Les Egyptiens ont commencé à voter samedi sur un projet de Constitution défendu par les islamistes au pouvoir et rejeté par l’opposition après des semaines de manifestations rivales ayant culminé en violences parfois meurtrières.
Le référendum se déroulait dans le calme sous l’oeil de l’armée et de la police.
Le président islamiste Mohamed Morsi a été parmi les premiers à déposer son bulletin dans un bureau de vote du Caire proche du palais présidentiel.
Tawadros II, le patriarche de l’Eglise copte, dont la communauté craint d’être marginalisée encore plus depuis l’arrivée au pouvoir des islamistes, a aussi voté.
De nombreux électeurs se sont pressés devant les bureaux de vote au Caire et en province avant même leur ouverture et la consultation a été prolongée de deux heures, jusqu’à 21H00 (19H00 GMT), pour faire face à “la grande affluence”, selon la commission électorale.
L’ambiance était toutefois loin de l’euphorie qui a marqué les scrutins ayant eu lieu après la révolte populaire de début 2011.
Le projet de Constitution vise à doter le pays d’un cadre institutionnel stable, l’ancienne loi fondamentale ayant été suspendue après la chute de Hosni Moubarak. Pour les partisans de M. Morsi, dire “oui” revient à voter “pour la stabilité”.
L’opposition laïque, de gauche et libérale dénonce elle un texte adopté en toute hâte par une commission dominée par les islamistes, qui ouvre selon elle la voie à des interprétations rigoristes de l’islam et offre peu de garanties pour certaines libertés.
Kassem Abdallah, un habitant du quartier de Moqattam, au Caire, dit voter “oui” sans hésitation. Le projet de loi fondamentale “offre des droits et la stabilité”, assure-t-il. Il s’agit de faire en sorte “que le pays revienne à la normale”, explique de son côté Ibrahim Mahmoud, un instituteur.
A l’inverse, Omar Abdel Kader, un enseignant de 60 ans, dit rejeter le texte “car il ne représente pas tous les Egyptiens”. “Je le refuse en raison des pouvoirs accordés au président. Est-ce raisonnable de faire du président un dictateur?”, renchérit Nadia Chokri, 55 ans.
Vote de confiance
Le boycott du référendum par de nombreux juges, dont la supervision est nécessaire pour que le vote soit valide, a forcé les autorités à organiser la consultation sur deux jours à une semaine d’intervalle.
Près de 26 millions de personnes dans 10 gouvernorats, notamment au Caire et à Alexandrie (nord), sont appelées à se rendre aux urnes samedi. Les 17 autres gouvernorats voteront le 22 décembre.
“Si le projet de constitution est approuvé par moins de 60% des votants, il pourrait devenir le centre d’un futur conflit sur la validité du système politique qui en découlera”, a dit à l’AFP Yasser El-Shimy, spécialiste de l’Egypte à l’International Crisis Group.
“Si plus de 60% votent oui, il sera très difficile pour l’opposition de dire qu’elle représente les aspirations du peuple égyptien”, a-t-il ajouté.
Ce référendum est aussi vu comme une forme de vote de confiance pour ou contre M. Morsi, élu à une courte majorité en juin, dans un contexte marqué par une grave crise économique.
Après des semaines de manifestations rivales, des accrochages entre camps rivaux ont fait vendredi quinze blessés à Alexandrie. “La situation est calme (samedi). Nous arrêterons toute personne à l’origine d’émeutes”, a dit le porte-parole des forces de sécurité dans cette ville.
Le 5 décembre, huit personnes ont été tuées dans des accrochages similaires près du palais présidentiel au Caire.
Quelque 120.000 soldats ont été appelés en renfort pour aider les 130.000 policiers chargés d’assurer la protection des opérations de vote. M. Morsi a donné à l’armée le droit d’arrêter des civils jusqu’à l’annonce des résultats définitifs, à une date qui n’a pas encore été annoncée.
A l’étranger, près de 600.000 Egyptiens ont commencé à voter mercredi. Leur vote a été prolongé de deux jours, jusqu’à lundi.