En intervenant le lundi dernier pour simplement vouloir ” ramener le calme dans une situation politique, sociale et économique en train de dégénérer dans le pays, qui, si cela n’est pas fait, va se terminer en conflit violent » et niant l’existence d’un « coup d’État », pour justifier la mise en résidence surveillée du Président Robert Mugbawe, l’armée du Zimbabwe démontre qu’elle demeure la seule force organisée capable de maintenir la stabilité dans le pays. Même si elle refuse d’admettre la réalité du coup d’Etat au Zimbabwe, plus que jamais le développement des évènements va faire tourner de façon irréversible, une page de l’histoire du pays. Cela est d’autant plus certain que les militaires qui se sont accaparés des rênes du pouvoir, s’ils s’abstiennent de l’exercer, vont désormais s’ériger en arbitres du jeu politique.
Les tensions politiques étaient très vives dans le pays depuis la décision, la semaine dernière du président Mugabe de révoquer son vice-président Emmerson Mnangagwa, longtemps pressenti comme son dauphin. Pour dénoncer cette éviction, le chef d’état-major de l’armée, le Général Constantino Chiwenga, était sorti de sa réserve pour adresser un avertissement sans précédent à la Zanu-PF. Un avertissement qui avait conduit le parti au pouvoir à riposter en l’accusant de “trahison”. Un climat sociopolitique qui justifie cette interférence des militaires dans les affaires politiques. Ce qui est une aubaine non seulement pour l’opposition Zimbabwéenne mais aussi pour les pays occidentaux qui ne seraient pas mécontents de voir le Chef de l’Etat perdre le pouvoir.
Il faut rappeler que les pays occidentaux, notamment la Grande Bretagne, après l’accession du Zimbabwe à l’indépendance, n’ont pas respecté leurs engagements des clauses de « Lancaster House », qui garantissaient l’accès des fermes agricoles aux populations noires contre l’indemnisation des fermiers blancs qui possédaient la quasi-totalité des terres arables du pays et les moyens de production. Ainsi, faute de n’avoir pas financé ces indemnisations, Robert Mugabe aurait été obligé de les nationaliser pour les distribuer aux fermiers blancs.
D’où l’extrême diabolisation du dignitaire zimbabwéen par les dirigeants occidentaux et l’embargo économique imposé sur le pays depuis des décennies. Toutes choses qui contribueront à faire crouler l’économie du pays. Ainsi le Zimbabwe qui était le grenier de l’Afrique australe à l’indépendance se trouve être aujourd’hui le premier importateur de céréales de la sous-région. Pis, les media occidentaux n’ont cessé de relayer la propagande occidentale qui fait porter le chapeau à Robert Mugabe d’avoir ruiné son pays dont l’économie était florissante et d’avoir violé les droits de l’homme dans son pays.
De sorte que l’éviction de Mugabe et la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, pourrait avoir l’aval des occidentaux qui ont pourtant joué le jeu des condamnations de principe du coup de force et permettre au Zimbabwe de repartir sur de nouvelles bases politiques. Ce qui permettrait naturellement, le retour des multinationales occidentales dans le pays. Un coup de grâce dont le Zimbabwe a certainement besoin pour la relance de son économie qui ne manque pas d’atouts agricoles et miniers (car producteur de diamant et de minéraux de tout genre).
Gaoussou M. Traoré
Robert Mugabe (93 ans) poussé vers la sortie
Les blindés de l’armée cernent, ce mercredi 15 novembre, le palais de Robert Mugabe (93 ans), chef d’Etat de l’ancienne Rhodésie, devenue Zimbabwe.
Robert Mugabe est aujourd’hui le chef d’Etat el plus âgé de la planète. Depuis 1980, ce héros de l’indépendance a mené son pays d’une main de fer. Il a remporté sans coup férir chaque élection présidentielle, notamment contre son éternel challenger et son ancien premier ministre Morgan Tsvangirai, aujourd’hui hospitalisé en Afrique du sud.
Grace Mugabe, l’impossible Régente
Le cacochyme président, âgé de 93 ans, était encore, au début 2017, pressenti par la Zanu-PF pour envisager une dernière candidature, en 2018. De plus en plus affaibli physiquement, ce qui l’a obligé encore récemment à consulter des services médicaux à Singapour, le vieux lion s’est rendu compte que l’élection de juillet 2018 était devenue trop lointaine. Son épouse, l’intrigante et impétueuse Grace Mugabe, 41 ans plus jeune que lui, l’avait compris depuis longtemps.
Réputée pour son ambition démesurée et son goût du luxe qui lui avait valu le surnom de “Gucci”, Grace Mugabe s’était fait remarquée par ses frasques dans des hôtels de luxe comme dernièrement en Afrique du sud où une rixe avec un mannequin a débouché sur une crise diplomatique entre les deux pays.
Ses deux fils ne sont pas en reste dans la chronique des faits divers. Grace Mugabe ne fait pas partie du sérail zimbabwéen, aussi son ambition présidentielle constitue, pour beaucoup, une ultime et inacceptable provocation. Par ses intrigues et son comportement, elle aura gâché la sortie de Robert Mugabe.
L’impossible limogeage de Mnangagwa
Avec le soutien d’une partie de la jeunesse de la Zanu-PF, Grace Mugabe a donc entrepris une double opération de candidature auprès de son mari et du parti. Ayant convaincu Robert Mugabe qu’elle pouvait lui succéder, il ne restait plus qu’à éliminer ses concurrents potentiels, comme le premier vice-président Emmerson Mnangagwa, âgé de 69 ans et autre héros de l’indépendance nationale.
Le limogeage de ce fidèle compagnon de route de Robert Mugabe, le 6 novembre 2017, aura été la faute qu’il ne fallait pas commettre. Très apprécié des caciques de la Zanu-PF, des services de renseignement qu’il a dirigé et des chefs de l’armée qu’il a promu, le “crocodile”, surnom donné à Mnangagwa pour son caractère impitoyable envers ses adversaires, ne pouvait supporter “le manque de loyauté” que Robert Mugabe et surtout son épouse lui reprochaient.
Annoncé en exil au Mozambique, Emmerson Mnangagwa a commencé à régler ses comptes avec Robert et Grace Mugabe. Les officiers généraux de l’armée, avec à leur tête le chef d’Etat-major le général Constantino Chiwenga, ont organisé une démonstration de force, le 14 novembre 2017, pour éliminer ” les criminels qui entourent le président Mugabe”. Certes, ils refusent d’accréditer un éventuel coup d’Etat, mais nul doute que Robert Mugabe et surtout son épouse ne maîtrisent plus la situation.
Fidèle à sa réputation, le “crocodile” Emmerson Mnangagwa ne lâchera pas ses proies.
Par Aza Boukhris, mondafrique.com