Stratégie nucléaire américaine : Bientôt 1000 milliards de dollars pour relancer les programmes d’armement ?

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Le président Joe Biden a laissé passer sa meilleure chance de concrétiser son objectif déclaré de réduire le rôle des plus de 5 400 armes nucléaires américaines dans la politique de sécurité des États-Unis avec la publication, le 27 octobre, de la Nuclear Posture Review (NPR).

Biden est maintenant le 14e président en huit décennies à tenter de concilier les risques qui découlent des déploiements nucléaires avec les exigences de la dissuasion. Il a découvert combien cela peut être difficile.

La NPR de Biden ajuste la politique et les programmes nucléaires à la marge, sans apporter de changements significatifs aux budgets et aux déploiements du Pentagone. Il a approuvé des dizaines de programmes d’armement nucléaire qui coûteront environ 634 milliards de dollars au cours de cette décennie, selon une évaluation en mai 2021 du Congressional Budget Office. Si l’on inclut dans cette estimation les programmes de défense antimissile, les programmes d’armement ajoutés après le rapport du Congrès et l’inflation prévue, le coût pourrait atteindre près de 1 000 milliards de dollars par décennie pendant plusieurs décennies.

Ceci inclut la poursuite d’un nouveau missile terrestre à longue portée dont la production a été accélérée dans les derniers mois de l’administration Trump sans examiner des alternatives moins coûteuses et moins dangereuses à sa production. Ce seul projet pourrait coûter 264 milliards de dollars au total.

Cet échec n’est pas propre à Biden. Chaque président de l’ère nucléaire a lutté pour contrôler les armes censées être sous sa seule autorité. Cela s’explique principalement par le fait que le dispositif nucléaire américain n’est pas une réponse rationnelle à un environnement de menace externe. Elle est motivée par ceux qui considèrent la supériorité nucléaire comme un outil de pouvoir mondial, par ceux qui utilisent la sécurité nucléaire comme un enjeu politique partisan et par les puissantes sociétés d’armement qui réalisent d’énormes profits en fabriquant, commercialisant et entretenant ces arsenaux de mort.

La question est compliquée par un processus qui donne à ceux qui sont les plus intéressés par la poursuite des programmes nucléaires le pouvoir d’écrire la politique régissant ces armes. Le Pentagone contrôle le stylo. Biden semble avoir conclu qu’il est trop coûteux, en termes politiques, de se battre pour ses opinions, qui incluent des déclarations répétées selon lesquelles les États-Unis n’ont pas besoin d’utiliser un jour une arme nucléaire en premier. Il a laissé le Pentagone lui dicter sa stratégie plutôt que de défier une bureaucratie qui résiste à toute modification des programmes et de la doctrine actuels.

J’ai expliqué ailleurs comment une politique nucléaire plus sûre et plus rationnelle aurait pu inclure, entre autres, la réduction d’un tiers du nombre d’ogives stratégiques déployées, pour le ramener à environ 1 000, la levée de l’état d’alerte des missiles à charge nucléaire, l’adoption des doctrines de non-utilisation en premier ou de finalité unique, et l’obligation de faire appel à un haut fonctionnaire supplémentaire pour autoriser le lancement. Les pactes tels que l’AUKUS encourageant la diffusion de la technologie des armes nucléaires doivent également être repensés.

Mais l’examen de ces mesures et d’autres a été exclu dès le début du processus lorsque le ministère de la Défense a licencié Leanor Tomero, alors secrétaire adjointe à la Défense, que Biden avait chargée de la politique nucléaire et de défense antimissile et qui avait fait pression, conformément aux directives présidentielles de Biden, pour que certaines des alternatives soient examinées. Selon des sources bien informées, le personnel du Pentagone s’est plaint au personnel républicain de la Commission des forces armées du Sénat que Tomero ne soutenait pas suffisamment la « modernisation nucléaire » – l’euphémisme pour désigner la montagne de contrats qui alimentent le dispositif nucléaire.

Tomero a été l’une des premières victimes d’une bureaucratie nucléaire bien établie qui protège férocement ses contrats, son secret et ses privilèges. Comme l’a écrit Sharon Weiner, professeur à l’American University : « L’establishment des armes nucléaires limitera le choix en présentant le tout comme un ensemble imbriqué d’exigences militaires au lieu d’options multiples pour atteindre les objectifs de dissuasion. » Elle avait raison.

Comme l’avait prédit Weiner et comme le reflète le NPR, « Ces options ne permettront probablement, au mieux, que des écarts étroits par rapport au statu quo. »

Le président Bill Clinton a été le premier à publier un NPR en 1994, Biden devrait être le dernier. La politique doit aller de la Maison Blanche aux ministères pour l’exécution, et non l’inverse. Faisons en sorte que ce soit la fin d’un processus de révision de la posture nucléaire imparfait, inadéquat et dangereux.

Source : The bulletin, Joe Cirincione, 28-10-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Via: https://www.les-crises.fr/

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1 commentaire

  1. Le grand satan va se re-armer encore, un pays de malediction dirige par des écervelés et des fils de satan qui ne savent que tuer les humains et détruire l’humanite!

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