Le premier sommet Etats-Unis/Afrique a connu son épilogue, mais Il est encore trop tôt de tirer le rideau sur ce qui est considéré, par beaucoup, comme unique en son genre tant il suscite – et continue à susciter – de l’optimisme pour « le continent du désespoir (1) ». Le président Barack Obama a annoncé une aide de 33 milliards pour le continent et a promis de s’engager dans la défense et la sécurité pour la lutt contre le terrorisme, un véritable problème d’intérêt puissant.
Après donc les sommets France/Afrique qui n’en finissent pas de révolter plus d’un sur le continent, c’est au tour des Etats-Unis d’organiser un sommet auquel plus d’une quarantaine de chef d’Etats africains ont pris part, avec une importante délégation. Au cours de ce sommet tenu du 5 au 6 août à Washington, trois points essentiels étaient au cœur des discussions, à savoir : commerce et investissements, sécurité, développement démocratique et gouvernance en Afrique.
S’il y a aujourd’hui une analyse qui gagne l’adhésion de nombre d’observateurs avertis ou non, c’est celle qui consiste à dire que ce sommet est d’abord pour le président Obama une manière d’entrer dans la danse de la concurrence avec la Chine, qui, comme chacun le sait, a lancé une véritable offensive économique sur le continent africain, devenant du coup un allié stratégique. Au point que depuis 2009, elle est le premier partenaire commercial de l’Afrique. De plus, elle y construit des routes, finance des universités et des centres sociaux. Cette alliance stratégique avec la Chine a d’ailleurs amené Hilary Clinton en 2012, alors Secrétaire d’Etat américaine, a convaincre les africains de se méfier de la Chine. « Je mets au défi n’importe qui de me montrer sur les 30 millions de km2 du continent africain, l’ombre d’un pont, d’une école ou d’un hôpital construit avec l’aide des USA. Zéro !!! Ça n’existe pas, rien que du bluff. Et même si les Chinois allaient être des médiocres alliés, la triste vérité est qu’en comparant zéro avec n’importe quel autre chiffre positif de l’arithmétique, on n’a pas besoin d’être un marabout pour prédire que rien ne sera jamais pire qu’avant. Après 500 ans de bluff, ils n’ont toujours rien pigé de l’Afrique… », avait alors écrit K.Selim, l’éditorialiste vedette du Quotidien d’Oran.
Il faut relever que les attentes, grandes, des africains vis-à-vis du premier chef d’Etat noir-américain ont été déçues. Les rapports qui existaient entre les USA et le continent n’ont pas bougé d’un iota. Et son voyage au Ghana en 2009 n’avait consisté qu’à dire un discours où la corruption et la répression ont été dénoncées. Alors que les Chinois montaient en puissance sur le continent aux richesses encore largement sous-exploitées. Autant dire que ce sommet n’est rien de moins qu’une réaction à l’offensive chinoise, et aussi de l’Inde et de l’Union Européenne.
Lutter contre le terrorisme
La sécurité est aussi un sujet sur lequel les débats ont porté. Parmi les pays où les groupes infra-étatiques (AQMI, Shebab, Boko Haram, MUJAO, Ansardine…) sont devenus une source profonde d’insécurité, figure le Mali, pays en outre considéré comme le maillon faible de la lutte contre le terrorisme dans le sahel. En effet, il existe un problème sécuritaire dans le sahel. Et ce qu’il faut dire, c’est que ce n’est pas une implication étasunienne qui pourra seulement permettre de le résoudre. En effet, la déstabilisation du Sahel, on le sait, n’est pas née qu’avec l’arrivée des djihadistes ; elle est aussi liée à l’abandon dans laquelle se trouvent les jeunes, sans avenir, de cette région, qui, en réaction contre l’exclusion, empruntent le chemin de la contrebande, des trafiques, et encore plus grave, deviennent des proies pour les djihadistes. C’est donc dire que la gestion de cette zone ne doit pas se limiter à des opérations militaro-policières, mais qu’il faut aussi et surtout lutter contre la misère et l’abandon. Pour cela, il ne fait aucun doute que cette mission incombe d’abord aux pays de la région, les premiers concernés.
Ce n’est un secret pour personne que les Américains et les Européens maintiennent leur domination sur le continent africain à travers des réseaux politico-affairistes, et le FMI et la Banque Mondiale. Si aujourd’hui ce sommet intéresse sur le continent, ce n’est pas parce que ces pays africains veulent qu’on leur impose encore une fois une réduction du budget de la santé ou de l’éducation dont la dernière expérience a donné le résultat que l’on sait. Ils ne veulent non plus recevoir des leçons en matière de bonne gouvernance, sur la démocratie, de « donneurs de leçons » qui publient chaque année des rapports sur les Droits de l’Homme où ils distribuent les bonnes et mauvaises notes aux pays, alors qu’ils sont impuissants face au massacre que subissent les Palestiniens. Ils ne veulent plus voir les américains intervenir, militairement, sur le continent pour tuer un président supposé dictateur…comme on l’a vu avec Kadhafi.
Boubacar Sangaré
L’Afrique, le continent du désespoir, The Economist, 2010