L’ancien dirigeant yéménite a été tué dans des combats entre ses troupes et des miliciens chiites. Les deux parties ont rompu leur alliance le 2 décembre.
L’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh, 75 ans, dont trente-trois au pouvoir, a été tué lundi 4 décembre par des rebelles houthistes, ses anciens alliés, au sud de la capitale, Sanaa.
« Le ministère de l’intérieur [contrôlé par les houthistes] annonce la fin de la milice de la trahison, et la mort de son chef [Ali Abdallah Saleh], et d’un certain nombre de ses éléments criminels », a déclaré la télévision des houthistes, Al-Massirah, en citant un communiqué. Le chef des houthistes, Abdelmalek Al-Houthi, s’est félicité en soirée de « l’échec du complot ».
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Dans quelles circonstances a-t-il été tué ?
Des photos et des vidéos circulaient lundi sur les réseaux sociaux, montrant un corps ressemblant à celui de M. Saleh. On y voit des miliciens déroulant une couverture, enveloppant le cadavre en criant « Dieu soit loué » et « Hé Ali Affach », l’autre nom de l’ancien président. Sa mort a par la suite été confirmée par une dirigeante de son parti, le Congrès populaire général (CPG). « Il est tombé en martyr », a dit Faïka Al-Sayyed.
Selon elle, l’ancien président et d’autres hauts responsables du CPG ont été la cible de tirs nourris de houthistes, alors qu’ils quittaient Sanaa pour des zones tenues par des forces pro-Saleh. Ali Abdallah Saleh a été tué par balle, ainsi que le secrétaire général du CPG, Arif Al-Zouka, et son adjoint Yasir Al-Awadi.
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Pourquoi les houthistes se sont-ils dits « trahis » par M. Saleh ?
Après s’être longtemps combattus, les miliciens houthistes, soutenus par l’Iran, et le CGP de M. Saleh s’étaient alliés en 2015. Leur but était de faire face à l’intervention militaire d’une coalition conduite par l’Arabie saoudite visant à rétablir au pouvoir le président Abd-Rabbou Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale. Depuis, les deux camps contrôlaient conjointement Sanaa, le gouvernement de M. Hadi s’étant réfugié dans le Sud.
Or, samedi, l’ancien président Saleh avait tendu la main à Riyad, se disant prêt à « tourner la page » de ses relations conflictuelles avec l’Arabie saoudite. Il espérait obtenir en échange une levée du blocus qui étrangle le Yémen et cause la « pire crise humanitaire du monde », selon l’ONU. Les houthistes ont considéré cette initiative comme une « grande trahison », menant à la violente rupture de leur alliance avec M. Saleh, et conduisant à des affrontements meurtriers dans la capitale.
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Quelles conséquences sur la guerre qui ravage le Yémen ?
La mort de l’ancien président, qui survient moins d’une semaine après la rupture de cette alliance, pourrait constituer un tournant dans le conflit qui ensanglante le Yémen, sans pour autant améliorer le sort des civils.
Cette annonce avive les tensions autour de la rivalité entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite, accusé par Riyad de soutenir militairement les rebelles houthistes, ce que la République islamique réfute.
La guerre a fait plus de 8 750 morts depuis mars 2015, date à laquelle la coalition arabe emmenée par l’Arabie saoudite est intervenue militairement en soutien au gouvernement Hadi, qui a succédé à M. Saleh en 2012, à la suite de la révolution de 2011-2012.
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Quelle est la situation sur place ?
Lundi, espérant profiter de l’effondrement de cette alliance, Abd-Rabbou Mansour Hadi a « donné pour ordre à son vice-président, Ali Mohsen al-Ahmar, qui se trouve à Marib (100 km de Sanaa), d’activer la marche (…) vers la capitale », a annoncé un membre de son entourage. Pour tenter d’affaiblir les houthistes, le gouvernement Hadi a également annoncé sa volonté d’accorder une amnistie à tous ceux qui cesseraient de collaborer avec ce groupe rebelle, une main tendue aux pro-Saleh.
Non seulement des affrontements entre rebelles se poursuivaient lundi soir, mais Sanaa a été secouée la nuit précédente par des raids. Les derniers développements font craindre des risques accrus pour la population. La coalition sous commandement saoudien a exhorté lundi les civils à se tenir à « plus de 500 mètres » des zones contrôlées par les houthistes, laissant supposer une intensification des combats.
Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 04.12.2017 à 16h13