Abdallah Yattara, ex-conseiller de la commune IV : “Si on doit dissoudre une collectivité à cause de l’assainissement, toutes les collectivités du Mali seraient dissoutes”

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Abdallah Yattara estime que si on doit dissoudre une collectivité par rapport à l’assainissement, c’est toutes les collectivités du Mali qu’on doit dissoudre. Parce que, dit-il, les collectivités n’ont pas les moyens financiers nécessaires pour faire face à l’assainissement. Dans cet entretien ci-dessous, l’ancien conseiller en Commune IV verse son avis sur la dissolution de leur conseil.

Mali-Tribune : Comment vous avez accueilli la dissolution de votre conseil et quelle appréciation donnerez-vous à cela ?

Abdallah Yattara : On a tous été stupéfaits lorsqu’on a suivi le conseil des ministres qui a procédé la dissolution des mairies de la Commune IV, de la Commune II et la mairie centrale. On entendait que c’était la Commune VI, la Commune II et la mairie centrale qui devraient être dissoutes. Cependant, au niveau de notre commune, on a été surpris du fait que notre mairie se trouve sur la liste. C’est en ce moment qu’on a demandé au maire, s’il a reçu une notification, comme la Commune II et la mairie centrale avaient déjà reçu une notification. Le maire nous a répondu non qu’il a seulement reçu une demande d’explication par rapport à l’assainissement. Effectivement, en date du 3 novembre 2023, le gouverneur du district lui a envoyé une demande d’explication par rapport à l’assainissement.

Tout le monde connaît le problème de l’assainissement en Commune IV ici. Le dépôt de transit auquel le gouverneur fait allusion ne fait pas partie des compétences de la mairie de la Commune IV. Tous les dépôts du district relèvent de la compétence de la mairie centrale. Donc lorsque ce dépôt a été évacué, il a été formellement interdit aux GIE de déverser les flux journaliers des ordures dans le dépôt de transit de Lafiabougou. Les GIE aussi se sont regroupés pour adresser une correspondance au niveau du gouvernorat, de la mairie centrale et du ministère de l’Administration territoriale, pour demander la réouverture du dépôt de transit mais, malheureusement, ils ont reçu un niet catégorique de ces autorités.

Il faut savoir que la compétence de la mairie de la Commune IV dans l’assainissement, c’est de transporter les déchets des foyers vers le dépôt de transit. Une fois qu’ils sont arrivés au dépôt de transit, la compétence de la mairie finit. C’est la mairie centrale qui prend le relais pour la décharge finale.

Si le gouverneur envoie une demande d’explication sachant bien ce qui se passe au niveau du dépôt de transit, qu’est-ce qu’un maire peut faire ? La population aussi ne peut rien faire si on interdit aux GIE de déverser les flux journaliers. Chacun se débrouille avec les moyens de bord.

Si on doit dissoudre une collectivité par rapport à l’assainissement, je crois que c’est toutes les collectivités du Mali qu’on doit dissoudre. Parce qu’en réalité, les collectivités n’ont pas les moyens financiers nécessaires pour faire face à l’assainissement. D’ailleurs, le gouverneur dans sa lettre de demande d’explication avait dit que l’assainissement est une compétence déléguée aux collectivités, à la mairie de la Commune IV. Oui c’est une compétence déléguée aux collectivités, mais les ressources financières restent au niveau central, c’est comme l’enseignement, l’éducation, la santé, l’hydraulique.

C’est des compétences qui sont transférées au niveau des collectivités, mais jusqu’à présent l’Etat garde les ressources par rapport à ces compétences au niveau central. Donc, nous nous débrouillons avec les moyens de bord, avec le peu de ressources collectées. En un mot, on n’a pas les moyens pour faire face à la situation. C’est comme ça que le maire a pu répondre à la demande d’explication. Je crois qu’ils n’ont pas été satisfaits de cette réponse et ils ont prononcé la dissolution au niveau du conseil des ministres.

Mali-Tribune : Que vous dit le motif de ce décret ?

A Y. : Lorsqu’on a reçu ce décret de dissolution, on a été stupéfaits du fait que le motif principal est qu’on a envoyé une demande d’explication au maire par rapport aux irrégularités administratives et financières alors que cela n’a jamais été fait. Et c’est sur ce motif qu’ils se sont basés pour dissoudre le conseil. C’est différent de la demande d’explication que le gouverneur a envoyée. Les mêmes références que le gouverneur a envoyées par rapport à l’assainissement, on les retrouve sur la demande d’explication par rapport aux irrégularités administratives et financières.

C’est pourquoi nous au niveau de Yéléma, on a commis un huissier pour partir voir si effectivement il y a eu une demande d’explication par rapport aux irrégularités administratives et financières comme le stipule le décret de dissolution. Même, le Secrétaire général de la mairie a reconnu par voie d’huissier qu’il n’a jamais reçu une demande d’explication pour les irrégularités administratives et financières. Ça veut dire que le décret était attaquable. C’est sur cette base qu’on a attaqué le décret. Le dossier est au niveau de la justice et on s’en tient à la justice de notre pays. Nous sommes profondément légalistes, on ne va pas faire de marche, ni de sit-in, rien du tout. Les voies de recours sont là et on va les épuiser.

