Donald Trump a prêté serment lundi pour un second mandat à la Maison blanche, ouvrant une ère de bouleversements alors qu’il a promis d’élargir les prérogatives de l’exécutif, d’expulser des millions d’immigrés, de se venger de ses “ennemis politiques” et de transformer le rôle des Etats-Unis sur la scène mondiale.
Placée sous haute sécurité, la cérémonie d’investiture qui s’est tenue sous la rotonde du Capitole en raison du froid polaire à Washington a consacré le retour triomphal de l’ancien magnat de l’immobilier, qui a réchappé à deux procédures de destitution (“impeachment”) lors de son premier mandat, à des poursuites en justice pour ses tentatives de faire annuler sa défaite électorale de 2020 et, l’an dernier durant la campagne, à deux tentatives d’assassinat.
Sans attendre le discours que Donald Trump devait prononcer après sa prestation de serment, ses conseillers ont détaillé une série de décrets qu’il signera après sa prise de fonction, dont dix axés sur la sécurité des frontières et l’immigration, sa priorité.
Le 47e président des Etats-Unis compte déclarer l’état d’urgence national à la frontière avec le Mexique, déployer des troupes dans la zone et réimposer l’obligation faite aux demandeurs d’asile d’attendre au Mexique leurs dates d’audience aux Etats-Unis, a déclaré un responsable de la prochaine administration à des journalistes.
Donald Trump entend rétablir la peine de mort fédérale, que Joe Biden avait suspendue, et exiger que les documents officiels américains comme les passeports reflètent le sexe biologique des citoyens tel qu’attribué à la naissance.
Il paraphera également un décret mettant fin aux initiatives fédérales de diversité, d’égalité et d’inclusion. “Une vague de changement déferle sur le pays”, devait déclarer Donald Trump dans son discours d’investiture, selon des extraits consultés par Reuters, invitant à une “révolution du bon sens”.
LE CAPITOLE SOUS HAUTE SURVEILLANCE
Pour la première fois en quatre décennies, la cérémonie s’est déroulée en intérieur au Capitole, le symbole de la démocratie américaine qu’une foule de partisans de Donald Trump avait envahi le 6 janvier 2021 pour tenter d’empêcher les élus du Congrès de certifier la victoire électorale du démocrate Joe Biden deux mois plus tôt.
Le président élu et la prochaine première dame, Melania Trump, ont entamé ce marathon à l’église épiscopale St. John’s de Washington. Ils ont été rejoints par plusieurs patrons du secteur technologique – dont Elon Musk, qui a dépensé plus de 250 millions de dollars pour la campagne de Donald Trump, Jeff Bezos (Amazon) et Mark Zuckerberg (Meta). Sundar Pichai (Alphabet) et Tim Cook (Apple) ont aussi assisté à la cérémonie d’investiture, comme le Français Bernard Arnault (LVMH).
A quelques heures de l’investiture, le président sortant Joe Biden a accordé des grâces préventives à des membres de sa famille, à d’ex-membres de son administration et à des élus ayant siégé au sein de la commission d’enquête sur l’assaut du Capitole, ainsi qu’à des policiers qui ont témoigné devant cette instance.
Donald Trump, premier président des Etats-Unis depuis le XIXe siècle à parvenir à revenir à la Maison blanche après avoir perdu une campagne de réélection, a promis par le passé de gracier “dès le premier jour” de son mandat la plupart des quelque 1.500 personnes inculpées pour leur participation à l’insurrection au Capitole.
Comme ce fut déjà le cas en janvier 2017, l’entrée de Donald Trump à la Maison blanche s’accompagne d’un souffle disruptif, alors qu’il a promis de refondre l’administration fédérale et a exprimé un profond scepticisme à l’égard d’alliances post-Deuxième Guerre mondiale chapeautées par les Etats-Unis.
“MOMENT EXISTENTIEL”
Donald Trump est d’autant plus galvanisé qu’il a remporté le vote populaire lors du scrutin de novembre dernier, ayant devancé Kamala Harris de plus de 2 millions de voix en surfant sur le mécontentement des électeurs à propos de l’inflation.
L’époque actuelle est comparable à la fin du XIXe siècle, selon Jeremi Suri, historien à l’université du Texas à Austin, quand Grover Cleveland est devenu le seul autre président à remporter des mandats non-consécutifs à la Maison blanche.
A l’époque, comme maintenant, a-t-il déclaré, ce fut une ère de bouleversements, dans un contexte de progrès industriels, d’explosion des inégalités sociales et avec une proportion d’immigrés américains à un pic historique.
“Ce dont il s’agit, c’est d’une économie fondamentalement différente, d’un pays fondamentalement différent sur les questions raciales et de genre et de composition sociale”, a-t-il poursuivi. “En tant que pays, nous peinons à comprendre ce que cela signifie. C’est un moment existentiel”.
Donald Trump va pouvoir s’appuyer sur la majorité dont disposent les républicains dans les deux chambres du Congrès.
Sans attendre son investiture, Donald Trump avait mis sur pied un centre de pouvoir alternatif. Il a rencontré des dirigeants mondiaux et provoqué consternation et craintes en exprimant sa volonté de saisir le canal de Panama, de prendre le contrôle du Groenland – territoire sous le giron du Danemark, allié des Etats-Unis à l’Otan – et d’imposer de lourds droits de douane aux principaux partenaires commerciaux de Washington.
L’influence du républicain a déjà été mise en exergue la semaine dernière avec l’annonce de la conclusion d’un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas.
Donald Trump, qui n’avait eu de cesse de réclamer un accord pour la libération des otages détenus à Gaza sous peine d'”un enfer” au Proche-Orient, a également promis durant la campagne qu’il mettrait fin dès son premier jour de mandat à la guerre en Ukraine. Toutefois des conseillers du président-élu ont reconnu que tout accord de paix nécessiterait plusieurs mois pour aboutir.
(Reportage Joseph Ax, avec la contribution de Steve Holland et Tim Reid; version française Jean Terzian et Tangi Salaün, édité par Kate Entringer et Sophie Louet)