Abdoulaye Pona, secrétaire général de l’UNOMIN : «Nous avons du pétrole. Un peu de patience!»

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Dans une interview qu’il a bien voulu nous accorder, le Secrétaire général de l’Union Nationale des Opérateurs Miniers (UNOMIN), Abdoulaye Pona, nous propose un bref aperçu des changements enregistrés dans la recherche minière au Mali, concernant notamment l’or. Il nous a, en outre, affirmé qu’il y avait bien du pétrole au Mali. Avant d’exhorter les Maliens à la patience.  

 

22Septembre: Le Mali a fêté ses cinquante années d’indépendance il y a quelques jours. L’activité minière, elle, y remonte à des siècles. En tant que professionnel du secteur, avez-vous vu des changements significatifs au cours des cinquante dernières années?

 

AP: Le Mali est un pays de tradition minière. Pour preuve, déjà avec l’Empereur Kankou Moussa, nous savons de l’histoire qu’il a emmené 8 tonnes d’or à la Mecque, bouleversant, du coup, le cours de cette matière. Cet or n’a pas été produit par des équipements, comme on le voit aujourd’hui, mais à mains nues. C’est dire que ce pays est très riche en minerais, mais que seul l’or est la matière la plus, sinon la mieux, exploitée. Je voudrais aussi attirer l’attention sur le fait que l’activité de la recherche aurifère est rythmée par le côté artisanal. Elle n’a jamais été formelle. Ceci n’est pas pris en compte par le Code minier. C’est une défaillance qu’il faudra certainement corriger.

La recherche de l’or au Mali a connu trois étapes depuis l’indépendance, à travers les trois Républiques. La Première République était socialiste et les biens étaient ceux de l’Etat. Durant les huit années qu’a duré ce régime, il n’y a pas eu de volonté politique d’exploiter de façon industrielle notre or. En tout cas, pour qu’une société privée ou qu’un privé investisse dans le secteur. Cependant, les recherches ont continué, avec la création de la SONAREM, qui a abouti à la découverte de Kalana, des phosphates de Tilemsi…La Deuxième République, bien qu’ayant duré 23 ans, n’a pas non plus poussé très loin les recherches aurifères. Elle s’est contentée de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, ou encore de l’aide extérieure.

Il fallait attendre la Troisième République pour que les choses bougent un peu. Pour la première fois, le Mali s’est doté d’un Code minier en bonne et due forme, avec des avantages. Cela a permis de faire venir les grandes compagnies, qui n’attendaient que cela depuis plusieurs années. D’où l’exploitation de la deuxième mine du Mali, à savoir Sadiola. Nous avons alors assisté à la naissance d’autres mines: Yatela, Morila, Tabakoto, Siama…

 

Je dois ici signaler que les nationaux, dans tout ce processus, sont toujours restés en marge. D’abord parce que l’activité, en elle-même, est très coûteuse. Même les multinationales sont obligées de s’associer. Il faut aussi un savoir-faire. Par exemple, pour ficeler un dossier et l’amener à la Bourse. Bien que la politique nationale ait pris en compte l’émergence des nationaux, ils sont venus de façon timide. Après la création de l’UNOMIN, nous avons pris conscience de ce fait et avons formé nos adhérents. Aujourd’hui, nous pouvons dire qu’ils ont une expérience avérée de la chose.

 

Après 50 ans, on peut donc dire qu’il y a eu des changements considérables. En 1960, aucun Malien ne pouvait se donner le luxe d’exploiter de l’or. De 1968 à 1991, nous en étions au même point. Je me rappelle que, lorsque le Président Moussa Traoré s’est rendu à Kéniéba, il a été reçu avec de l’or. Il était si étonné de voir les populations explorer le sous-sol à mains nues qu’il a instruit à son ministre de mettre en place une liste minière. Pour y figurer, il fallait que l’exploitant ait le minimum de matériel: un petit véhicule, un compresseur, un treuil mécanique, une pompe offshore…Même si nous n’avons pas encore atteint le stade de certains pays, je crois que nous sommes sur une bonne voie. Nous avons plus de géologues, plus d’exploitants miniers qualifiés, nous sommes ouverts sur monde à travers les médias…

 

On parle de pétrole depuis un certain temps. Est-ce un mythe ou une réalité?

 

Il ne peut jamais avoir de rêve ou de mythe concernant une substance. Quand on parle d’une substance, avec les techniques qu’on possède aujourd’hui, cela n’est pas permis. Le Mali a toujours été considéré comme un pays où il y avait du pétrole. Nous avons des bassins sédimentaires qui le démontrent. Celui de Taoudéni est un ancien lit d’océan. Et, là où il y ancien lit d’océan, il y a certainement du pétrole. Je prends l’exemple sur la Libye, l’Iran, l’Algérie, qui ont la même morphologie que notre Nord. Le pétrole vient de la déposition de matières. Une fois qu’elles sont déposées pendant des siècles, elles se transforment en pétrole et en gaz. Il a été démontré, depuis la période coloniale, qu’on trouve des ossements de grands poissons et d’animaux datant de plusieurs siècles au Nord du Mali. Dans un futur proche, je crois bien que nous produirons du pétrole et que nous nous hisserons à un rang assez raisonnable dans le concert des pays producteurs. Rappelons que notre pays n’a réellement commencé à exploiter l’or que depuis quelques années. Et que nous sommes aujourd’hui troisième en Afrique. Il faut juste un peu de patience.

 

La Chambre des mines tarde à se mettre en place. Où en est-on?

 

Le problème de la Chambre des mines est très délicat, mais il est dommage qu’elle ne soit pas encore mise en place. Quand il y a des élections, il faut souvent s’attendre à des tiraillements. C’est ce qui est arrivé. Cela arrive dans le monde entier, partout. Cela nous pénalise, nous les professionnels, car c’est un instrument de travail dont nous avons plus que besoin pour faire avancer le secteur et, surtout, le développer davantage. Nous suivrons ce que dira la justice dans sa décision finale.

 

Paul Mben        

 

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