Turquie : une holding proche du mouvement Gülen placée sous tutelle

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Le groupe Kaynak, dont le chiffre d’affaires annuel atteint 1,5 milliards de dollars, a vu 19 de ses 30 sociétés placées sous tutelle par la justice turque. La holding est formellement accusée de financer le mouvement Gülen. C’est un nouveau coup porté à la liberté d’entreprendre après la confiscation du groupe Koza Ipek.

Des compagnies d’assurance, des sociétés de commerce, de tourisme, de logistique, des maisons d’édition, etc. 19 sociétés, une fondation et une association liées au groupe Kaynak ont été placées sous tutelle par la justice turque plongeant 8000 salariés dans l’incertitude. Quelques semaines après la confiscation si décriée du groupe Koza Ipek (les chaînes de télévision avaient été fermées en direct), c’est à la holding Kaynak, réputée proche du mouvement Fethullah Gülen, de s’attirer les foudres de la justice et indirectement du pouvoir turc.

Une nouvelle déclinaison de la vendetta personnelle d’Erdogan

Le 10e juge de paix du tribunal d’Istanbul, Ali Arslan Giritli, a estimé que les administrateurs devraient directement prendre le contrôle de l’entreprise et non se contenter de surveiller sa gestion. Sept personnes ont ainsi été nommées pour entraver le «financement de l’organisation terroriste guleniste (FETÖ)».

La société est en effet accusée de fournir des fonds et des armes à cette organisation qualifiée de FETÖ en référence à Fethullah Gülen, cet imam qui vit en Pennsylvanie aux Etats-Unis et qui est devenu l’ennemi public numéro 1 du président de la République turc Tayyip Erdogan. Celui-ci lui reproche d’avoir mis en place une «structure parallèle» chargée d’infiltrer la haute fonction publique pour le renverser. L’homme fort du pays mène en réalité une véritable vendetta contre ce mouvement civil d’inspiration religieuse qu’il accuse d’avoir étalé sur la place publique des affaires de corruption éclaboussant son entourage le plus proche.

Des administrateurs aux profils louches

Escortés par 200 policiers et des canons à eau, les nouveaux dirigeants, qui recevront un salaire de 105 000 livres turques (soit environ 35 000 euros), ont immédiatement pris leur fonction en attribuant la présidence du conseil d’administration à Imran Okumus et la vice-présidence à Aytekin Karahan. Deux figures controversées.

La presse a diffusé une photographie du premier en compagnie du très controversé Babek Zencani, un homme d’affaires iranien jugé dans son pays pour détournement de fonds et corruption. Il est également connu en Turquie pour être l’associé de Reza Zarrab, le personnage principal des affaires de corruption qui ont touché les ministres de Tayyip Erdogan en décembre 2013.

Le second est toujours jugé pour prévarication dans une affaire qui remonte à 2012, selon le journal Cumhuriyet.

Au-delà de la personnalité des administrateurs, c’est leur compétence qui interroge. On se rappelle que les ventes du journal Bugün s’étaient effondrées de 100 000 à 5000 en l’espace d’une semaine après qu’il a été transféré aux nouveaux gestionnaires. Des centaines de salariés avaient été congédiés dans la foulée alors que les nouveaux administrateurs s’octroyaient un traitement confortable.

L’opposition a dénoncé un «pillage». Eren Erdem, député CHP d’Istanbul, a estimé que la seule mission des tuteurs était de provoquer la faillite du groupe. Dogan Cansizlar, l’ancien président du conseil du marché financier, a dénoncé une «confiscation». «C’est une menace envers les autres ce qui peut pousser les entrepreneurs à plus de prudence» et risquer ainsi de briser la confiance des investisseurs. Le professeur Mehmet Altan, un économiste libéral qui soutenait Erdogan dans ses débuts avant d’en devenir un des plus fervents opposants, a parlé, lui, d’«injustices dignes de pratiques fascistes que la Turquie n’a jamais connues même au temps des coups d’Etat».

Ebruca Africa Mali

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