Syrie : Poutine seul maître de l’arrêt des bombardements chimiques d’Assad

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Le président russe Vladimir Poutine. © AFP/ Grigoriy Sisoev

Et si le président russe faisait, dans la nuit de mardi à mercredi lors d’un vote à l’Onu, ce que Barack Obama a manqué en reculant devant la force à l’été 2013.

C’était il y a exactement trois ans. Comme le racontent Fabrice Lhomme et Gérard Davet dans un document, en principe, strictement confidentiel publié par Le Monde(dont la divulgation a d’ailleurs provoqué une polémique) : dans la nuit du 30 août 2013, Barack Obama a brutalement laissé tomber François Hollande , alors que leurs deux pays s’apprêtaient à bombarder les centres de commandement et les stocks d’armes chimiques de la Syrie. Une opération décidée quelques jours plus tôt, après que le régime syrien a fait des centaines de morts civils dans la banlieue de La Goutha à Damas.

La « ligne rouge », clairement tracée par le président des États-Unis sur l’usage des armes chimiques, avait pourtant été franchie, ce 21 août, par le dictateur syrien. Mais les Rafale français en alerte sur la base d’Abu Dhabi, et déjà armés de leurs missiles Scalp, ne décolleront pas cette nuit-là. Ni les suivantes. Obama a décidé de faire confiance à la diplomatie pour arrêter le bras de Bachar el-Assad.

Des hélicoptères larguant des barils de chlorine

Funeste crédulité. Trois ans après, un rapport des Nations unies et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques a conclu que les forces syriennes, loin d’avoir renoncé, se sont rendues coupables de l’utilisation de gaz toxiques à deux reprises au moins, en 2014 et 2015, sur deux villages de la province d’Idlib. Plus récemment encore, mais les enquêteurs n’ont pas eu le temps de se rendre sur place, des bombardements semblables ont eu lieu dans une banlieue d’Alep, pour empêcher une tentative désespérée des rebelles au régime, de briser le siège que subit depuis plusieurs années la deuxième ville de Syrie. Dans chaque situation les attaques ont été faites par des hélicoptères larguant des barils de chlorine. Dans chaque cas, les bombardements ont fait des dizaines de victimes, morts dans d’atroces convulsions provoquées par les gaz toxiques.

Un débat est prévu ce 30 août au Conseil de sécurité sur le compte rendu des experts. La Russie, qui avait accepté le travail de la commission d’enquête, n’a rien fait connaître de ses intentions sur les suites à donner à ce rapport. La plupart des autres membres du Conseil se sont déjà prononcés. Les États-Unis appellent « tous les États à soutenir une action ferme et rapide du Conseil de sécurité ». Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, condamne « une abomination qui met en lumière le rôle accablant joué par le régime syrien et demande une réaction à la hauteur de sa gravité ».

Pourtant, il n’est pas sûr que la Russie accepte, même dans ce cas extrême, de condamner l’allié qui lui doit jusqu’à présent sa survie. Il est probable qu’elle mette son veto à toute condamnation et surtout à toute sanction du Conseil de sécurité.

Poutine pourrait pourtant, trois ans après un cafouillage majeur des Occidentaux, se donner le rôle de celui qui, après avoir été l’intermédiaire d’un premier accord – incomplet – sur la destruction des armes chimiques, réussirait sur le tapis vert de l’ONU à empêcher ce qu’Obama n’a pas su faire en 2013 : une véritable éradication des armes sales que le dictateur syrien continue à utiliser en narguant la communauté internationale. Poutine sera-t-il tenté de se donner ce beau rôle ou les pesanteurs des intérêts stratégiques de la Russie l’emporteront-elles ?

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Publié le 30/08/2016 à 11:05 | Le Point.fr

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5 COMMENTAIRES

  1. Directeur général de l’Agence internationale de l’Energie atomique lors de la guerre contre Saddam Hussein – qu’il a refusé de justifier – et ordonnateur du confinement de Tchernobyl, le diplomate et juriste suédois Hans Blix tient pour improbable que le régime de la famille Assad soit à l’origine d’une utilisation de gaz innervant contre des populations civiles dans la grande banlieue de Damas.
    http://reseauinternational.net/hans-blix-juge-improbable-lutilisation-darmes-chimiques-par-le-regime-syrien/

  2. Interviewé par la chaîne Russia Today sur l’utilisation des armes chimiques en Syrie (et par qui ?), Michel Collon expose brièvement les 5 principes de la propagande de guerre, qui permettent à chacun de repérer la désinformation, les intérêts cachés, la diabolisation de l’adversaire et le refus du débat public. Pourquoi, informés par les satellites russes qui montreraient que ce sont les rebelles qui ont employé ces armes, les Etats-Unis, la France et leurs alliés tirent leurs conclusions avant même toute enquête… 😡
    http://reseauinternational.net/michel-collon-repond-a-rt-au-sujet-des-armes-chimiques-en-syrie-video/

  3. Les fournisseurs
    La France a signé en 1969 avec la Syrie un accord de collaboration scientifique. À l’époque, avec l’aide des Français, un centre de recherche a été crée en Syrie. Il s’agissait, selon les services secrets occidentaux, d’une agence étatique, responsable de la conception et de la fabrication des armes de destruction massive. Dans le même temps ont été créées en Syrie, avec la collaboration de sociétés occidentales, majoritairement françaises et ouest-allemandes, des sites de productions, sous la forme d’usines pharmaceutiques.
    http://reseauinternational.net/dou-viennent-les-armes-chimiques-en-syrie/

  4. Des terroriste d’EILL utilisent des armes chimiques étasuniennes en Syrie : Analyse par Gordon Duff
    Selon un analyste, le groupe terroriste Takfiri de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) a utilisé des armes chimiques de fabrication US lors d’une série d’attaques chimiques à travers la Syrie. Gordon Duff, un rédacteur en chef à Veterans Today, a dit, dans une interview accordée à Press TV, que les armes chimiques utilisées par l’EIIL « sont fabriquées dans un laboratoire américain dans les environs de Tbilissi, la capitale de la Géorgie ».

    Ces armes chimiques et biologiques sont expédiées et transportées par le réseau de la CIA par l’intermédiaire de pays alliés régionaux, vers la Syrie, dit Duff. Il critique fortement le « silence désespérant » des gouvernements occidentaux sur ce problème, disant qu’ils n’ont « rien fait » pour arrêter ces livraisons.

    https://www.youtube.com/watch?list=UUaMH8-gD-ZYyC93vY6GlnCQ&v=VUfgoT9jgRM

  5. La Syrie accuse la France d’être impliquée dans des attaques terroristes à l’arme chimique.
    La Syrie a officiellement accusé le renseignement français d’être impliqué dans une attaque aux armes chimiques ayant visé une périphérie de Damas en 2013.

    L’attaque meurtrière au gaz Sarin ayant frappé la Ghouta (une périphérie de Damas) en 2013 « a été organisée par le renseignement français » a déclaré l’ambassadeur Bashar Al-Jaafari, Représentant de la République Arabe de Syrie auprès de l’Organisation des Nations Unies.
    http://reseauinternational.net/la-syrie-accuse-la-france-detre-impliquee-dans-des-attaques-terroristes-a-larme-chimique/

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