Le président du Vietnam, Nguyen Xuan Phuc, a démissionné, ont annoncé mardi les médias d’Etat, après plusieurs jours de rumeurs faisant état de sa destitution imminente dans le cadre d’une vaste purge anticorruption.
M. Phuc “a présenté sa démission des postes qu’il occupait, quitté son emploi et pris sa retraite”, a indiqué l’agence d’Etat VNA.
Ce départ soudain est très inhabituel au Vietnam où les changements politiques sont généralement orchestrés avec soin par le régime communiste, soucieux de donner une apparence de stabilité.
La démission de M. Phuc “est sans précédent dans l’histoire du parti”, note Nguyen Khac Gianc, chercheur au Centre vietnamien d’études économiques et stratégiques (Vietnam Centre for Economic and Strategic Studies, VESS).
Selon les médias d’Etat, le Parti communiste a estimé que M. Phuc portait la responsabilité d’actes répréhensibles commis par des membres de son gouvernement alors qu’il était Premier ministre, entre 2016 et 2021, avant qu’il n’accède à la présidence.
Selon VNA, citant le communiqué officiel du comité central du parti, M. Phuc “a pris ses responsabilités politiques en tant que dirigeant après que plusieurs hauts fonctionnaires, y compris deux vice-Premiers ministres et trois ministres, ont commis des violations et des manquements, entraînant de très graves conséquences”.
Son départ intervient à la suite du limogeage en janvier par l’Assemblée nationale de deux vice-Premiers ministres, Pham Binh Minh, qui était aussi ministre des Affaires étrangères, et Vu Duc Dam, principal responsable de la lutte contre le Covid-19 au Vietnam.
– Pots-de-vin pour tests PCR –
Au moins une centaine de hauts-fonctionnaires et de dirigeants d’entreprises ont été arrêtés ces derniers mois pour un scandale de distribution de tests de dépistage du Covid.
Un fabricant, la société Viet A Technologies, est accusé d’avoir versé des pots-de-vin à des fonctionnaires du secteur de la Santé afin de permettre la vente de ses tests aux hôpitaux et aux centres de contrôle de la pandémie à des prix exagérés.
Parmi les personnes arrêtées pour ce scandale figurent, outre un assistant de M. Dam, le ministre de la Santé Ngoc Anh et le maire de Hanoï Nguyen Thanh Long en juin 2022.
Un total de 37 autres personnes, en grande partie des diplomates et des policiers, ont par ailleurs été arrêtées dans le cadre d’une autre enquête concernant, elle, une campagne de rapatriements au plus fort de la pandémie.
Après avoir fermé ses frontières début 2020 pour ralentir la propagation du coronavirus, le Vietnam a organisé près de 800 vols charter pour rapatrier des citoyens en provenance de 60 pays.
Mais les voyageurs ont dû faire face à des procédures compliquées tout en payant des tarifs aériens et des frais de quarantaine exorbitants pour rentrer au Vietnam.
Le Vietnam est dirigé par le Parti communiste. A la tête du régime autoritaire se trouvent officiellement le secrétaire général du Parti, le président et le Premier ministre, les principales décisions étant prises par le Politburo, qui compte actuellement 16 membres.
M. Phuc, 68 ans, avait été élevé en 2021 à la fonction largement honorifique de président après avoir reçu des louanges pour sa gestion, jugée globalement efficace, de la pandémie.
Selon Le Hong Hiep, chercheur à l’Institut ISEAS-Yusof Ishak de Singapour, la démission de M. Phuc pourrait également être liée à des luttes intestines au sein du Parti.
“C’est principalement lié aux enquêtes sur la corruption. Mais nous ne pouvons pas exclure la possibilité que ses rivaux politiques aient également voulu le démettre pour des raisons politiques”, a déclaré à l’AFP cet analyste.
Le secrétaire général du Parti, Nguyen Phu Trong, architecte de la plus grande campagne de lutte contre la corruption jamais menée au Vietnam, doit quitter ses fonctions en 2026.
“Certains politiciens vont essayer de décrocher le gros lot”, a expliqué Le Hong Hiep, suggérant que les rivaux politiques de M. Phuc ont voulu se débarrasser de lui “pour dégager la voie à un autre candidat au poste suprême”.
Les candidats incluent To Lam, l’actuel ministre de la Sécurité publique, estime M. Hiep, selon qui le changement ne devrait pas avoir de conséquences significatives pour la politique du pays.
“Au Vietnam, la politique est toujours élaborée collectivement par le bureau politique donc je ne crois pas que son départ conduira à un changement politique majeur ou à un problème quelconque avec le système politique”, a-t-il dit.