviter beaucoup de choses. Voilà la réalité. Regardez dans la salle, il y a plus d’étrangers que de maliens. Il faut s’intéresser aux débats et s’en approprier et à partir de là, la culture de l’effort vient. L’intérêt de ce forum c’est aussi pour qu’on ne tombe pas dans la facilité.

Propos recueillis par Madiassa Kaba Diakité

 

Commentaires via Facebook :