Selon le nouveau texte, qui fait passer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire, le président sera désormais choisi «sans débat» par le Parlement.
Dans les rues de Lomé, la capitale togolaise, la nouvelle constitution adoptée lundi par l’assemblée nationale occupe toutes les conversations et divise les Togolais qui s’apprêtent à élire leurs nouveaux députés le 20 avril.
«Je suis contre cette révision constitutionnelle. Ils auraient dû passer par une consultation nationale pour avoir l’avis de la population. C’est un coup de force constitutionnelle», dénonce Claude Vivor, photographe rencontré par l’AFP dans les rues de Lomé.
Selon le nouveau texte, qui fait passer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire, le président sera désormais choisi «sans débat» par le Parlement réuni en congrès «pour un mandat unique de six ans», d’après le nouveau texte adopté à l’Assemblée nationale avec 89 voix pour, une contre et une abstention.
Cette nouvelle constitution introduit également un poste de «président du Conseil des ministres» ayant la «pleine autorité et le pouvoir de gérer les affaires du gouvernement» pour un mandat de six ans dont on ne sait pas encore s’il sera reconductible ou non.
Ce dernier point fait craindre à l’opposition et à un parti des Togolais que la réforme ne permette à l’actuel président Faure Gnassingbé de rester au pouvoir indéfiniment.
«Cela veut dire que nous n’allons plus élire le président de la République comme nous le faisons. C’est une technique pour maintenir le président Faure Gnassingbé au pouvoir», estime d’un air mi-inquiet, mi-désapprobateur Yaovi Baka. , conducteur de taxi-moto présenté par l’AFP au bord d’une route à Adidogomé, l’un des quartiers populaires de la capitale togolaise.
«C’est le peuple qui élit le président, ainsi les choses iront clairement», abonde Richard Comlan, également conducteur de taxi-moto, en s’exprimant en langue mina, parlée dans le sud du pays.
Ce nouveau texte doit agir l’entrée du Togo dans sa Ve République, le dernier grand changement constitutionnel remontant à 1992. Elle intervient à moins d’un mois des élections législatives, qui doivent se tenir le 20 avril en même temps que les élections régionales , auxquelles l’opposition a annoncé participer.
«Manque de pédagogie»
Afi Xolali Pascaline Dangbuie, qui tient une boutique d’alimentation et préside le Réseau des Associations du Marché d’Adidogomé Assiyéyé (RAMAA), voit les choses autrement.
«J’approuve le texte de révision constitutionnelle adopté par les députés. Nous autres électeurs, donnerons le pouvoir aux députés d’élire le président de la République. Nous avons remarqué qu’à chaque élection présidentielle, il y a de fortes tensions dans le pays. En plus, les dépenses engagées sont énormes. Ces fonds peuvent servir à faire autre chose au profit de la population», espère-t-elle devant son étal.
Au Togo, toutes les élections présidentielles organisées depuis l’avènement de la démocratie en 1990 ont été contestées par l’opposition, avec des vagues de violences notamment lors du scrutin présidentiel d’avril 2005.
Les estimations varient de 105 morts, selon une association proche du pouvoir, à 811 tués selon l’opposition. L’ONU a de son côté valorise à l’époque qu’il y avait eu « entre 400 et 500 morts ».
«La plupart des crises enregistrées dans le pays sont liées à l’élection du président de la République. Cette révision constitutionnelle qui fait basculer le pays dans le régime parlementaire est une bonne chose parce que nous avons fait l’expérience d’un régime présidentiel. au cours des 60 dernières années et nous savons ce que cela a donné», relève Samir Ouro Sama, juriste.
«Je pense qu’il fallait trouver un mécanisme qui pourrait nous permettre d’expérimenter quelque chose de nouveau. Mais je constate qu’il ya un manque de pédagogie en amont de cette réforme», ajoute-t-il.
En 2019, les députés avaient déjà révisé la Constitution pour limiter à deux les mandats présidentiels, tout en remettant les compteurs à zéro pour le président Faure Gnassingbé.
Ce dernier, au pouvoir depuis 2005, a succédé à son père, Eyadéma Gnassingbé, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant près de 38 ans.