Ukraine : La porte dérobée pour rejoindre l’OTAN ?

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Le 20 mars, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré à un intervieweur de CNN qu’il avait personnellement demandé aux dirigeants des membres de l’OTAN « de dire directement que nous allons vous accepter dans l’OTAN dans un an ou deux ou cinq, dites-le directement et clairement, ou dites simplement non. Et la réponse a été très claire, vous ne serez pas membre de l’OTAN, mais officiellement, les portes resteront ouvertes. » Lorsque Zelensky a récemment renouvelé sa demande d’adhésion à l’OTAN, le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan a répondu en balayant du revers de la main que la demande de l’Ukraine « devrait être examinée à un autre moment. » La porte de l’adhésion à l’OTAN est restée fermée à l’Ukraine.

L’adhésion à l’OTAN n’a pas toujours été monolithique. Il existe une histoire de permissivité pour des adhésions nuancées. L’Allemagne de l’Est est entrée dans l’OTAN en limitant les forces étrangères et les armes nucléaires sur son territoire. Le Danemark, la Norvège et l’Islande ont accédé à l’OTAN tout en limitant ou en refusant les armes nucléaires, les bases et même certaines activités militaires sur leur territoire. L’Espagne est devenue membre en 1982 mais a refusé de s’intégrer pleinement à l’OTAN sur le plan militaire jusqu’en 1999. Et la France s’est retirée du commandement militaire intégré de l’OTAN en 1966 pendant des décennies tout en conservant son statut de membre à part entière.

Les États-Unis et l’OTAN ont envisagé, mais rejeté, l’idée d’admettre des pays d’Europe de l’Est tout en leur accordant une protection inférieure à celle de l’article 5. Ils ont rejeté l’idée à l’époque, mais ils semblent l’avoir ressuscitée aujourd’hui.

L’OTAN a refusé l’adhésion de plein droit à l’Ukraine, mais elle lui a accordé une sorte d’adhésion de facto, comme l’a récemment déclaré Zelensky.

Une raison importante de fermer la porte à l’adhésion est que l’adhésion de l’Ukraine pourrait immédiatement déclencher l’article 5, qui promet que « une attaque armée contre l’un ou plusieurs d’entre eux […] sera considérée comme une attaque contre tous », et conduire à une guerre de l’OTAN contre la Russie et, potentiellement, à une troisième guerre mondiale.

Mais l’apparente porte dérobée semble laisser l’Ukraine entrer dans l’OTAN, mais sans l’article 5. Comme le dit Zelensky, l’Ukraine semble, de facto, être membre à tous les autres égards. Plusieurs événements récents l’ont montré très clairement.

Depuis le début de la guerre, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN fournissent les armes, entraînent les soldats ukrainiens à les utiliser et fournissent les renseignements sur les cibles à viser. La fourniture d’armes s’est étendue au fur et à mesure que la guerre s’est prolongée pour inclure toute pièce d’armement sophistiquée au fur et à mesure de ses besoins : même des systèmes de missiles à longue portée capables d’atteindre le territoire russe.

Mais les États-Unis n’ont pas seulement fourni les armes. Ils en assurent secrètement la maintenance. En septembre, il a été révélé que des troupes américaines expertes aidaient à distance les Ukrainiens à réparer et à entretenir toutes sortes d’armes, des obusiers aux lanceurs Javelin et aux lance-missiles HIMARS à longue portée, par le biais de chats numériques cryptés.

Les États-Unis et l’OTAN ont également étendu la formation. Les États-Unis ont formé les troupes ukrainiennes en Pologne et dans des installations militaires américaines en Allemagne. Les pays de l’OTAN ont même des formateurs sur le terrain en Ukraine. Du personnel de la CIA ainsi que des commandos du Royaume-Uni, de la France et du Canada se trouvent en Ukraine pour former et conseiller les troupes ukrainiennes.

Le 17 octobre, l’Union européenne a approuvé un plan de 104 millions de dollars pour former 15 000 soldats ukrainiens en Pologne et en Allemagne. La Belgique et la France participeront également à cette mission de formation.

Les États-Unis ne se contentent pas de fournir et d’entretenir les armes et d’assurer la formation, ils s’impliquent de plus en plus dans la planification de la guerre. Les États-Unis fournissent « un nombre accru de renseignements sur la position des forces russes, mettant en évidence les faiblesses des lignes russes ». Au cours de la récente contre-offensive ukrainienne, les États-Unis ont essentiellement pris en charge la planification, en menant des jeux de guerre et en « suggérant quelles options étaient susceptibles d’être plus efficaces ».

Et de manière plus apparente et provocante, l’OTAN a annoncé en octobre un plan décennal qui concrétiserait la vision de Zelensky selon laquelle l’Ukraine serait un membre de facto de l’OTAN. Le plan fournira une formation et des équipements qui rendront « l’Ukraine totalement interopérable avec l’OTAN », a déclaré un haut responsable de l’OTAN. « Le plan permettra aux militaires ukrainiens d’abandonner l’équipement soviétique… au profit d’un équipement occidental compatible avec l’OTAN. » Ce projet, qui durera dix ans, « pourrait finalement transformer l’Ukraine en un pays de l’OTAN par défaut, même si elle n’est pas membre de l’alliance », selon l’article de Politico qui a fait état du plan.

Et c’est la porte dérobée vers l’OTAN.

En défendant l’Ukraine contre l’invasion russe, les États-Unis ont étendu leur rôle jusqu’aux limites d’une guerre par procuration. Les États-Unis et l’OTAN fournissent et entretiennent les armes, assurent la formation, fournissent les renseignements sur les cibles et la stratégie et intègrent l’Ukraine dans l’OTAN. Les États-Unis fournissent tout, sauf les recrues qui utilisent les armes : l’OTAN mène une guerre contre la Russie, avec des Ukrainiens et des Ukrainiennes comme recrues. C’est le prix de l’admission de l’Ukraine à la porte de l’OTAN.

Ted Snider est diplômé en philosophie et écrit sur l’analyse des tendances de la politique étrangère et de l’histoire des États-Unis.

Source : antiwar.com, Ted Snider, 24-10-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Via: https://www.les-crises.fr/

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