Les électeurs devaient départager 11.686 candidats, répartis sur 1.517 listes, présentées par 80 partis et des “indépendants” (40%).
Les Tunisiens se sont massivement mobilisés hier pour la première élection libre de l’histoire de leur pays, votant avec calme et émotion pour élire une assemblée constituante, neuf mois après la révolution qui a chassé Ben Ali et donné le coup d’envoi du printemps arabe. Le taux de participation s’approche de 70%, a indiqué le président de la Commission électorale indépendante, Kamel Jendoubi, deux heures avant la fin du scrutin, prévue à 19H00 (18H00 GMT). “La moyenne nationale s’approche de 70%. Le nombre des gens qui ont voté a dépassé 80% dans quelques circonscriptions”, a déclaré Jendoubi lors d’une conférence de presse, précisant que le vote “continuait de manière constante”. Ouverts à partir de 07H00 (06H00 GMT), les bureaux n’ont pas désempli. Dès le matin, de longues queues s’étaient constituées devant les centres de vote, et dès la mi-journée, Jendoubi se félicitait d’une affluence “dépassant toutes les attentes”.
Appelés pour la première fois de leur histoire à un scrutin libre et pluraliste, les Tunisiens se sont acquittés de leur devoir électoral dans le calme, et avec une grande fierté dans la capitale comme dans les villes de province. “En ce jour, je vote en pensant à mon mari qui a donné sa vie à notre chère patrie, à notre liberté”, déclarait en pleurs Rabia Dalhoumi, veuve d’un des 22 “martyrs” tués à Kasserine, ville qui a payé le plus lourd tribut pendant la révolution, partie de cette région déshéritée du centre-ouest du pays. Malgré un mal de jambe tenace, Abdallah Zidi, 66 ans a tenu à faire la queue devant le bureau de vote de la Cité olympique à Tunis. En fin d’après-midi, ni l’Isie ni les observateurs internationaux n’avaient constaté de dysfonctionnement majeur. “Aucune irrégularité majeure, mais des retards dus à la difficulté pour certains électeurs de trouver leur bureau de vote” a déclaré Michael Gaelher, le chef de la mission d’observation de l’Union européenne. Pour sa part, Kamel Jendoubi a fait état de certaines “irrégularités”, citant notamment des “pressions sur les électeurs analphabètes” et des “SMS envoyés pour influencer le vote”, sans nommer aucun parti.
“Le peuple tunisien va construire une vraie démocratie”, a assuré pour sa part le président intérimaire Fouad Mebazaa en votant à Carthage, au nord de Tunis. Les principaux responsables et chefs de partis tunisiens ont voté dans la matinée. Rached Ghannouchi a commencé à se diriger vers l’entrée du bureau, avant d’être rappelé à l’ordre par la foule : “La queue ! La queue ! La démocratie commence par là !”. “Cette affluence démontre la soif du peuple pour la démocratie”, a déclaré Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahda, favori de l’élection, en votant à El Menzah, à Tunis. Plus de 7 millions d’électeurs étaient appelés à élire les 217 membres d’une assemblée constituante qui devra rédiger une nouvelle constitution et désigner un exécutif, lequel gouvernera jusqu’aux prochaines élections générales. Les électeurs doivent départager 11.686 candidats, répartis sur 1.517 listes, présentées par 80 partis et des “indépendants” (40%). Alors que la parité est obligatoire, les femmes ne sont que 7% à mener des listes. Le scrutin est sécurisé par quelque 42.000 militaires et policiers, et scruté par plus de 13.500 observateurs locaux et internationaux. Les premiers résultats devaient tomber dans la nuit. L’Isie annoncera normalement les résultats définitifs cet après-midi.