Vincent van Gogh s’est-il vraiment suicidé en 1890 à Auvers-sur-Oise (France) ou bien a-t-il été tué ? Deux auteurs américains remettent en cause les circonstances de la mort de l’un des plus célèbres peintres du monde dans une biographie qui vient de paraître.
“La version retenue n’est pas crédible”, assure l’écrivain Gregory White Smith, dans un entretien publié mardi par le quotidien néerlandais NRC Next, au lendemain de la parution aux Etats-Unis et aux Pays-Bas de “Van Gogh ; La vie”. “Pourquoi aurait-il juste à ce moment-là mis fin à ses jours ? Il ne traversait pas la période la plus difficile”, s’interroge de son côté Steven Naifeh, co-auteur de cet ouvrage de près d’un millier de pages. “Pourquoi quelqu’un irait-il peindre alors qu’il prévoit de se suicider ? Cela ne tient pas tout simplement”. Selon les deux Américains, Vincent van Gogh ne serait pas mort en se tirant une balle dans la poitrine à Auvers-sur-Oise, un village d’artistes à une trentaine de kilomètres de Paris. Mais il aurait été tué par deux adolescents, les frères Secrétan, dont l’un avait affirmé que le peintre lui avait volé son pistolet. “C’était soit un accident, soit un acte délibéré”, avait assuré Steven Naifeh dans l’émission “60 minutes” diffusée dimanche par la chaîne de télévision américaine CBS.
Le conservateur du musée Van Gogh à Amsterdam, Leo Jansen, juge cette théorie “intéressante”. “Pour pouvoir croire à cette nouvelle théorie, j’aurais besoin de nouvelles preuves mais c’est très difficile, cela fait tellement longtemps”, reconnaît-il cependant dans un entretien. M. Jansen a eu des contacts réguliers avec les deux auteurs américains, lauréats du prix Pulitzer en 1991 pour leur biographie du peintre Jackson Pollock. “Ils sont venus lire nos documents, travailler sur nos archives, j’ai annoté leur manuscrit”, raconte-t-il. Ann Dumas, conservatrice à la Royal Academy of Arts à Londres et spécialiste du peintre, a elle aussi été consultée : “ils ont même lu les romans que lisait Vincent Van Gogh à l’époque”, dit-elle, jointe par téléphone.
Le 27 juillet 1890, Vincent van Gogh quitte l’auberge Ravoux avec brosses et chevalet. Il revient cinq heures plus tard, blessé, et meurt dans les bras de son frère Theo trente heures après, selon la version officielle relatée par Mme Dumas. Selon le témoignage de la fille de l’aubergiste, âgée de 13 ans à l’époque, Vincent van Gogh aurait répondu “oui” au docteur qui lui demandait s’il s’était suicidé. “Les deux auteurs n’ont pas trouvé de nouveaux faits, ils les ont seulement interprétés différemment”, souligne Leo Jansen. Selon Gregory White Smith et Steven Naifeh, le peintre aurait répondu “oui” pour protéger les frères Secrétan. “Mais pourquoi les protéger alors qu’ils n’arrêtaient pas de l’ennuyer, de le taquiner ?”, s’interroge le conservateur. “Si Vincent van Gogh était mort de vieillesse à 80 ans en 1933, nageant dans la gloire et en possession de ses deux oreilles, il ne serait jamais devenu le mythe qu’il est aujourd’hui”, soulignait mardi le quotidien néerlandais de gauche De Volkskrant dans un éditorial. “Ses psychoses, ses dépressions, ses erreurs et leurs manifestations -une oreille coupée, le suicide- sont davantage une partie intégrante de l’histoire ‘’Vincent van Gogh’’ que les cyprès et les champs de maïs”.