A cœur ouvert avec Zongo : “ Je ne suis pas interdit de séjour en Côte-d’Ivoire!’’

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Plus connu sous le pseudonyme de Zongo, celui qui incarne le personnage de Maréshal Zongo séjourne au Mali depuis plusieurs mois. Dans une interview qu’il nous a accordée, l’artiste multidimensionnel ivoirien situe la responsabilité des ivoiriens dans la crise qui a secoué ce pays de 2000 à avril 2011. Mais avant, il parle de son partenariat avec Africable Télévision, de son complice de tous les jours, Tao, mais aussi, le lauréat trophée du meilleur humoriste ivoirien au Summum 2010 parle de sa vision des indépendances africaines 50 ans après. Interview exclusive.

Le Matin :
Qui est Zongo à l’Etat civil ?
Zongo: Zongo, à l’Etat civil, c’est un jeune artiste, un panafricain, un amoureux de l’art qui a décidé de s’investir corps et âme dans la chose artistique avec toutes les difficultés que cela peut comporter. Donc, c’est un citoyen du monde. Je suis d’origine et de nationalité ivoirienne, mais Burkinabé d’adoption.

Mais vous ne nous avez pas encore dit votre nom et prénom à l’Etat civil… ?

Oui ! A l’Etat civil, c’est un Joker ! Donc, allons-y pour la suite, d’abord…

Comment êtes-vous venu dans la comédie ?
Il y a longtemps que la comédie et moi nous nous côtoyons. Quand j’étais jeune élève, j’étais un peu turbulent. Pour me punir, mes maîtres m’ont orienté vers le théâtre. Histoire aussi de pouvoir me recadrer. J’y ai pris goût par la suite et durant tout le parcours scolaire ça m’a suivi jusqu’à ce que je décide d’en faire un métier.

Qu’est-ce qui vous a influencé dans le choix du personnage-auteur de Maréshal Zongo que vous incarnez, avec son accent typiquement moré ?

La conception du personnage vient d’un amour d’enfance. Etant Ivoirien d’origine, j’ai vécu dans un environnement panafricain et puis, les gens qui m’entouraient étaient des Burkinabés. Donc, je suis Burkinabé d’adoption. J’ai connu l’attitude, la réaction du mossi villageois dans sa réaction brute, le « moaga ». Je l’avais en moi sans être acteur. Aussi, quand la chance m’a été donnée d’interpréter un rôle ou d’incarner ou de composer un personnage, je me suis dit « tiens : pourquoi ne pas faire avec ce que je maîtrisais le plus. » C’est ainsi qu’est né le personnage de Zongo. En même temps, le personnage revendique quelque chose. Si vous voyez le personnage de Zongo, c’est un personnage analphabète, mais pas idiot. C’est pour dire en quelque sorte que le raisonnement est francophone avec la langue française qui n’est pas de chez nous. Mais cela ne veut pas dire que nous sommes idiots. Un Africain peut être analphabète et ne pas être bête. C’est la caricature de l’analphabète africain qui n’est pas du tout bête.

Zongo a commencé la comédie il y a longtemps. Vous avez notamment collaboré avec Gbi de Fer, Adama Dahico, vous êtes dans le casting au cinéma, vous êtes dans la musique. Vous êtes un artiste complet qui a acquis de l’expérience. Mais vous avez décidé d’évoluer en duo avec votre ami de tous les jours, Tao, celui avec qui vous ‘’êtes toujours mais avec qui vous n’êtes jamais d’accord’’. Comment est née cette collaboration ?

Après les étapes de la formation théâtrale, il y a eu l’avènement humoristique en Côte-d’Ivoire avec l’émission « Dimanche passion ». Nous nous sommes tous retrouvés et en fait, nous étions tous des poulains auprès des aînés comme les Gbi de Fer et autres. Puis, il est arrivé un moment, nous avions voulu prendre notre indépendance pour essayer de voir si ce qu’on a appris pouvait tenir sur le marché. C’est comme ça qu’on a créé les personnages de Zongo et Tao ; deux amis « toujours ensemble, mais jamais d’accord ». Zongo est analphabète mais il parle plus rapidement. Tao est un intellectuel qui raisonne bien mais qui a des difficultés à sortir des mots (c’est un bègue, ndlr). Du coup, il y a une contradiction perpétuelle entre les deux. Ils sont toujours ensemble mais ils ne sont jamais d’accord parce qu’ils n’ont pas toujours la même façon de voir les choses. Ce concept cache une philosophie de la réalité dans la vie. Dans la vie, il y a la nuit et le jour. C’est le jour qui donne de l’importance à la nuit et c’est cette dernière qui donne de l’importance à la première. Il y a l’homme et la femme, il y a la gauche, il y a la droite. Donc, Dieu a crée la dualité pour que les choses soient complémentaires. Et, c’est cette complémentarité qu’on revendique au travers du personnage de Zongo et de Tao.

Zongo et Tao, vous venez de le dire, « sont toujours ensemble, mais jamais d’accord », aujourd’hui vous êtes seul au Mali, qu’est-ce qui explique l’absence cette fois-ci de votre « partenaire » ?

Je suis arrivé au Mali par la grâce d’un spectacle que j’ai donné au Blonba en avril 2011. Et cela a coïncidé avec l’explosion de la crise en Côte-d’Ivoire. Comme tout le monde en ce temps-là était sorti pour se mettre à l’abri, j’ai décidé de rester un peu ; le temps que les choses se calment. Je suis resté, le Mali n’a pas été méchant avec moi, les gens ont été super-sympas. J’ai eu à organiser plusieurs activités où j’ai fait venir Tao. On a fait le Blonba, le Babemba… Moi, j’ai décidé de rester un peu parce qu’Africable m’a sollicité pour faire une émission qui s’intitule « JTZ » (Journal Télévisé de Zongo) qui passe d’ailleurs chaque samedi. Ceci a été une motivation forte qui m’a permis de rester pour le moment. Je ne suis pas interdit de séjour à Abidjan. Je suis là car ma passion m’y oblige.

