Plus de 300 personnes ont été tuées en Sierra Leone, selon un bilan qui risque de s’alourdir, dans ce qui pourrait être la pire catastrophe naturelle à avoir frappé l’Afrique ces vingt dernières années. Lundi 14 août, la pluie a provoqué des torrents de boue, des inondations et l’effondrement d’un pan entier de colline dans la commune de Regent, dans la banlieue de Freetown.
Des centaines de morts, des milliers de sans-abris. Une catastrophe sans précédent, dans un pays qui se remet à peine de l’épidémie d’Ebola et qui garde encore les séquelles de la guerre civile. « Notre nation est une nouvelle fois saisie par la douleur du deuil ». C’est par ces mots que le président Ernest Bai Koroma a appelé, lundi soir, à l’unité des Sierra-Léonais. Selon un bilan encore provisoire et qui risque de s’alourdir, au moins 312 personnes ont été tuées et plus de 2 000 personnes se retrouvent sans-abri.
« Beaucoup de nos compatriotes ont perdu la vie, beaucoup plus encore ont été gravement blessés, et des millions de dollars de biens ont été détruits par les flots et les glissements de terrain qui ont touché Freetown », a-t-il déclaré lundi soir dans un discours retransmis à la télévision nationale, lundi soir. « Toutes les familles, tous les groupes ethniques, toutes les régions ont été directement ou indirectement touchées et affectées par ce désastre », a-t-il ajouté.
Regent, épicentre de la catastrophe
Le chef de l’État a également annoncé l’ouverture d’un centre de réponse d’urgence dans le quartier de Regent, dans la banlieue de Freetown. Située à l’est de la capitale sierra-léonaise, c’est la zone qui a été la plus touchée.
Ernest Bai Koroma a également remercié les militaires, la police et les volontaires de la Croix-Rouge déployés depuis l’aube, lundi, pour tenter de secourir les victimes. Le premier objectif est désormais de recenser les sinistrés et de compter et identifier les disparus.
Tout est allé très vite, lundi matin, à Regent. Il était aux environs de 4h, heure locale, quand des torrents de boue ont provoqué des glissements de terrain qui ont emporté des quartiers entiers. La plupart des victimes ont été surprises dans leur sommeil. Très vite, les hôpitaux ont été submergés.
« Je suis allé à l’hôpital Connaught et j’ai vu la morgue remplie de cadavres. J’ai croisé beaucoup, beaucoup de gens qui venaient identifier leurs proches. Il y avait énormément de monde », raconte Edward Conteh, habitant de Freetown joint par la rédaction de RFI en anglais.
« Je pense qu’il faut s’attendre à un bilan bien plus lourd, au moins 700 personnes, peut-être même plus », avance Edward Conteh.
Sur place, les opérations de secours se sont poursuivies lundi tout au long de la journée. Elles ont repris ce mardi, tant bien que mal, tant les conditions sont difficiles. « Nos équipes travaillent dur, mais il y a des bidonvilles touchés [qui] ce ne sont pas des zones sûres », explique Nasir Khan, chef adjoint de la Croix-Rouge à Freetown.
« Toute une colline s’est effondrée et a emporté des installations entières qui étaient faites de boue et qui étaient habitées par 2 à 3 000 personnes. Voilà où l’on en est. On ne voyait rien. Il n’y avait aucune infrastructure. Il y avait plus de 50 maisons de ce type. Et il n’y a plus rien », raconte-t-il.
Des familles entières ont été englouties dans leurs propres maisons selon Save de Children. L’ONG alerte également sur les risques de développement des maladies liées à l’eau dans les jours qui viennent.
Quelle sont les causes d’un tel désastre ? S’il est encore trop tôt pour pointer d’éventuelles responsabilités, certains accusent déjà les services météorologiques de ne pas avoir donné l’alerte. D’autres soulignent l’urbanisation anarchique, le manque d’entretien des canalisations ainsi que la déforestation massive.
« On n’aurait jamais imaginé que des zones comme Regent puissent être touchées par des inondations. Regent est un tout nouveau quartier de la ville, il s’est développé récemment avec l’arrivée des populations. A première vue ce sont des constructions de bonne qualité, des maisons solides », assure l’urbaniste Jospeh Macarthy, joint par RFI.
Co-directeur du Centre de recherche urbain de Sierra Leone, qui étudie l’évolution des villes dans le pays, il souligne également que les habitations « ont été installées sans plan directeur, et sans les infrastructures adéquates ».
Selon lui, « les terrains n’ont pas du tout été préparés pour recevoir ces nouvelles construction ».En cause, selon cette urbaniste, « la déforestation massive » , qui a gravement détérioré les sols des collines entourant la capitale de la Sierra Leone. « Les fondations des maisons n’étaient donc pas assez solides, et c’est pour cela que nous pouvons observer des dégâts aussi considérables. »
Une explication conjoncturelle à laquelle l’ONG Society for Climate Change (S4CC) ajoute une autre, plus globale : « Les gens ne sont pas habitués à ce type de météo, même si cela s’est produit l’année dernière également. Ils se sentent en difficulté maintenant, ils ont l’air vraiment paniqués », soulignait hier au micro de RFI Alfred Formah, directeur exécutif de S4CC, rappelant par ailleurs que « la Sierra Leone est le pays le plus durement touché par les changements climatiques et le plus affaibli par cela, derrière le Bangladesh et la Guinée-Bissau ».
Publié le 15-08-2017