La Sierra Leone était vendredi à la veille d’élections déterminantes pour la consolidation de la démocratie, dix ans après la fin d’une des guerres civiles les plus sanglantes de l’histoire récente de l’Afrique qui, de 1991 à 2002, a fait quelque 120.000 morts.
La campagne pour ces élection générales – présidentielle, législatives, régionales et municipales – s’est achevée jeudi soir par un meeting à Freetown du principal candidat d’opposition à la présidentielle, Julius Maada Bio, qui pourrait mettre en difficulté le chef de l’Etat sortant Ernest Koroma.
Devant quelque 50.000 militants et sympathisants de son parti, le Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), Julius Maada Bio a averti qu’il n’accepterait pas “une autre élection truquée” comme en 2007, remportée par M. Koroma.
Le SLPP avait alors dénoncé des irrégularités dans près de 500 bureaux de vote, mais les observateurs du scrutin avaient estimé qu’elles ne remettaient pas en cause la victoire d’Ernest Koroma.
“En 2007, nous avons perdu une élection très controversée”, a affirmé M. Maada Bio. “En 2012, le SLPP est de retour, plus fort que jamais” et “je veux vous assurer qu’une élection régulière donnera la victoire au SLPP”.
Julius Maada Bio, un ancien général ayant participé à un coup d’Etat en 1992 et brièvement dirigé la junte militaire en 1996 avant de rendre le pouvoir au président élu Tejan Kabbah, a mené sa campagne sous le slogan “Un pays, un peuple”, alors que les atrocités de la guerre sont toujours dans les esprits.
Comme dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, les divisions politiques recoupent le plus souvent les divisions ethniques en Sierra Leone: le SLPP est essentiellement soutenu par les ethnies du Sud et de l’Est le Congrès de tout le peuple (APC) du président sortant par celles du Nord et de l’Ouest.
Campagne sans violence
La campgagne électorale s’est cependant déroulée sans violence, hormis quelques incidents sporadiques.
Ernest Koroma, 59 ans, élu en 2007 et qui se présente pour un deuxième et dernier mandat de cinq ans, est donné favori à la présidentielle.
Mais Julius Maada Bio, 48 ans, qui a réussi à se rallier le soutien d’une grande partie de jeunes frappés par le chômage, pourrait le contraindre à un second tour et créer la surprise, selon les observateurs.
Le président sortant a su attirer de nombreux investisseurs pour reconstruire les infrastructures de base détruites (routes et réseau électrique) pendant la guerre civile, mais ce n’est pas suffisant, estiment les partisans du SLPP et de son candidat.
“La majorité du peuple souffre dans ce pays”, affirme l’un d’eux, Mohamed Jango, 43 ans, qui travaille dans un agence de publicité. “Tout le monde ne va pas profiter des routes (…) tout le monde n’a pas de véhicule”, dit il.
Un autre, Ibrahima Ba, juge les améliorations apportées par le régime Koroma “cosmétiques”. “Avoir à manger juste pour un jour est diffcile”, dit-il.
Pays aux ressources naturelles considérables – diamants, bauxite, or, minerai de fer et pétrole sur le point d’être exploité – la Sierra Leone a une économie fragile et les revenus de ses richesses sont mal répartis.
Le taux de chômage chez les jeunes, majoritaires au sein d’une population de près 6 millions de personnes, varie de 60% à 65%. Le taux de mortalité maternelle et infantile reste l’un des plus élevés au monde et l’espérance de vie est de seulement 47 ans.
Le porte-parole du gouvernement, Unisa Sesay, qui prévoit une victoire de M. Koroma avec 65% des voix au premier tour, a affirmé que l’Etat est en train de “créer un environnement permettant au gens de gagner suffisamment d’argent pour vivre”.