ANALYSE. L’abstention atteint 54 % au premier tour de la présidentielle. Un nouveau coup de semonce après les 66 % enregistrés aux municipales de 2018 avec en prime deux candidats atypiques qualifiés au second tour.
Aux sceptiques de l’enracinement démocratique, la soirée électorale aura administré une leçon. Depuis plusieurs années, le mécontentement économique et social était constant en Tunisie. Alors, comme on le fait dans une démocratie, les électeurs ont sorti les sortants. Logique. Depuis plusieurs années, les Tunisiens étaient écœurés par le spectacle des guéguerres politiques entre les Essebsi et Youssef Chahed. Les deux clans ont enregistré de sérieux revers dans les urnes. Selon les sondages sorties des urnes, Abdelkarim Zbidi soutenu par Nidaa Tounes arrive en quatrième position avec 9 %. Quant au chef du gouvernement, il termine cinquième avec 7,5 % des voix. Il a fait porter les raisons de sa défaite à « l’émiettement du camp démocrate ». Classique un soir de défaite. Beaucoup plus grave que l’amertume des battus, c’est le message qui vient de s’exprimer pour la seconde fois en dix-huit mois. Premier séisme : le choix des deux duettistes du second tour. Les représentants des partis au pouvoir sont balayés. Le duel Karoui-Saied était prévu depuis le mois de mai par les sondages. Le premier est en prison depuis le 23 août sans avoir été jugé. Le second n’a pas de parti et n’en veut pas. Second séisme : l’abstention est le premier parti du pays. Quatre millions de Tunisiens ont boudé les urnes hier.
« Sortez de chez vous et allez voter ! »
Il est 17 heures dimanche lorsque le placide Nabil Baffoun, président de l’ISIE, l’instance électorale, profite d’un point presse pour exhorter les populations à aller voter : « Il reste une heure avant la fermeture des bureaux de vote, jeunes Tunisiens, femmes de Tunisie, hommes de Tunisie, il ne reste qu’une heure, sortez de chez vous et aller voter ! » Le membre d’une ONG traduit : « Ça sent la panique. » Solennel, Baffoun poursuit son appel à la mobilisation générale, mettant les électeurs face à leurs responsabilités historiques : « Il s’agit d’un droit pour lequel il y a eu la révolution en 2011, ne faisons pas avorter notre révolution. » Le taux de participation était alors de 35 %. Il grimpera à 45,2 %, vingt points de moins qu’à la présidentielle de 2014.