Mali-Tribune : Parlez-nous du bilan de votre conseil                              A Y. : Nous sommes arrivés à la mairie de la Commune IV en 2016. Notre mandat était de 2016 à 2021. Effectivement le fait que les élections ne se sont pas tenues, il y a eu une prolongation de deux ans et on était dans cette prolongation lorsque le conseil a été dissous.

Quand on venait en 2016, les ressources propres de la mairie étaient à peu près de 750 millions de F CFA. Les ressources propres c’est quoi, c’est les ressources avec lesquelles la mairie peut travailler et ces ressources sont constituées des taxes que nous recouvrons quotidiennement, mensuellement, et annuellement. Aussi, il y a une partie des patentes recouvrées qui sont reversées aux collectivités. Donc quand on venait, c’était 750 millions, et quand on quittait c’était à 1 milliard 600 millions de F CFA, pratiquement on a pu doubler les ressources de notre mandat.

A la mairie, on a construit un immeuble imposant à 260 millions de F CFA sur fonds propres. Dans les deux centres secondaires d’état-civil de Djicoroni et de Sébénicoro, on a pu construire de grandes salles de célébration qui peuvent contenir plusieurs mariages. On a pu construire les centres d’état-civil de Kalabambougou, Sibiribougou et Lassa.  On a construit des classes et une école flambant neuf à Taliko, on a construit un centre pour l’installation de l’appareil radiographie au CS-Réf de Lafiabougou. Les marchés d’Hamdallaye, Lafiabougou, et plusieurs autres réalisations pour ne citer que ceux-ci.

Au niveau de la santé, la Commune IV a été toujours classée première parmi toutes les communes du Mali pour le payement de sa quote-part à l’Agence nationale d’assistance maladie (Anam), afin que les indigents de notre circonscription puissent se soigner gratuitement à chaque fois au niveau des Asaco et au niveau des CS-Réf. De 2016 à maintenant, la Commune IV est classée toujours première, c’est la seule Commune qui paie sa cotisation pour l’Anam afin que les indigents puissent bénéficier de soins gratuits, donc c’est à notre actif.

Mali-Tribune : Quel est votre regard sur cette option de dissolution initiée par le gouvernement ?

A Y. : Moi je le mets dans le contexte des lois et des textes qui ne sont pas très appropriés. Moi je trouve que quand on dissout une collectivité, un conseil, tous les conseillers ne sont pas responsables. Je dirais que c’est un peu de la défaillance dans les textes à ce niveau-là. Je prends l’exemple sur la mairie centrale, tout le monde sait que c’est le maire central qui est impliqué dans des irrégularités financières et actuellement il se trouve sous mandat de dépôt. Mais comment on peut dissoudre tout un conseil par la faute d’un seul maire ?

Moi je crois qu’il faut peut-être révoquer le maire principal et le faire remplacer par le second sur la liste. Cela aurait été compréhensible, mais dissoudre tout un conseil, c’est de la défaillance au niveau de ces textes. En plus de ces défaillances, nous les conseillers, nous ne sommes pas payés, nous ne sommes pas à la charge de l’Etat, nous ne sommes pas des salariés, nous ne bénéficions d’aucun avantage de l’Etat. A quoi ça sert de dissoudre tout un conseil alors qu’ils ne sont pas rémunérés par l’Etat ?

Seul le maire et ses adjoints bénéficient d’une indemnité mensuelle. Donc, dissoudre à chaque fois des conseils alors qu’une personne ou deux personnes sont fautives, je crois qu’on devrait vraiment revoir le code des collectivités pour ça. Je crois fort que c’est un excès de pouvoir à ce niveau-là.

Mali-Tribune : Quel avenir pour votre conseil ?

A Y. : Le dossier est au niveau de la justice. Si par extraordinaire on gagne le procès, le conseil va revenir, mais au cas où le conseil ne retournera pas, ce que beaucoup ne savent pas, les conseillers ne sont pas des chômeurs. Ils ont tous un métier en réalité, même pour être sur une liste, il vous faut payer une grande somme comme caution, ce qu’un chômeur ne peut pas payer. Moi qui vous parle, je suis consultant formateur depuis 2012 et j’ai même été président de l’Association des consultants du Mali. Donc au cas où on n’aura pas gain de cause, on va retrouver nos premières amours. Le passage n’a pas été pour rien car on a acquis beaucoup de connaissances.

Mali-Tribune : Votre dernier mot

A Y. : Nous, c’est la population de la Commune IV qui a eu confiance en nous en nous mettant au niveau de la mairie, il va de soi que si on décide de dissoudre la mairie pour des raisons en réalité qui ne nous honorent pas trop, il est de notre devoir de nous battre au niveau de la justice pour que la confiance qui est entre nous et les électeurs puisse demeurer et c’est pour cela qu’on a attaqué le décret. Si on n’attaque pas le décret, ça veut dire qu’on est consentant par rapport à ce qui nous a été reproché.

Propos recueillis par

Ibrahima Ndiaye

 

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