Au Zimbabwe, Robert Mugabe est toujours assigné à résidence. L’armée qui s’est déployée dans Harare, et qui encercle les principaux bâtiments officiels, est aussi toujours positionnée autour de la demeure du président, réuni avec sa famille, dont sa femme, Grace Mugabe, l’une des cibles du coup de force des militaires, qui refusent qu’on parle de coup d’Etat. Mais le chef de l’Etat n’entend pas encore céder.
Robert Mugabe s’opposerait à la médiation d’un prêtre catholique, Fidelis Mukonori. Une information recueillie par nos confrères de l’AFP auprès d’une source proche des services de renseignement. Pas plus de précisions sur le contenu de ces discussions. Ce qu’on sait c’est qu’il s’agirait d’organiser une transition politique « en douceur » et sans effusion de sang. Transition qui impliquerait, de fait, la mise à l’écart du chef de l’Etat.
Cet « après-Mugabe » pourrait, en fait, être préparé depuis plus d’un an. Par l’ancien vice-président, Emmerson Mnangagwa, limogé le 6 novembre dernier et par l’opposition. C’est ce que suggèrent des documents émanant des services de renseignement. Documents consultés cette fois par l’agence Reuters.
Autre élément : le retour du chef de l’opposition à Harare, Morgan Tsvangirai, qui était jusqu’à présent soigné à l’étranger pour un cancer. Il a d’ailleurs appelé à la démission du chef de l’Etat. Tout cela alimente les spéculations. Un ancien ministre des Finances s’est même dit prêt à intégrer un gouvernement d’union nationale si l’opposant y participe.
Réunion de la SADC
Pour tenter de calmer le jeu, deux émissaires sud-africains ont été dépêchés sur place. Ils ont atterri jeudi à Harare. Des rencontres sont prévues dans la journée avec le président Mugabe, mais également avec plusieurs responsables militaires. Le Zimbabwe est aussi au menu d’une réunion extraordinaire de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe). Il s’agit d’une réunion de la Troïka, l’organe de sécurité de cette organisation régionale, avec les ministres des Affaires étrangères de l’Angola, de la Tanzanie, de la Zambie ainsi que de l’Afrique du Sud, dont le chef de l’Etat est le président en exercice de la SADEC.
Un tweet ce jeudi matin sur les réseaux sociaux résume assez bien la situation : « La SADC n’a jamais rien fait pour nous, pourquoi elle ferait quelque chose maintenant ? ». De nombreux Zimbabwéens sont déçus et blasés de l’absence de prise de position et de condamnation de la SADC vis-à-vis du Zimbabwe. Notamment, lors des élections de 2013, quand l’opposition zimbabwéenne et la société civile accusaient le gouvernement de fraude, la SADC avait fait la sourde oreille.
Aujourd’hui, aucun des Etats membres ne veut intervenir dans les affaires domestiques d’un pays de peur que cela ne crée un précédent, et surtout pas au Zimbabwe. Le Zimbabwe a toujours été une épine dans le pied des dirigeants de la région. Seul le président namibien, Seretse Ian Khama, a dans le passé appelé le président Robert Mugabe à démissionner.
Au mieux, on s’attend à un communiqué un peu mou où la SADC annoncerait l’envoi d’un médiateur et appellerait à un respect de la Constitution. D’autant plus que l’Afrique du Sud a toujours été très complaisante envers le président Mugabe. Pretoria s’est toujours abstenu de le critiquer malgré les violences électorales du passé, malgré les millions de Zimbabwéens qui ont trouvé refuge en Afrique du Sud. Pretoria voudrait une solution rapide de cette crise, une transition où Robert Mugabe accepterait de démissionner et de laisser la place à son ex-vice-président Emmerson Mnangagwa.
Le bras de fer se joue donc au sommet de l’Etat. L’armée de son côté reste bien silencieuse. Son chef, le général Constantino Chiwenga, ne s’est toujours pas exprimé publiquement.
Des arrestations dans le camp présidentiel
Au sein du camp Mugabe, plusieurs personnes ont été arrêtées. A commencer par le ministre des Finances, Ignatius Chombo. La presse sud-africaine cite également le ministre de l’Education, celui de l’Administration territoriale et plusieurs proches de Grace Mugabe. Autres noms cités cette fois par un important propriétaire de média sud-africain : Paul Chimedza, le ministre de la province de Masvingo et Kudzai Chipanga, à la tête de la ligue des jeunes de la Zanu-PF, le parti au pouvoir. L’objectif de l’armée, on le sait, est d’éliminer les « criminels » dans l’entourage du président. Terme employé jeudi matin par le général Sibusisi Moyo, peu de temps après la prise de contrôle par l’armée de la radiotélévision nationale.
En attendant, pas d’agitation particulière du côté de la population. Le calme règne toujours pour l’instant dans la capitale. Les vendeurs ambulants et les marchés à la sauvette sont en pleine activité au bord des grands axes, et la circulation est dense dans les rues. Il y a des rumeurs bien sûr, mais la population semble avoir décidé de continuer à vivre normalement en attendant de voir quelle sera l’issue des négociations engagée derrière des portes closes. Le sentiment qui se dégage, c’est une certaine résignation, l’idée que l’on verra bien quand il se passera quelque chose.
■ L’UA déclare qu’elle n’acceptera « jamais » le coup d’Etat militaire
Pour l’Union africaine, c’est clair, ce qui se passe au Zimbabwe est un coup d’Etat. Son président en exercice, le Guinéen Alpha Condé, l’a dit ce jeudi à Paris où il est en visite pour une réunion économique.