Le Sénégal, pays d’Afrique de l’ouest situé dans la zone soudano-sahélienne, est l’un des rares Etats à ne pas connaître de régime militaire après son accession à la souveraineté nationale. Ce pays a connu, jusque-là, des alternances politiques de façon apaisée. Mais voilà que l’actuel Président de la République, une fois au pouvoir par le biais du jeu démocratique, est en train de fausser ses règles.
Par des méthodes non orthodoxes, il musèle son opposition, manipule ses proches politiques en faisant et défaisant les alliances. Les journalistes sont menacés et même mis en prison pour délits de presse, bref ce pouvoir , dans sa pratique, empêche toute alternance politique. Le pire auquel on s’attendait est l’adoption, par le conseil de ministre de la semaine dernière, du projet de révision constitutionnelle qui verra un président et son vice- président se faire élire sur la même liste au suffrage universel direct. Ce qui permettra au vice- président d’occuper le fauteuil du premier en cas de vacances du pouvoir. Que se cache-t-il derrière cette révision constitutionnelle ?
Que veut réellement le président Wade ? Au fait, ce n’est qu’un secret de polichinelle, la volonté du président de se faire succéder par son fils, Karim, qui détient déjà un poste de super ministre et qui est de tous les déplacements de son président de père. Il devient alors évident que, si la révision de la constitution venait à être acceptée par les Sénégalais, Me Wade prendra comme colistier son fils lors de la présidentielle à venir et, en cas de victoire, se retirera plus tard pour laisser le fauteuil présidentiel à son dauphin constitutionnel, en évoquant des raisons de santé.
L’opposition sénégalaise affaiblie, désunie, semble avoir pris conscience qu’elle doit se régénérer, se réveiller, mobiliser la population contre ce calcul politique de la part d’un octogénaire, presque nonagénaire, sénescent voire sénile. Si elle échoue, on assistera à une dynastie républicaine des Wade, précédent fâcheux qui amènera le Sénégal dans une incertitude politique. L’armée pourrait même entrer dans la danse, en s’emparant du pouvoir, toute chose qui est à éviter, car synonyme d’un recul démocratique et politique pour un Etat qui a toujours organisé des scrutins pluralistes.
D’ailleurs, son premier président est le premier chef d’Etat à avoir renoncé, volontairement, au pouvoir la veille du réveillon de 1981, au moment où ses pairs africains s’y accrochaient en s’appuyant sur des partis -Etats et sur l’armée. On peut donc comprendre que l’opposition sénégalaise soit en train de s’organiser pour empêcher le président Wade d’accomplir son dessein, car il y a eu des précédents au Togo et au Gabon où des fils ont succédé à leurs pères de façon constitutionnelle, mais non légitime.
Après les partis politiques de l’opposition, les organisations de la société civile s’organisent pour barrer la route à Wade. L’opération « ne touche pas à ma constitution ! » est déjà en marche.
* Par Gaoussou Madani TRAORE