Et justement, votre aventure avec Africable télévision, comment ça se passe ?

Aujourd’hui, je peux dire que ça se passe très bien. Car surtout je traînais mon idée d’émission humoristique d’informations depuis longtemps, et, quand je suis arrivé,  pendant que j’organisais un spectacle de Zongo et Tao, on m’a proposé de proposer une émission à Africable Donc, j’ai proposé une idée et ça a plu. On est partenaire là-dessus, on travaille ensemble. Je produis l’émission, Africable la diffuse, on se donne des idées et jusque-là ça se passe bien.

Vous avez des relations avec les humoristes maliens ?
J’entretiens de très bons rapports avec certains humoristes maliens, notamment avec un jeune humoriste malien du nom d’ATT junior, qui se défend très bien et dont j’apprécie l’humour. On a toujours eu besoin de quelqu’un, on a besoin du soutien de X ou de Y. Déjà quand nous étions plus jeunes, les aînés nous donnaient leur coup de main pour qu’on puisse avancer. Si aujourd’hui je peux me taper la poitrine pour dire que grâce à moi, il y a un jeune qui se positionne, ça fait du bien ! Et cela arrive parce que lui aussi il est talentueux. Il a réussi à attirer mon attention et depuis lors, on marche ensemble. 

Avez-vous d’autres projets ? 
Oui : je dois me marier.

Avez-vous déjà un choix ?

Non ! En fait, mon problème est que je trouve toujours la date et le lieu, mais je ne trouve pas la femme. Cette-fois, j’ai donné deux chances aux femmes de Bamako : vendredi 23 septembre et samedi 24 septembre à l’hôtel Radisson. Si elles n’ont pas réussi à m’avoir. En fait ; il s’agit d’un spectacle one-man-show intitulé : « Enfin ! Je me marie» qui est la caricature de la bonne cohabitation sociale. Et, à partir du moment où la cohabitation se trouve dans la famille et dans le mariage plus spécifiquement. Deux personnes qui ne se connaissaient pas et qui ont eu leur éducation et leur environnement décident de se mettre ensemble sur la base de quelque chose qu’on appelle le mariage demande beaucoup de sacrifice, beaucoup de tolérance, beaucoup d’intelligence et pour moi, il n’y a pas meilleur exemple de cohabitation sociale que le mariage. Je prends le mariage comme prétexte pour lancer un message d’harmonie sociale ; pour dire qu’on peut être différent et vivre ensemble. On peut ne pas parler la même langue, ne pas avoir la même vision de la chose mais essayer de s’harmoniser pour vivre ensemble. Car dit-on, dans la vie, quand ce qui vous unit est plus fort que ce qui vous divise, il n’y a pas de raison de rester divisé. Le monde a besoin que nous soyons ensemble pour pouvoir vaincre toutes ces difficultés qui s’imposent à nous. Donc, je vais me marier quelles que soient les difficultés que cela implique.

Parlant d’unité justement, votre pays, la Côte-d’Ivoire vient de traverser une longue et interminable crise politique. En tant qu’Ivoirien, quel conseil avez-vous à l’endroit des tenants du pouvoir et au peuple de Côte-d’Ivoire pour le pardon ?
Je pense que la crise de Côte-d’Ivoire est due à tous les fils de Côte-d’Ivoire. Tous les Ivoiriens ont, d’une façon ou d’une autre, participé au fait que la Côte-d’Ivoire soit là où elle est aujourd’hui. Certains par leur indifférence, certains pour avoir posé des actes, d’autres pour n’avoir pas agi, d’autres pour avoir conseillé, pour avoir orienté… chacun, à sa façon, dans son petit coin, a fait quelque chose pour que la Côte-d’Ivoire se soit retrouvée là. On est tous responsables, d’une façon ou d’une autre, mais peut-être à des niveaux différents, des responsabilités différentes, en fonction des postes que chacun occupe dans la société. Les artistes ont leur part de responsabilité, les politiciens ont leur part de responsabilité, les journalistes ont une grande part de responsabilité, les populations ont une part de responsabilité. Aujourd’hui, ce n’est pas la meilleure leçon, mais c’est une leçon quand même ! Je pense que la victoire de la Côte-d’Ivoire, ce n’est pas la victoire d’un camp ; c’est la victoire de tous les enfants de la Côte-d’Ivoire, unis et réunis autour de l’idéal qu’est la patrie. La Côte-d’Ivoire, comme tout pays,  se doit de s’unir pour la conquête de la grande hauteur.

Quelle lecture faites-vous des indépendances africaines, cinquante ans après ?

L’indépendance en Afrique est loin d’être achevée. L’indépendance n’est pas que politique mais elle est aussi philosophique, alimentaire, vestimentaire, musicale. Or, tous ces domaines dépendent à présent de l’Occident. Pour que l’indépendance soit complète, chaque Africain doit s’y mettre, réfléchir, consommer africain et croire en soi, comme l’a fait Thomas Sankara. L’esclavage existe encore mais sous une autre forme. Au lieu d’avoir des chaînes à nos pieds et bras, on les a dans le cerveau. Nos médias et nos artistes doivent jouer un rôle de sensibilisation et d’éducation. Et tant que l’indépendance sera vue de l’Europe et sera vécue à l’européenne, notre indépendance ne sera jamais acquise.
Entretien réalisé par Anta Cissé, Oumou Koné (stagiaires) et Amadou Salif Guindo

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