Françafrique pas morte. Mardi à Lomé, la capitale du Togo, en marge d’une confrontation entre manifestants et gendarmes togolais, un face-à-face tendu oppose un officier français et un reporter togolais. Le premier exige du second qu’il efface une photo de lui qu’il avait prise : le ton et les menaces évoquent un autre temps supposé révolu.
Une vidéo a été prise de ce face-à-face, et n’est pas avantageuse pour ce colonel français en uniforme, qui se décrit comme conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre togolaise. Il lance sur un ton agressif :
« Tu sais qui je suis ? Je suis le conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre. Tu veux que j’appelle le RCGP [Régiment des commandos de la garde présidentielle, ndlr] pour foutre un peu d’ordre là-dedans ? Alors, je demande d’enlever les photos. Est-ce que c’est compliqué ? »
Epaulé de gendarmes togolais casqués, matraque à la main, l’officier menace le journaliste, Didier Ledoux, bien connu au Togo, portant un gilet avec le mot « presse » écrit en énorme, fourni par les Nations unies. Il lui dit :
« Tu veux qu’on te donne un coup sur l’appareil ou quoi ? »
Un peu plus tard, face aux protestations du journaliste qui proteste qu’il fait son boulot, l’officier lui rétorque « je m’en fous », puis dis à l’un des gendarmes, sur un ton autoritaire : « Tu le mets en tôle ». (Voir la vidéo)
Sur le site du quotidien togolais d’opposition Liberté, auquel collabore Didier Ledoux, un journaliste relate l’incident, et pose une question :
« C’est curieux qu’un officier français formé en France, pays des droits de l’homme, menace de faire venir des éléments de la garde présidentielle pour régler un malentendu qui l’opposait à un journaliste qui ne faisait que son travail. »
L’ambassade de France au Togo a publié un communiqué, affirmant que le véhicule de l’officier, qui se trouvait « fortuitement » à proximité du rassemblement, a été pris à partie par des jets de pierres. Il ajoute :
« Après avoir signalé les faits au détachement de gendarmerie qui se trouvait à proximité, l’officier n’a pas souhaité qu’un photographe fasse une prise de vue. »
Comme ces choses-là sont dites avec modération. Le problème est qu’aujourd’hui il y a la vidéo, il y a YouTube, et que l’on peut y voir un officier français en territoire conquis, arrogant (« Tu sais qui je suis » ? ) et menaçant (« Tu veux un coup sur l’appareil ? » ; « Tu le mets en tôle »), pour un incident de toute évidence mineur. Cinquante ans après les indépendances africaines célébrées en grande pompe cet été sur les Champs-Elysées, ça surprend…
A Paris, le ministère de la Défense nous a fait savoir qu’il ne « se reconnaissait pas » dans l’attitude et les déclarations de cet officier, « qui ne défend pas les valeurs qui sont les nôtres ». Le ministère indique que cet officier devra s’en expliquer avec le journaliste togolais. Bonne nouvelle.
Par Pierre Haski | Rue89 | 11/08/2010 | 14H49