Tunis – Les autorités tunisiennes ont poursuivi jeudi leur coup de filet anticorruption en procédant à trois nouvelles arrestations pour “contrebande” dans les régions de Mahdia et Kasserine, a annoncé à l’AFP un haut responsable.
Des organisations de la société civile ont par ailleurs organisé une conférence de presse pour attirer l’attention du gouvernement sur un grand projet de marina en banlieue de Tunis, selon elles entaché de corruption.
D’après un haut responsable s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, huit personnes ont au total été arrêtées depuis mardi dans le cadre d’une campagne qui a fait sensation.
Les frères Adel et Fathi Jnayeh ont été interpellés jeudi à Mahdia (centre-est) et Ali Griri à Kasserine, une région défavorisée située à proximité de la frontière algérienne, selon la même source. Quatre autres interpellations sont “en cours”, a-t-il ajouté.
Le chef du gouvernement Youssef Chahed a affirmé mercredi que la Tunisie était “en guerre contre la corruption” après l’arrestation de plusieurs hommes d’affaires, un coup de filet qui fait espérer à beaucoup une opération “Mains propres”, six ans après la chute de la dictature.
Ces interpellations sont effectuées en vertu de l’état d’urgence en vigueur dans le pays depuis plus d’un an et demi.
Parmi elles, les quatre hommes interpellés mardi soir -le richissime Chafik Jarraya, l’ex-candidat à la présidence Yassine Chennoufi, l’homme d’affaires Nejib Ben Ismaïl et le gradé de la Douane Ridha Ayari- ont été placés en résidence surveillée pour être interrogés au secret.
Ils “sont impliqués dans des affaires de corruption et soupçonnés de complot contre la sûreté de l’Etat”, notamment pour “incitation et financement présumés de mouvements de protestation, à El-Kamour et dans d’autres régions”, selon le haut responsable.
Aller de l’avant
Le site désertique d’El-Kamour, dans la région de Tataouine (sud), est le théâtre depuis des semaines d’un sit-in qui a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre. Lundi, un jeune manifestant est mort écrasé par un véhicule de la gendarmerie, provoquant une flambée de violences.
Les réactions au coup de filet anticorruption ont été plutôt positives, et le Premier ministre a reçu jeudi le soutien du chef de l’Etat Béji Caïd Essebsi.
M. Essebsi “a souligné la nécessité d’aller en avant” et “de mobiliser tous les moyens juridiques et matériels pour cela”, selon un communiqué de la présidence.
“Il ne faut pas que (Youssef) Chahed fasse marche arrière” car ce fléau “a pris des dimensions qui menacent l’Etat”, a commenté sur Mosaïque FM le chef de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, Chawki Tabib.
En matinée, le collectif citoyen “Manich Msamah” et le réseau Doustourna ont attiré l’attention sur un projet de marina lancé en 2007 sous la dictature de Zine El Abidine Ben Ali et, selon eux, largement entaché de corruption.
Un terrain appartenant à l’Etat et partie intégrante de la forêt de Gammarth, “un des poumons de Tunis”, a été “déclassé” pour être vendu à un prix symbolique à une entreprise privée, a dit le constitutionnaliste Jaouhar Ben Mbarek (Doustourna).
Le mètre carré a été vendu très largement en-dessous des prix du marché de l’époque, a-t-il ajouté. Seule la construction d’un port et de ses dépendances était prévue mais 249 villas de luxe ont aussi été bâties, a-t-il encore avancé.
M. Ben Mbarek a dénoncé “les complicités” de nombreux responsables sous Ben Ali, mais aussi depuis la révolution de 2011, qui ont selon lui tenté de “couvrir” le scandale.
“Dans le cadre de la campagne de (Youssef) Chahed, que je ne peux que soutenir, je lui dis que nous y participons aussi, et qu’il faut qu’il examine ce dossier modèle”, a renchéri l’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek.
(©AFP / 25 mai 2017 17h08)